Le pilote automatique

Comme c'est le cas depuis le tout premier jour de la campagne électorale de l'automne dernier, le discours inaugural donnait la désagréable impression qu'on se payait notre tête.

Budget de MJF - mars 2009

Au printemps 2003, Jean Charest avait inauguré son premier mandat en lion et cela avait bien failli être son dernier. En 2007, il a jugé préférable de ne pas trop en faire et il a retrouvé une majorité à l'Assemblée nationale. Il ne fallait donc pas s'attendre à ce qu'il entreprenne son troisième mandat sous le signe de l'hyperactivité.
De là à se mettre d'entrée de jeu sur le pilote automatique, il y a cependant une marge. Surtout de la part d'un homme qui réclamait l'exclusivité du volant. Des discours inauguraux qu'il a prononcés jusqu'à présent, celui d'hier était certainement le moins concret. L'entendre évoquer le 50e anniversaire de l'élection de «l'équipe du tonnerre» dirigée par Jean Lesage avait l'air d'une mauvaise blague.
Entre le recyclage de mesures annoncées pour la énième fois et l'évocation d'une lointaine prospérité d'après-crise, le jour où le quasi mythique «plan Nord» portera ses fruits, il est bien difficile d'y trouver ce qui pourrait nourrir l'espoir de ceux qui sont touchés de plein fouet par la tempête que les libéraux promettaient de nous faire traverser sans trop de mal.
Comme c'est le cas depuis le tout premier jour de la campagne électorale de l'automne dernier, le discours inaugural donnait la désagréable impression qu'on se payait notre tête. Parmi ceux qui ont perdu leur emploi depuis deux mois, combien en retrouveront un grâce à l'éventuelle entente sur la reconnaissance des compétences professionnelles avec la France?
Il est vrai qu'à force de manquer à ses engagements, M. Charest a peut-être décidé qu'il valait mieux ne plus en prendre. La relecture des discours antérieurs a en effet de quoi faire rougir même les plus cyniques.
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Comme son ministre de la Santé, M. Charest s'est bien gardé de fixer des objectifs précis en matière de santé. Promettre de «nouveaux groupes de médecine familiale» n'est pas très contraignant. En cinq ans, on devrait bien pouvoir en créer quelques-uns.
De la même façon, on ne le reprendra plus à promettre une baisse du taux de décrochage. De toute manière, le premier ministre estime qu'il appartient maintenant aux parents d'agir. Et qu'avec l'addition d'une heure de classe par semaine et le programme d'aide aux devoirs, son gouvernement a fait sa large part.
Il semble en être venu à croire que le meilleur moyen de régler les problèmes est encore de les ignorer. Il n'a pas dit un mot sur le CHUM, l'engorgement des urgences ou les listes d'attente. Un peu de lyrisme fait bon effet dans un discours, mais «respirer tous les parfums, du lys à la rose», va-t-il améliorer la situation du français à Montréal?
Tout le monde reconnaît que l'économie sera le principal théâtre d'opérations de tous les gouvernements au cours des prochaines années, mais il n'est pas interdit de mâcher de la gomme en marchant. Tant mieux si une «nouvelle alliance économique» avec l'Ontario peut élargir un «espace de prospérité» qui profitera à tous, mais il ne faudrait pas oublier le contentieux Québec-Ottawa pour autant, même le départ de Benoît Pelletier semble avoir permis au gouvernement de tourner la page sur ces sujets agaçants.
Hier, M. Charest n'a parlé ni de la péréquation ni de la hausse de la participation fédérale au financement de l'enseignement postsecondaire. Pourtant, il n'a pas caché que des «décisions difficiles» seront annoncées dans le budget que Monique Jérôme-Forget présentera la semaine prochaine. Autrement dit, bon nombre de ministères devront comprimer leurs dépenses.
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L'automne dernier, l'élection d'un «gouvernement de stabilité» devait permettre au Québec de traverser la crise sans trop de dommages. Maintenant qu'il n'est plus possible de nier la dure réalité, M. Charest ressort le bon vieux proverbe: «Quand je me regarde, je me désole; quand je me compare, je me console.» Non seulement le Canada s'en tire mieux que d'autres pays, mais «dans l'exception canadienne, le Québec figure bien».
À l'entendre, cette crise est presque une bénédiction, dans la mesure où elle «nous ramène aux vraies valeurs qui nous distinguent comme Québécois». C'est sans doute une bonne chose de redécouvrir ses valeurs, mais peut-être serait-il possible de le faire autrement.
À peine trois mois après les élections, le plus récent sondage de Léger Marketing estime le taux de satisfaction à l'endroit du gouvernement à seulement 37 %. Après les élections de 2003, il lui avait fallu neuf mois pour tomber aussi bas.
Il est probable que la controverse provoquée par les résultats désastreux de la Caisse de dépôt explique en bonne partie cette désaffection et il reste encore quatre ans avant les prochaines élections. Le discours inaugural d'hier ne risque cependant pas d'améliorer les choses.
mdavid@ledevoir.com


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