Réplique à Yves Boisvert

Pas fous, mais colonisés !

Entre autres choses, par la mainmise fédérale sur la « souveraineté culturelle » du Québec !

Harper et la culture



M. Boisvert,
Dans votre chronique publiée dans La Presse du 2008 09 22 et intitulée [«  Fous de culture, les Québécois ?  »->15128], vous me semblez oublier un aspect de la caricature que vous commentez. Vous avez raison, le clip comique produit par des artistes pour s’opposer aux coupures du gouvernement de la Art-Peur caricature la supposée inculture du Canada anglais, mais il n’y a pas que ça. Nous sommes fous d’une certaine culture, de notre chanson, de notre télé, de nos arts du cirque, de notre cinéma, voire, de notre théâtre, tout ça... Juste pour rire et pas mal moins fous d’arts et métiers d’arts visuels, de danse, de littérature... Cela étant, ce qui est caricaturé ici, c’est l’absence de Connaissance de la culture populaire et savante du Québec de la part du Canada. Ce qui est illustré, c’est la réalité des deux solitudes et de la mainmise fédérale sur la compétence du Québec en matière d’art et de culture. Ce qui est l’un des enjeux liés aux coupures : la « souveraineté culturelle » du Québec.
On voit bien dans cette caricature comment le malentendu s’installe non seulement parce que les langues parlées sont différentes, mais aussi, et surtout parce que le jury, figurant la culture anglo-canadienne, n’a manifestement jamais entendu parlé de Michel Rivard, de la complainte du «  fuck » en Alaska, ni entendu parlé de Félix Leclerc qui l’a chanté, bref, qui se mêle de nous dire ce qui au Québec doit ou ne doit pas être subventionné par l’État en toute ignorance. Le comique de la situation me semble tout à fait correspondre à une réalité dont cette caricature n’est pas si éloignée.
Vous parlez des dépenses des canadiens qui achètent plus de livres que les Québécois, vous parlez, toutes choses égales par ailleurs, de culture « savante », parlez de notre rapport aux arts et à la culture qui ne serait pas si enviable et qui ne justifierait pas qu’on présente les Canadiens de l’Ouest comme des incultes. Vous avez tout à fait raison, mais n’est-ce pas plutôt d’ignorance de la culture supposée plus développée au Canada à l’égard de la nôtre dont il est question ? Est-ce vraiment plus développé que de tant ignorer la culture du Québec ?

Vous avez raison, nous sommes fous de culture, mais pas suffisamment fous d’art. Nous avons du chemin à faire, mais ce n’est certainement pas avec ce qu’engagent ces coupures que nous y parviendrons. Ce n’est pas en laissant Ottawa décider ce qui doit ou ne doit pas être subventionné au Québec que nous y parviendrons.
Si les arts et la culture sont plus développés au Canada, reste qu’il leur reste à développer une ouverture à notre culture et nos arts tout affairés qu’ils sont à leur « nation building » culturel et artistique. À Toronto, dans les milieux d’une certaine culture savante, et pour parler de ce que je connais, les arts et métiers d’arts visuels et les artistes du Québec souffrent d’une xénophobie latente, voire active. De grandes galeries d’art de Toronto manifestent un mépris certain à l’égard de nos artistes. Ce qui est tout, sauf de l’ouverture et l’indice d’un haut savoir humain. Un grand expert Torontois, sur l’avis de qui on s’est un temps basé pour une évaluation, a déjà affirmé que Riopelle n’était qu’un artiste mineur, son dernier opus finalement acheté par le Musée national des beaux-arts du Québec, l’ Hommage à Rosa Luxembourg , ne valait pas ce que les historiens de l’art et les évaluateurs québécois en disaient. En fait, il y a non pas circulation, mais fermeture, cela par xénophobie et ignorance qui alimentent un protectionnisme qui est tout sauf l’apanage de la réelle Connaissance et de la vraie culture savante. La caricature fonctionne très bien à cet égard.
Bien sûr, certains artistes du Québec ont été ou sont encore en certains milieux « canadians » forts bien reçus, Robert Lepage a été et est peut-être encore l’un de ceux-là ( il faudrait le lui demander... ). Mais ce que vit la grande majorité des artistes québécois, est tout autre, parlez-en à Claude Dubois, à Francis Leclerc et à tous ces artistes du Québec, notamment en arts et métiers d’arts visuels qui peinent à atteindre les plus hauts sommets de l’art au Canada... pourtant, ce n’est pas le talent qui manque.
Les Québécois ne sont pas fous... bien sûr que les « Canadians » ne sont pas incultes... ils sont comme nous, centrés sur leur culture, en compétition avec la nôtre, pourquoi donc le fédéral devrait nous dire comment, quand, et pourquoi subventionner nos artistes et compagnies artistiques... voilà ce que dit aussi cette caricature. M. Charest ne s’y est pas trompé, un temps, en remettant sur le métier l’ouvrage de Robert Bourassa : la «  souveraineté culturelle  ».

Luc A.
Peintre, sculpteur, performeur et céramiste

www.luc-archambault.qc.ca

Références :


- Le film de Francis Leclerc se plante à Toronto
Michelle Coudé-Lord -Journal de Montréal - 2005 05 02

- PANTHÉON DES AUTEURS COMPOSITEURS
Dubois peste contre la CBC
Le Journal de Montréal - 2008 03 06

- Investissements culturels : Charest réclame l’autonomie
La Presse - 2008 09 12


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