Le «PQ Light»

Chronique de Patrice Boileau


L’expression n’est pas de moi. Elle provient de la bouche de premier ministre du Québec, un clown à ses heures, selon des proches. Ceux-ci devraient néanmoins y regarder à deux fois car le temps qu’alloue Jean Charest à faire des pitreries dépasse largement celui qu’il accorde aux choses sérieuses. J’en veux pour preuve le fort taux d’insatisfaction qu’il recueille dans la population depuis son élection en 2003…
N’empêche : le sobriquet que le chef libéral a présenté aux médias pour égratigner le programme de l’Action démocratique du Québec est amusant. Ainsi, le député de Sherbrooke trouve que les « objectifs autonomistes » qu’a dévoilés Mario Dumont, peu de temps avant la période des fêtes, ressemblent beaucoup à ceux que vise le Parti québécois.
Sauf que le chef adéquiste ne compte pas attendre l’approbation des Québécois par référendum pour mettre en place les changements que son parti suggère s’il remporte la prochaine élection générale. L’adoption d’une Constitution québécoise, protection juridique essentielle afin de clairement signaler aux nouveaux arrivants qu’ils s’établissent dans un État laïc et francophone, s’avère impérative aux yeux du député de Rivière-du-Loup. Les récents événements, où la majorité québécoise a dû retraiter pour mieux « accommoder » des groupes religieux, l’en ont convaincu. Mario Dumont croit qu’en dotant le Québec d’une Constitution, loi fondamentale qui serait ensuite enchâssée dans la Constitution canadienne, les immigrants cesseront de considérer les Québécois comme une ethnie parmi tant d’autres au sein de la marmite multiculturelle du Canada. Le chef de l’ADQ désire que le Québec hérite du statut « d’État autonome » au sein de la fédération canadienne, rien de moins!
Le programme politique adéquiste prévoit également éliminer l’impôt fédéral s’il forme le prochain gouvernement québécois. Une seule taxe directe serait prélevée sur la rémunération des contribuables. C’est l’Assemblée nationale qui s’acquitterait dorénavant de la tâche de remettre à Ottawa sa part fiscale des revenus québécois. Pas de doute que Mario Dumont espère, par l’entremise de cette mesure, partager dorénavant de façon équilibrée l’argent entre les deux paliers de gouvernement.
Pas un mot cependant sur la manière dont s’y prendra l’ADQ pour instaurer ces changements majeurs. Il est vrai que Mario Dumont n’a jamais aimé faire dans la dentelle. Il a lui-même avoué avoir voulu dénuder son programme politique de tous détails qui auraient pu favoriser l’émergence de « zones grises. » Ce sont celles-ci qui ont nui aux adéquistes lors du dernier scrutin général. Ainsi, le document divulgué aux Québécois en décembre dernier ne souffle mot sur la démarche qui mènera à la rédaction de la Constitution québécoise. Silence complet aussi sur le mécanisme qui sélectionnera les hommes et les femmes qui concocteront son contenu.
On retrouve le même mutisme au sujet de la méthode qu’utilisera l’ADQ pour convaincre le gouvernement fédéral d’entreprendre des pourparlers constitutionnels avec l’Assemblée nationale. Mario Dumont sait-il que 77% de la population canadienne hors Québec refusent de reconnaître la nation québécoise, ne serait-ce que symboliquement? Le leader adéquiste donne ici carrément dans la pensée magique, celle qui le rend pourtant hors de lui lorsqu’il voit ses adversaires politiques s’en servir pour berner les Québécois.
Mario Dumont ne peut qu’agir unilatéralement pour ériger son « État autonome » du Québec. Idem également en ce qui a trait à son projet d’instituer un seul impôt sur le revenu. Jamais son bon ami Stephen Harper acceptera de rouvrir la Constitution canadienne avec un gouvernement adéquiste animé de tels desseins. Pas besoin de réfléchir bien longtemps pour avoir une idée de ce qu’en pense Stéphane Dion, le nouveau chef du Parti libéral du Canada. À regarder présentement ramper en vain l’administration Charest devant Ottawa, il est en conséquence impossible de voir comment un gouvernement adéquiste qui fait le dos rond parviendra à faire mieux.
Que cherche alors le chef de l’Action démocratique en garnissant son programme politique d’attributs « autonomistes? » Mario Dumont sait fort bien qu’il peinera à livrer cette marchandise s’il devient premier ministre. Certes, le dirigeant adéquiste espère attirer les péquistes déçus dans ses troupes à l’aide de ses clins d’œil souverainistes. Qu’il prenne garde cependant de ne pas se faire « contaminer » par ceux-ci s’ils devaient devenir trop nombreux au sein de sa formation… À moins que le chef de l’ADQ songe secrètement à retourner dans le camp indépendantiste : il mise peut-être sur l’arrivée massive de souverainistes dans son parti pour camoufler derrière eux les tergiversations qui l’ont torturé ces dernières années quant aux choix des outils nécessaires pour assurer l’avenir du Québec.
Le député de la circonscription de Rivière-du-Loup ne pourra pas demeurer longtemps muet sur son choix politique durant la prochaine campagne électorale. S’il veut être crédible aux yeux de l’électorat québécois et représenter l’alternative rationnelle au gouvernement Charest, Mario Dumont devra mettre cartes sur table lors du débat des chefs. Il est certain que ses adversaires attendront de lui des réponses claires afin de connaître ses intentions parce qu’Ottawa lui barrera la route. Le chef adéquiste ne pourra alors s’esquiver. C’est lui-même qui, de par ses décisions d’inclure dans son programme ses mesures « autonomistes », aura provoqué ce bras de fer qui l’impliquera.
André Boisclair semblera bien seul dans cette campagne électorale, lui qui aspirera à s’emparer d’un pouvoir provincial vicié, sclérosé dans sa démarche étapiste. Il ne pourra affirmer incarner le changement puisque seul un éventuel référendum l’y autorisera. Le chef libéral, à la tête d’un parti fédéraliste manifestement « king size », a finalement tort d’affubler l’ADQ du pseudonyme « PQ light .» En voulant écraser l’accélérateur et ne pas attendre la tenue d’une consultation populaire, Mario Dumont favorise l’avènement d’un changement politique beaucoup plus profond que celui qu’il envisage actuellement. Voilà un scrutin qui, finalement, fera tout un tabac.
N.B. Je sais, je sais : il ne devait pas y avoir de chronique avant le 10 janvier…


