Réplique à Mario Roy

«L’opinion artistique»

Harper et la culture

L’âme d’un peuple s’exprime hors les menaces, la contrainte et le chantage par la voix des artistes. Les artistes sont des professionnels de la contrainte, de la commande, du conformisme des règles de l’art qu’ils parviennent à transcender quand ils sont de vrais artistes.

D’après M. Mario Roy, dans son texte «  L’opinion artistique !  » les artistes « atteints d’une telle unicité de pensée – parfois belliqueuse et intolérante – par rapport aux enjeux sur lesquels la société, elle, est profondément divisée, ne cesse[nt] de surprendre. Et, franchement, d’inquiéter un peu. »
Unicité de pensée par rapport à une société profondément divisée ! De quelle unicité de pensée s’agit-il pour qu’elle « inquiète » tant ? Et qui inquiète-t-elle ? « Moins de 1 % des artistes s’identifient simplement comme Canadiens ». Quelle horreur ! Les artistes sont des nationalistes, ils se disent Québécois. Quel est le problème ?!
« Au référendum de 1980, les artistes ont voté oui à hauteur de 86 % ; c’est plus du double de la population générale (40 %) ». 86%... c’est beaucoup... mais ce n’est pas le Pérou... on n’a déjà vu pire dans de vrais pays totalitaires ou... du côté anglophone... 95% dans leur cas... Ça, ce n’est pas unanimiste... !? L’unanimisme ce n’est pas seulement 86%. L’unanimisme c’est 100%. 50% - 1, de plus que 50% + 1. 86% ce n’est que 20 à 26% de plus qu’une majorité qualifiée, celle que certains canadianisateurs voudraient imposer pour « briser un pays ». Faudrait savoir ! 86% C’est à peine 16% de plus que le vote de certains comtés francophones au référendum de 1995. Pas plus du double. L’écart est 3 fois moindre.
Les sophistes comparent des beignes avez des bananes. Phoque ! Pour comparer une certaine catégorie de personne il faudrait non pas la comparer à toutes les personnes, mais à d’autres catégories de personnes. Par exemple, comparer les artistes avec un groupe particuliers de professionnels, le personnel enseignant par exemple, ou les fonctionnaires, ou les travailleurs syndiqués, pas le comparer à l’ensemble d’une collectivité qui entre autres choses, comprend une catégorie de 20% du tout, qui vote à 95% voire 98% contre ce à quoi adhérent les artistes.
La société québécoise est divisée sur la souveraineté ? Les Québécois ne sont divisés que parce qu’on les menaces de représailles économiques, politiques, émotives et culturelles, parce qu’on fait du chantage, économique, politique et émotif. Les Québécois auraient majoritairement voté pour la souveraineté de l’État depuis longtemps si de tels chantages ou menaces n’avaient pas cours. Les Québécois veulent un État où ils seront maîtres chez eux, un État qui est fondé sur le peuple démocratique et souverain. La division ne porte non pas sur le principe, mais sur la manière de le mettre en pratique. Les Québécois sont majoritairement d’accord sur le fait qu’ils rejettent le Canada tel qu’il est, rejettent la Constitution rapatriée de 1982, tous les partis politiques fédéralistes et souverainistes du Québec rejettent cette Constitution. Pourquoi les artistes devraient être divisés à cet égard plus que ne le sont les Québécois ? Les artistes appuient très majoritairement celles et ceux qui fondent leur action politique sur ce que le peuple désire, hors les menaces et les chantages. En quoi cela serait inquiétant ?

