Le projet de loi 62 est mal accueilli dans le reste du pays. Les provinces l’ont dénoncé à l’unanimité, tout comme les éditoriaux du Canada anglais, qui l’ont qualifié de manoeuvre d’« intimidation », d’« insensé » et de n’être rien de plus qu’une « comédie d’intolérance ».
Geste rare à Queen’s Park : les partis se sont prononcés à l’unanimité contre la nouvelle loi québécoise sur la neutralité religieuse cette semaine.
Bien que la première ministre ontarienne, Kathleen Wynne, salue sa « relation de travail étroite » avec Québec, « sur cet enjeu, nous sommes en profond désaccord », a-t-elle argué. « La liberté de religion fait partie de notre identité », a fait valoir Mme Wynne.
« Forcer les gens à montrer leur visage quand ils prennent l’autobus, interdire aux femmes de porter un niqab lorsqu’elles empruntent un livre à la bibliothèque, cela va simplement nous diviser. Chacun de nous devrait pouvoir vivre sa vie et son quotidien, et pratiquer ce en quoi il croit, sans peur ni discrimination. C’est le genre de gestes qui créent des fossés au sein des communautés. Ce n’est pas acceptable à mes yeux, et ça ne devrait l’être pour aucun d’entre nous. »
Son grand rival dans l’élection ontarienne de l’an prochain en a rajouté.
« Si le fédéral ne mène pas la charge pour le Canada, et que cette loi raciste est adoptée, l’Ontario doit appuyer une contestation en vertu de la Charte [des droits et libertés] », statuait sur Twitter le chef du Parti progressiste-conservateur Patrick Brown — qui ne semblait pas savoir que la loi avait été officiellement adoptée par l’Assemblée nationale mercredi.
Justin Trudeau vacille
Le premier ministre Justin Trudeau s’est montré prudent depuis le vote final sur le projet de loi 62, martelant qu’il voulait s’assurer du respect des droits des Canadiens tout en respectant la juridiction du gouvernement québécois.
De passage à Alma, vendredi, il a toutefois semblé ouvrir un peu plus la porte à la possibilité qu’Ottawa conteste la loi devant les tribunaux — après avoir affirmé la veille que « ce n’est pas au gouvernement fédéral de [la] contester ».
« Je sais que les gens s’attendent à ce que je défende la Charte des droits, les droits de tous les Canadiens. […] Le gouvernement fédéral va étudier attentivement et assumer ses responsabilités là-dessus », affirmait désormais M. Trudeau vendredi.
Les chroniqueurs du Canada anglais lui reprochaient, le matin même, une réponse trop timide à la loi 62.
« La peur d’être présenté comme un chef fédéral interventionniste, au Québec, a adouci ses paroles », critiquait le Globe and Mail, rappelant que M. Trudeau avait qualifié d’« inacceptable » la charte des valeurs du Parti québécois et d’« inadmissible »la volonté des conservateurs de Stephen Harper d’exiger qu’une femme dévoile son visage pour prêter le serment de citoyenneté.
L’Ontario n’est pas la seule à dénoncer la nouvelle loi québécoise.
La première ministre albertaine, Rachel Notley, l’a qualifiée de « summum de l’islamophobie ». « L’adoption de cette loi est un triste jour pour le Canada », a-t-elle déploré.
La ministre de la Justice du Manitoba, Heather Stefanson, a indiqué que sa province « ne singularisera pas un groupe de cette façon en contestant ses croyances ou ses pratiques religieuses ».
Le maire d’Ottawa, Jim Watson, est aussi d’avis que la loi 62 est discriminatoire envers la liberté de religion des citoyens et leur accès aux services municipaux.
La Ville estime d’ailleurs que la loi ne s’applique pas à ses employés municipaux qui travaillent au Québec — y compris ses chauffeurs d’autobus, dont le trajet de certains les mène à Gatineau.
Les éditoriaux du reste du Canada n’ont pas non plus été tendres envers le Québec cette semaine.
« La laïcité est devenue ces dernières années une matraque, utilisée par des politiciens qui veulent semer la division en exploitant les peurs et les préjugés des Québécois face aux immigrants qui ont un grand attachement à leur religion. […] La laïcité de la province était jadis une fierté. Le gouvernement en a maintenant fait un outil du sectarisme », dénonçait le Globe and Mail jeudi.
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