Le retour des artistes dans le débat politique

Aberration circonstancielle d’une énergie fossile en extinction ou développement durable?

Tribune libre 2008

Les artistes sont critiqués quoiqu’ils fassent. S’ils prennent position pour le Bloc québécois on les dira partisans, s’ils concentrent leurs attaques contre les dinosaures de la Art-Peur, ils ne sont dès lors que de molestés mollassons de la demi-mesure.

De mémoire de citoyen, c’est la première fois qu’un enjeu culturel et artistique fait l’objet, lors d’une campagne électorale canadienne ou québécoise, de tant d’attention et si longtemps.
Aberration ou révolution culturelle ?
Les artistes protestant contre les coupures de la Art-Peur, réagissant au retour de vague partisan anti-artistes, sont coincés entre d’un côté, un Mario Roy qui dans La Presse ( 2008 09 19 «  L’opinion artistique  » ) s’inquiète d’un supposé unanimisme souverainiste partisan des artistes, et de l’autre côté du spectre les artistes essuient les critiques de Joseph Facal qui déplore dans le JDM-JdQ, du 2008 09 24 «  Les clowns sont tristes  » que les artistes n’aient pas eu « le réflexe de tirer une conclusion politique conséquente d’un tel épisode... et de le dire. », et de Patrick Lagacé qui écrit dans La Presse du 2008 09 24 – «  Le Téléthon  » « Mon malaise, hier soir au Club Soda, il était là. Dans la demi-mesure de l’engagement. Dans la mollesse du discours politique. Vous ne voulez pas Harper, d’accord. Vous voulez qui, alors ? », sans parler des courriers des lecteurs qui abondent dans un sens ou dans l’autre, ( Le Devoir «  Le lobbying amateur des artistes  » ).
Nous ne sommes pas habitué(e)s dans une campagne électorale où l’on est censé parler des «  vrais affaires » à faire autant de place à la culture, à l’art, aux artistes, car comme chacun sait, les affaires culturelles, ce ne sont que des broutilles et il n’y a rien d’étonnant à ce que les artistes laissent les commentateurs dubitatifs, inquiets, surpris ou sceptiques. Que cela dure un jour, deux jours, mais 10 jours... Aberration ou révolution culturelle ?
La charge conservatrice s’attaque aux artistes et persiste et signe. Pourquoi ?
La charge des conservateurs est délibérée et s’assume du haut en bas de la hiérarchie de la droite. Il est question de provoquer une sortie des artistes pour mieux les attaquer en embuscade isolément du reste du troupeau. Les loups ont préparé le coup de main de maître peu avant le déclenchement de la campagne électorale alors pas encore annoncée. Les pages papier, et Internet des Courriers des lecteurs, de Forums et autres blogues, se noircissent d’appels aux plus bas instincts, les artistes sont «  gâtés  ». Les propos de la candidate Myriam Taschereau viennent appuyer, encourager l’effort partisan d’une droite fière maintenant de prendre la parole après plusieurs décennies de silence imposé depuis le raz-de-marée de la contre-culture des années 70. L’heure de leur revanche a sonnée. Et c’est tant mieux, l’écologie moderne de prise pas du tout l’éradication des loups. Leur disparition affaiblit l’écosystème. Leur réapparition aiguise les réflexes de survie des troupeaux endormis par leur indifférent confort ainsi que ceux des chiens de bergers.
La sortie des loups de basse condition envahissant les environs des pacages médiatiques, alimentée par une candidate au bas de l’échelle des états-majors conservateurs est rapidement accréditée par la ministre Verner, puis finalement confirmée ensuite par le Premier ministre sortant de la Art-Peur . Comme si la montée de lait de la base n’avait pas été d’abord l’effet d’un mot d’ordre. Comme si cela se passait de bas en haut de la hiérarchie de droite ! Alors qu’il s’agit bien du contraire, la preuve, c’est qu’il s’agit toujours du seul et même message, simple, et supposé efficace ! ? L’est-il tant que ça ? Si le Premier ministre sent le besoin de persister et signer le dénigrement de l’art et des artistes, c’est que ce que la clameur minoritaire conservatrice enfonçant les artistes, n’est pas vraiment parvenue à se faire passer pour la majoritaire opinion publique de tout un peuple. Cela contredisant ce qu’on a déclaré un peu trop tôt à l’effet que les artistes auraient perdu la bataille de l’opinion publique. ( Michel Fréchette dans Le Devoir du 2008 09 20 ( Vigile - «  Les artistes perdent la guerre de l’opinion publique  » ), sous prétexte que le peuple ne s’est pas levé d’un seul trait pour sortir dans la rue pour appuyer les artistes.
D’autres ont des doutes. On ne sait plus trop... Josée Legault à propos de «  Harper et la culture  » : « Oh boy !... Ça sent l’improvisation. Et pas à peu près... » ( Voir 2008 09 18 ).
Bataille perdue des artistes ou des conservateurs ?
Je ne parierais pas sur un supposé impact nul ou éphémère de ce à quoi on assiste actuellement. Je dirais même que si la clameur anti-artistes actuelle a été si cinglante, si la minorité partisane de droite qui en est le fer de lance s’active autant, si le Premier ministre s’en fait même l’écho, c’est justement non pas parce qu’elle colle à l’opinion publique, mais bien parce qu’on veut plutôt tenter de le faire croire pour en changer le cours.