Conformistes les artistes ! Bien sûr qu’ils le sont. Ils se conforment à ce qu’ils sentent, et ce qu’ils sentent, c’est que sans menace ni chantage, le peuple souverain du Québec désire un État qui se fonde sur lui, démocratiquement et non pas imposé d’en haut, comme l’est l’actuel Canada.
Soit dit en passant, en ce qui concerne l’anti-états-unianisme supposé de tout un chacun, les artistes ne sont pas anti-états-uniens, ils sont anti-impérialistes, nuance ! Ils ne sont pas contre le peuple états-unien, ils sont contre les politiques impérialistes de leur système économique et politique. Quant aux vrais anti-états-uniens, celles et ceux qui mépriserait l’ensemble du peuple des Etats-Unis, qu’ils se fassent soigner ! Je suis tout à fait d’accord pour les tancer, mais encore faudrait-il qu’ils soient vraiment xénophobes, et non pas simplement anti-impérialistes.
Inventer un supposé anti-états-unianisme, pour taper sur la tête des anti-impérialistes, est sophistique. Comme l’est le fait d’inventer un supposé unanimisme pernicieux qui n’en est pas un. Qu’il y ait un décalage entre les artistes et le peuple, entre les artistes et certaines élites politiques, est tout à fait normal. Que les artistes s’entendent sur le souhaitable avènement d’un État fondé par le peuple souverain du Québec tel qu’il le souhaite, n’est pas différent du patriotisme des artistes états-uniens, français, canadiens. Les artistes pressentent en majorité qu’il n’y a rien de dangereux, de pernicieux, à ce désir des Québécois de se gouverner eux-mêmes. Ce n’est pas par « conformisme » tel qu’on l’entend de manière dénigrante, c’est une question d’affinité avec le senti de leur peuple, hors contrainte et menace. Justement parce que les artistes sont des artistes quand et parce qu’ils savent transcender la contrainte et les menaces qui sont leur lot quotidien.
Du reste, l’art, n’est anticonformisme qu’en vertu d’une vision étriquée de l’art. L’art, la pratique artistique sont fait de conformisme absolu. Il y a des règles à suivre, à transgresser. On ne peut les transgresser que parce qu’on en connaît et maîtrise bien leurs inextricables tenants et aboutissants, et cela se fait toujours non pas sans règle mais en en inventant d’autres, à l’infini. Ce qui fait du conformisme une constante connue et maîtrisée par les artistes.
Cependant, en matière d’art, une seule règle ne peut jamais être transgressée. C’est celle du senti, de l’intuition, de la conviction profonde. Aucun conformisme ne peut permettre que les artistes renoncent à leur senti. Sinon, c’est la faillite, l’échec, la huée. On peut faire des fautes, se tromper de texte, dire n’importe quoi, réciter du par cœur, mais quand l’artiste renonce à son senti, à ce qui émane du plus profond de lui, hors toutes contraintes, hors toute commande, c’est l’échec. Cela se sent. Or, nos artistes réussissent. Partout dans le monde...
Ce que majoritairement perçoivent les artistes, et ils le disent, c’est ce qu’ils sentent émanant des entrailles de ce peuple souverain du Québec. Ce qui en émane, c’est son désir de vivre dans un État qui émane nommément de lui, un État où il sera enfin maître chez lui. Il n’y a aucune surprise ni inquiétude à ce que l’opinion artistique soit presqu’unanime à cet égard, n’en déplaise aux agitateurs d’opprobres et pourfendeurs d’artistes.
Si en 1980 les artistes ont voté à 86% pour la souveraineté, à peine plus que certains comtés francophones en 1995, c’est qu’il ont perçu, annoncé, ce qui allait advenir. C’est bien ça qu’on veut tuer en s’attaquant aux artistes, comme l’ont délibérément fait les Conservateurs à la veille du déclanchement des élections. Il veulent empêcher les artistes d’exprimer l’âme ce de peuple quand elle s’exprime hors la contrainte, la menace et le chantage. Cette expression est intolérable parce qu’elle n’est pas sensible à la contrainte, à la menace ou au chantage. On s’est attaqué aux artistes parce que leur expression est intolérable et qu’elle mine l’efficacité de la contrainte politique, de la menace de représailles économiques et du chantage émotif que les canadianisateurs exercent depuis la Conquête. Les coupures ne sont qu’un prétexte pour que les artistes montent au front, si possible seuls. On les a attiré dans une embuscade pour les isoler en espérant qu’en agitant les pires préjugés, le peuple les reniera. On pense que ce peuple aura forcément peur de sa propre âme et qu’il voudra forcément la vendre au plus offrant des diables. C’est la Chasse-galerie des temps modernes. Le pari des conservateurs est risqué, mais nous avons affaire à des boutefeux jusqu’auboutistes. Ils n’ont pas le choix, ils ont le dos au mur. Pour eux, ça passe ou ça casse.
Ça va casser, on ne s’attaque pas impunément à l’âme d’un peuple. Le peuple du Québec est avec ses artistes qui ne font qu’exprimer le tréfonds de son âme. Cela est intolérable pour les canadianisateurs, et franchement, ils ont raison de s’en inquiéter, mais certainement pas parce que les artistes font fausse route, mais bien parce qu’ils disent tout haut ce que le peuple du Québec ressent au plus profond de ce qui l’anime : le sentiment d’être, d’être libre et souverain.
Luc A.


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1 commentaire

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    24 septembre 2008

    À la question de "jevotepourlaculture" et pourquoi, réponse fournie:
    "M. Guy Rocher définit la culture comme un ensemble lié de manières de penser, de sentir, d’agir constituant une collectivité distincte. Une culture peut-elle confier son sort aux gestionnaires d’une autre culture? Le « multiculturalisme » canadien vise à l’épanouissement en parallèle de toutes les cultures qui continuent à s’implanter au pays. Un gouvernement centralisateur ne peut donc permettre à la culture d’expression française de se distinguer par ses représentants remarquables de par le monde.
    La sénatrice Andrée Champagne énonce plus « naïvement » que la Ministre Verner, porte-voix du PM, que la « perte temporaire de 1% » sera « sûrement » remplacée un jour mais qu’actuellement, des 20% d’augmentation des sommes allouées au « domaine culturel » 133millions$ de plus vont à la très multiculturelle Société Radio-Canada. Inacceptable pour la culture québécoise souveraine."
    www.journeesdelaculture.qc.ca