Le souverainisme est mort, vive l'indépendance!

je refuse de croire que l'échec des baby-boomers marque l'échec du projet national québécois

La Nation - bilan et stratégie


[Cher M. Turcotte->Faut-il-tirer-la-ligne-sur-l] ,
Votre constat est juste sur un point, injuste sur l'autre. Il est vrai que
le souverainisme a échoué, mais je refuse de croire que l'échec des baby-boomers marque l'échec du projet national québécois. Plutôt, je crois
que c'est des rangs de la nouvelle génération, la mienne, qu'émergera le
véritable mouvement vers l'indépendance du Québec. La question qu'il faut
se poser, c'est pourquoi le souverainisme a échoué? Il a échoué parce qu'il
manquait de la conviction intégrale, celle du peuple, bien sûr, mais aussi
celle des élites. Cependant, je crois qu'il est possible de construire sur
l'échec des baby-boomers, de constater, tout d'abord, comme vous le faites,
avec une grande lucidité, cet échec, puis de se questionner sur le
pourquoi.
Pourquoi le souverainisme a-t-il échoué?
Parce qu'il n'a pas eu la conviction d'être purement et simplement
indépendantiste, mais s'est plutôt rabattu sur un compromis minable, le
souverainisme, fondé sur l'idée que l'“indépendance” du Québec passe par
une négociation. Or, il est clair qu'une nation qui quête son existence ne
la mérite pas. Il faut donc abandonner, à mon sens, le terme
“souverainisme”, lié au baby-boomers, au trait-d'unionisme, et au PQ.
Plutôt, il faut définir l'indépendantisme en opposition directe à cette
thèse. Cela implique aussi qu'il faille dépasser, d'une manière ou d'une
autre, le PQ, qui en est à son dernier droit. Cela implique finalement, au
niveau du leadership, une rupture générationnelle, entre les baby-boomers
et la génération qui la suit.
Le souverainisme, aussi, a échoué, parce qu'il n'a pas eu la force de
reconnaître l'ennemi numéro un de la nation québécoise, qui n'est pas le
gouvernement fédéral, ni les communautés ethniques, ni l'argent, mais bien
le bloc anglais en territoire québécois. Au lieu de contester les
privilèges attribués à cette minorité nationalement canadienne, les
souverainistes chantent tous qu'il faille “reconnaître leurs droits
historiques”. Non, c'est bien le contraire, il faut refuser le statut
quasi-constitutionnel de ladite communauté anglophone du Québec, et les
privilèges qui y sont attachés. Comment consolider une nation québécoise au
Québec si cette nation est cassée, fendue, rompue et brisée en son sein par
le bloc canadien du Québec?
Enfin, le souverainisme a échoué parce qu'il n'était pas assez ambitieux,
préférant attendre que le pays se fasse pour le définir... comment peut-on
vraiment fonder un pays sans une vision claire? C'est comme dire: changeons
de statut, et après, on verra ce qu'on fera... Comment les citoyens
peuvent-ils être enchantés, motivés, mobilisés par un projet de pays
non-défini? Cette stratégie minable a aussi un autre écueil, outre le fait
de démobiliser, elle est confuse, car elle ne permet pas à un citoyen
potentiellement indépendantiste de savoir où l'on va, mais surtout,
pourquoi l'indépendance est nécessaire. Que fera-t-on de l'indépendance?
Cette question doit trouver réponse avant de pouvoir convaincre quelqu'un
de sensé de voter pour l'indépendance.
Le souverainisme a aussi échoué pour une raison sociologique: il n'y a
pas, au Québec, d'élites de l'indépendance. Je m'explique: notre nation,
celle des premiers colons français, a été décapitée, lors de la conquête.
Les élites qui existaient sont reparties, puis ont été remplacées par les
élites anglaises. L'Église a éventuellement fait office d'élite culturelle
de la nation dominée. Enfin, à l'ère du PQ, très récente, notons-le, il y a
eu une tentative de constituer des élites politiques, d'administration
publique et économiques; cependant, comme vous le savez, ces élites sont
encore, dans leur comportement et leur mentalité, des élites
provincialistes, néo-colonisées, ce ne sont pas des élites nationales,
dignes de ce nom, ni a fortiori des élites de l'indépendance, capables de
mener la nation vers son destin historique, qui est d'être indépendant.
Le souverainisme a aussi échoué pour une autre raison, plus subtile
celle-là, celle du repli français, le repli du Québécois sur son héritage
français face à la menace anglaise. Il s'agit là d'un piège, d'un écueil,
car le Québécois n'est ni Français, ni Anglais, il est, dans sa spécifité,
Québécois. Ce repli se constate, notamment, au niveau de la langue, et de
la religion, car ce sont, peut-être, les deux principaux legs français au
Québec. L'État n'a pas à promulguer une grammaire, ni à adopter une
religion d'État, cependant, il peut valoriser le fait linguistique
québécois, par l'étude, la recherche et l'éducation, et peut aussi prendre
acte de l'anomie signifiante des Québécois de manière progressiste, en
mettant en place des mesures qui favorisent une recomposition, digne de la
modernité, et non un simple repli de village sur l'Église et son curé.
Si on veut continuer cette petite diatribe, disons que le souverainisme a
aussi échoué, je crois, par manque de vision post-indépendance en matière
d'intégration continentale. Le projet de Landry de former une union avec le
Canana est bâtard et sans vision. C'est un projet bâtard, parce que, de
fait, économiquement, le Québec est plus intégré aux États-Unis qu'au
Canada. Il faut donc voir, dans la dernière indépendance des Amériques,
celle du Québec, une opportunité de donner une impulsion à une grande Union
des Républiques des Amériques, bref, un projet continental, pleinement, qui
sache enflammer les consciences et consacrer dans les Amériques,
politiquement, une réalité en émergence, celle de la naissance, graduelle,
pénible, d'une nouvelle civilisation, celle des Amériques.
Enfin, septième point, le souverainisme a échoué parce qu'il devait
échouer. C'est, en effet, dans l'ordre naturel des choses qu'une nation,
pleine et entière, n'émerge pas de nulle part. Il est normal d'avoir une
phase autonomiste-affirmationiste (Duplessis-Lesage), une phase trait
d'unioniste-souverainiste (Lévesque-Parizeau), puis, enfin, une phase
indépendantiste. Il faut cependant avoir la lucidité de reconnaître que
cette phase, la dernière, reste à construire, et qu'elle peut s'appuyer,
mais non de fonder, sur les expériences du passé. Ce que l'on constate, au
Québec, c'est la survivance, et parfois le retour, des élans passés,
dépassés, mais il ne faut pas s'y tromper, l'avenir est à
l'indépendantisme, je le dis, le déclare: le souverainisme est mort, vive l'indépendance!
David Poulin-Litvak
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --

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[Campagne pour une Assemblée citoyenne sur la réforme du mode de scrutin au Québec ->http://www.assemblee-citoyenne.qc.ca/]





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2 commentaires

  • Normand Perry Répondre

    4 janvier 2008

    La vision décrite par Nestor Turcotte est empreinte d'un réalisme typiquement aristotélicien, et pour quiconque possède un tant soit peu de bagage philosophique, a une petite idée de comment est perçu dans l'esprit de tout animal raisonnant que nous puissions être le sens de "réalisme aristotélicien".
    Je partage ce constat de Nestor Turcotte. Au lendemain de la publication récente de statistiques sur le recul du fait français au Québec, j'ai froidement analysé la situation de la manière suivante : nous avons perdu la bataille du nombre (au plan démographique) et mathématiquement parlant, l'indépendance du Québec sera bientôt irréalisable par les méthodes de démocratie usuelle. A moins que le nombre d'enfants par famille atteigne une moyenne de 3,5 et plus, nous nous dirigeons tout droit vers un point de non-retour, et par conséquent la souche francophone de la population québécoise deviendra minoritaire au sein même du Québec d'ici à plus ou moins un demi siècle.
    Faire preuve de réalisme aristotélicien est d'avoir la capacité et le courage de regarder la réalité en face. Sans cette capacité et ce courage, les solutions impératives ne pourront jamais s'imposer d'elles-mêmes, et ce n'est pas la première fois que je l'affirme par ailleur !
    Normand Perry
    Libre penseur indépendant.

  • Luc Bertrand Répondre

    3 janvier 2008

    Messieurs Turcotte et Poulin-Litvak, quelles réflexions empreintes de lucidité et de rétrospection vous nous offrez, lectrices et lecteurs de Vigile.net, pour amorcer cette nouvelle année 2008!
    J'endosse totalement votre constat vis-à-vis du Parti Québécois en tant que véhicule politique pour réaliser démocratiquement la liberté nationale du peuple québécois. Pour les jeunes ou celles et ceux qui ne voient aucune utilité ou nécessité de faire l'indépendance du Québec, l'alternative de Québec que vous choisissez ainsi, par défaut, inconscience ou choix éclairé, est la soumission à une nation étrangère qui s'est bâtie, au fil des siècles, par l'impuissance politique que nous a imposé le vainqueur de 1760, notre repli sur soi et l'attrait socio-économique des immigrants pour ce qui est devenu les États-Unis, l'Ontario et, plus tard, l'Alberta, ayant amené l'établissement inéluctable d'une superpuissance et d'une nation effective de langue anglaise.
    La réalité de la situation du français que vient à nouveau nous confirmer Statistique Canada et la politique de soumission des partis politiques québécois à cette situation font effectivement en sorte que le PQ en est à sa dernière chance pour convaincre les Québécois(e)s de la nécessité de faire l'indépendance. Le combat que Jean-Claude St-André a entrepris au sein des plus hautes instances du parti est le dernier espoir des indépendantistes pour pouvoir compter sur ce parti comme véhicule politique en vue de mener à terme leur objectif. Autrement, par conviction ou par dépit, tou(te)s devront se rabattre sur le Parti Indépendantiste (PI) pour convier les Québécois(e)s à créer le pays leur permettant de s'assumer comme peuple de langue française.
    Il est effectivement désolant de constater qu'une classe de société de la génération qui est issue du système d'éducation laïc que nous nous sommes donné dans les années 1960 ait préféré le confort matériel illusoire de notre statut de province au combat pour sa survie identitaire. Qu'il ait agi de cette manière par cupidité, négligence ou ignorance est maintenant secondaire. Ce sera à celles et ceux qui ont refusé cette facilité ainsi qu'aux générations suivantes d'en tirer les leçons nécessaires et d'agir pour faire le pays avant qu'il soit trop tard. Que ce soit le PQ ou le PI qui s'avère l'alternative pour atteindre le but, personne ne gagnera en évitant le débat de fond nécessaire pour rendre convaincant notre projet au peuple québécois.