Les Québécois sont derrière les artistes. La majorité se fait une juste idée des difficultés liées au statut de l’artiste qui est loin d’être « gâté ». Le «  J’aurais voulu être un artiste  », l’exprime bien a contrario, « ... J’aurais voulu, mais ne l’ai pas fait parce je sais trop bien qu’on y mange de la vache enragée ».

Les Québécois majoritairement aiment ses artistes, et encore plus quand ils se tiennent debout et prennent la parole pour la souveraineté, pour l’écologie, pour la paix, pour l’aide aux pays développés, contre l’impérialisme culturel, politique et économique, pour la cause des démunis et autres froids refuges des shows bénévoles qui les financent. Voilà qui est politique et qui mobilise une minorité de droite qui voudrait les faire taire.
La montréalisation du Québec et les artistes du Plateau ! Vraiment ?

Quant au fait que les collectivités locales des régions s’en prendraient aux artistes du Plateau montréalais, à Roy Dupuis par exemple qui défend les rivières, je comprends mal qu’on fasse mine d’oublier que la montréalisation du Québec, ( que les régions à bon droit dénoncent, moi le premier ), fait en sorte que les artistes vivant maintenant Montréal sont en majorité originaires de toutes les régions du Québec. Comme s’ils et elles avaient toutes et tous oublié d’où ils et elles viennent. M. Roy Dupuis a passé son enfance à... Amos, Abitibi-Témiscamingue. Lui retirer le droit de se prononcer sur la nature de son enfance n’est encore que le fait d’une minorité d’obscurantistes qui ne reculent devant rien pour dire n’importe quoi et son contraire. Gilles Vigneault, Richard Desjardins, Marie Tifo, André Robitaille, Roy Dupuis, Ariane Moffatt, et des dizaines d’autres, parmi les plus connus, sont des enfants des régions du Québec qui ont droit de penser, de parler, même de régions du Québec qui ne sont pas proprement les leurs.
Si en 1980 les artistes ont voté à 86% pour la souveraineté, à peine plus que certains comtés francophones en 1995, c’est qu’ils ont perçu, annoncé, ce qui allait advenir. C’est bien ça qu’on veut tuer en s’attaquant aux artistes, comme l’ont délibérément fait les Conservateurs à la veille du déclenchement des élections. La vraie affaire, c’est qu’ils veulent empêcher les artistes d’exprimer l’âme ce de peuple quand elle s’exprime hors la contrainte, la menace et le chantage. Cette expression est intolérable parce qu’elle n’est pas sensible à la contrainte, à la menace ou au chantage. On s’est attaqué aux artistes parce que leur expression est intolérable et qu’elle mine l’efficacité de la contrainte politique, de la menace de représailles économiques et du chantage émotif que les canadianisateurs exercent depuis la Conquête. Les coupures ne sont qu’un prétexte pour que les artistes montent au front, si possible seuls. On les a attirés dans une embuscade pour les isoler en espérant qu’en agitant les pires préjugés, le peuple les reniera. On pense que ce peuple aura forcément peur de sa propre âme et qu’il voudra forcément la vendre au plus offrant des diables. C’est la Chasse-galerie des temps modernes. Le pari des conservateurs est risqué, mais nous avons affaire à des boutefeux jusqu’auboutistes. Ils n’ont pas le choix, ils ont le dos au mur. Pour eux, ça passe ou ça casse.
Ça passe ou ça casse.
Ça va casser, on ne s’attaque pas impunément à l’âme d’un peuple. Le peuple du Québec appuie ses artistes qui ne font qu’exprimer le tréfonds de son âme. Cela est intolérable pour les canadianisateurs, et franchement, ils ont raison de s’en inquiéter, mais certainement pas parce que les artistes font fausse route, ou qu’ils seraient unanimistes, mais bien parce qu’ils disent tout haut de diverses façons, ce que le peuple du Québec ressent au plus profond de ce qui l’anime peu importe l’État qui prétend le gouverner à bon droit : le sentiment d’être, d’exister, distinct des autres peuples, peuple libre et souverain. Ça, c’est intolérable pour les canadianisateurs !
Luc A.
www.luc-archambault.qc.ca
RÉPLIQUE À MARIO ROY «  L’opinion artistique  »
Luc ARCHAMBAULT - Tribune libre de Vigile - 24 septembre 2008
Les artistes perdent la guerre de l’opinion publique - Vraiment ?
Luc ARCHAMBAULT - Tribune libre de Vigile - 21 septembre 2008
Réplique à Yves Boisvert
Pas fous, mais colonisés !
Entre autres choses, par la mainmise fédérale sur la « souveraineté culturelle » du Québec !
Luc ARCHAMBAULT 22 septembre 2008


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