Le PQ a alimenté le climat d’incertitude chez les anglophones, dit Fraser

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Et que fait le Canada pour valoriser et respecter la nation québécoise, sa langue et ses valeurs? Nothing sir!

Avec ses projets de charte de la laïcité et de réforme de la loi 101, le gouvernement Marois a nourri le sentiment d’insécurité des anglophones et allophones du Québec, estime le commissaire aux langues officielles, Graham Fraser. Ce dernier se dit « préoccupé » par ce qu’il entend sur le terrain depuis quelques mois.

En entretien avec Le Devoir, M. Fraser a indiqué mercredi qu’il reçoit plusieurs signaux d’un malaise croissant au sein de la communauté anglophone québécoise. Une impression accentuée par la publication, mardi, d’un sondage CBC-Ekos disant que la moitié des non-francophones du Québec a « pensé sérieusement » à quitter la province dans la dernière année.

« Ce n’est qu’un sondage, dit-il. Mais il reflète ce que j’entends dans mes conversations avec la communauté : celle-ci ne voit pas beaucoup de gestes de la majorité francophone ou du gouvernement montrant que la communauté anglophone est valorisée. Elle est tolérée, acceptée, mais pas valorisée. »

M. Fraser cite l’exemple de la réforme avortée de la loi 101 et d’une clause qui prévoyait la fin d’une exemption qui permet aux militaires en poste au Québec d’envoyer leurs enfants à l’école anglaise. « C’est un geste qui affecte environ 700 enfants, surtout dans de petites écoles. C’est un geste qui fragilise des établissements déjà fragiles. Et pour réussir quoi, finalement ? »

Selon lui, c’est le genre de dossier qui amène les anglophones et allophones à se poser des « questions sérieuses » : « Est-ce que [Québec] pense que les communautés anglophones jouent un rôle positif ? Ou bien c’est perçu comme un mal nécessaire qu’il faut tolérer ? Il y a un sentiment généralisé, peut-être excessif, de la part de gens qui ont passé leur vie au Québec et qui me disent : “ Pour la première fois, je suis tanné ”. »

Concernant la charte de la laïcité, le commissaire reconnaît qu’elle « ne vise pas la communauté anglophone ». « Mais elle n’aide pas à donner l’impression que les minorités non francophones sont accueillies à bras ouverts au Québec », fait-il valoir.

L’effet Lisée

En septembre 2012, dans une entrevue accordée au Devoir, Graham Fraser avait suggéré à Pauline Marois de nommer un interlocuteur responsable des relations avec les anglophones. Appel entendu : la première ministre a chargé Jean-François Lisée du dossier, un geste qui avait été à la fois apprécié et critiqué.

Quelque 18 mois plus tard, M. Fraser dresse un bilan en demi-teinte de l’effet Lisée. « Comme bien des gens, j’ai été impressionné par la vigueur avec laquelle M. Lisée s’est donné le devoir d’aller visiter toutes sortes d’organisations et d’intervenants, et par sa franchise. C’était un geste important. »

Sauf qu’avec un gouvernement souverainiste qui mettait de l’avant des projets controversés sur la langue et la laïcité, « ce n’est pas juste une tournée de ministre qui aurait pu résoudre les sentiments d’insécurité créés par ces débats, dit M. Fraser. Les gens ont apprécié les gestes d’écoute, mais ils essaient aussi de voir des résultats. »

Directrice générale du Quebec Community Groups Network (QCGN), Sylvia Martin-Laforge abonde dans le même sens. « Mon bilan est de plus en plus mitigé à mesure que le temps passe, dit-elle. Dans les 12 premiers mois, M. Lisée était assez présent. Mais depuis six mois, on le voit moins. Il est plutôt occupé à comparer la charte de la laïcité à la loi 101 : disons qu’on a moins d’atomes crochus. C’est difficile d’entamer un dialogue dans ce contexte. »

Sondage

Dans le contexte d’une campagne électorale imminente, la publication du sondage CBC-Ekos a suscité plusieurs réactions mercredi. L’incertitude politique (28 %) et l’état de l’économie (21 %) sont les deux principales raisons mises de l’avant par les déserteurs potentiels.

« Ce sont des chiffres constants à travers les années », a tempéré le ministre Jean-François Lisée lors d’un point de presse à Québec. Il y a un an, Ekos avait en effet mené un coup de sonde identique pour CBC, et 42 % des répondants anglophones disaient avoir considéré quitter le Québec dans la foulée de l’élection du Parti québécois. Same old, same old ? « La conclusion, c’est que les gens restent », analyse M. Lisée.

Son collègue Réjean Hébert (Santé) a pour sa part soutenu qu’il « ne peut rien faire à propos de l’anxiété de certaines personnes. Cet exode ne s’est jamais matérialisé. Alors ils peuvent être anxieux, mais ils ne partiront pas », pense-t-il.

« Il y a un long voyage entre répondre à un sondage et faire ses valises », avoue Sylvia Martin-Laforge, qui se désole surtout de l’impact de ce genre de sondages auprès des anglophones qui songent à venir s’installer au Québec. Selon elle, ce sont les questions économiques qui peuvent expliquer une volonté de partir. « Ceux qui avaient à partir pour des raisons politiques l’ont fait dans les années 70 et 80 », dit-elle.

Graham Fraser juge lui aussi que la crainte d’un exode est exagérée. « Les deux derniers recensements montrent un bilan migratoire pratiquement neutre », rappelle-t-il. Depuis les « sommets » de la période 1976-1981 (où 130 000 anglophones ont quitté le Québec), cette courbe migratoire n’a cessé de se rétablir.

Le chef du Parti libéral, Philippe Couillard, s’est quant à lui dit « préoccupé » par les résultats du sondage. Il a critiqué le gouvernement Marois, qui a créé selon lui de « l’instabilité » et de la division au Québec avec le projet de charte de la laïcité.


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