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1 commentaire

  • Normand Perry Répondre

    27 décembre 2006

    Je vais probablement commettre un impair que plusieurs voudront me reprocher, mais je dois avouer que Mario Dumont m'impressionne !
    Idéologiquement parlant, certains pourraient croire qu'il me serait difficile d'avoir quelques considérations à l'endroit de l'ADQ et pour cause. Il est vrai qu'au plan économique, mes idées se sont toujours logées du côté de la gauche.
    Cependant mes idées au plan éthique et social tendent vers la droite. Les Anglais appellent ces gens-là des "Red Torries". Si on veut me qualifier ainsi, j'en suis fort aise.
    Monsieur Boileau souligne avec justesse jusqu'à quel point les indépendantistes pourraient être tenté par Mario Dumont et l'ADQ. Les priorités autonomiste de l'ADQ dont il est question dans le texte de monsieur Boileau, du moins celles qui "flirt" le plus avec certaines idées indépendantistes, pèsent très lourdement dans mes considérations présentes à l'endroit de cette formation politique
    Depuis octobre 2006, il est maintenant assez évident que le PQ d'André Boisclair ne livrera pas la marchandise promise dans le chapitre 1 du programme. Par surcroît, les gens du bon peuple au Québec ont beaucoup de difficulté à faire confiance à l'endroit d'un chef dont le jugement critique et la maturité sont plus que questionnable.
    André Boisclair ne cesse de se discréditer par ses frasques et incohérences : quiconque veut d'un chef d'État qui en a l'étoffe et les aptitudes, ne peut considérer le chef actuel du PQ comme étant capable de relever les grandes exigences de la fonction de premier ministre, et d'être à la hauteur de la situation. Cela est particulièrement vrai en temps de crise, où la maîtrise de soi est facteur fondamental afin de traverser des eaux troubles avec un capitaine de bateau sachant prendre les décisions appropriées et au bon moment pour le faire.
    Mario Dumont au contraire, avec l'expérience et un peu de sagesse, s'est acquis une maturité très solide, et son sens du jugement critique, éprouvé par les leçons des échecs des dernières élections, apparaît de plus en plus très bien balancé. Si plusieurs idées au plan économique, trop à droite à mon sens, m'horripile à l'ADQ, le chef de ce parti me semble pour l'heure, la personne la mieux désigné au Québec pour devenir le prochain premier ministre.