Le pigeon qui monte

Même si certains lui prêtent des ambitions, la possible candidature de M. Arcand à la succession de Jean Charest a rarement été évoquée.

Le Québec et la question environnementale



Il ne faut pas se préoccuper du pigeon qui tombe, mais du pigeon qui monte, se plaisait à dire Jacques Parizeau.
Hier, au lendemain de la publication du rapport du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement sur l'exploitation du gaz de schiste, l'opposition péquiste semblait pourtant plus pressée de s'acharner sur la vice-première ministre Nathalie Normandeau, nettement en perte de vitesse, que sur le nouveau héros des environnementalistes, Pierre Arcand.
Il n'y a rien de plus enrageant pour une opposition que de devoir adresser des félicitations à un gouvernement. Heureusement, on peut toujours déplorer qu'une bonne décision n'ait pas été prise plus vite.
Il est vrai que le rapport du BAPE constitue un désaveu cinglant de la façon dont le dossier a été géré depuis l'été dernier. Chaque page atteste de l'improvisation avec laquelle le gouvernement a agi et vient contredire les assurances que Mme Normandeau avait données avec un aplomb égal à son ignorance des conséquences possibles de l'exploitation du gaz sur l'environnement, la sécurité et la santé de la population des basses terres.
Le porte-parole péquiste en matière de mines, Scott McKay, avait raison sur ce point: «Tout le long, elle s'est complètement plantée.» Mme Normandeau a peut-être fait preuve d'une grande maladresse, mais elle a simplement appliqué la politique de son gouvernement. Peu importe, il faut bien que quelqu'un paie pour les pots cassés, et elle fait un bouc émissaire idéal.
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Inversement, M. Arcand hérite soudainement du beau rôle. À voir le metteur en scène Dominic Champagne lui «lever [son] chapeau», force est de constater que la rapidité avec laquelle il a entrepris de donner suite au rapport du BAPE et sa promesse de ne faire «aucun compromis» sur la protection de l'environnement ont fait très bon effet.
Le mot «moratoire» n'apparaît nulle part, mais le mieux est souvent l'ennemi du bien. La retraite amorcée depuis quelques semaines est déjà suffisamment mortifiante pour le gouvernement. Il n'appartenait pas au BAPE de lui imposer une flagellation publique. Si c'est le voeu de la population, notre système politique prévoit un moyen.
On ne répétera jamais assez à quel point six mois peuvent changer le monde en politique. L'été dernier, M. Arcand a été cloué au pilori dès son arrivée à l'Environnement. On l'a dépeint comme un laquais de l'industrie qui avait laissé sa collègue Normandeau imposer au BAPE un mandat si étriqué que l'exercice ne pouvait donner lieu qu'à un simulacre de consultation.
Les sceptiques ont été confondus. À certains égards, notamment en ce qui concerne les revenus à tirer du gaz de schiste, le BAPE est allé plus loin qu'on aurait pu s'y attendre. On reconnaîtra au ministre le droit de rire un peu dans sa barbe.
Même si certains lui prêtent des ambitions, la possible candidature de M. Arcand à la succession de Jean Charest a rarement été évoquée. L'homme n'est pas très charismatique, c'est le moins qu'on puisse dire, mais le PLQ ne risque pas d'avoir l'embarras du choix. Alors, lui ou un autre...
Pour l'heure, le rapport du BAPE permet au gouvernement de sortir du bourbier gazier, mais l'effet sur les intentions de vote risque d'être marginal. Depuis huit ans, il a trop souvent fait la preuve que seule la contrainte lui inspire la vertu.
Peu importe, il vient cependant de s'assurer une denrée précieuse dans les circonstances: du temps. Il faudra au moins deux ans pour compléter l'étude environnementale stratégique (EES) annoncée par M. Arcand. On n'en connaîtra donc les conclusions qu'après les prochaines élections générales. Au bout du compte, c'est peut-être le PQ qui héritera de la patate chaude.
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Plusieurs s'interrogent sur les possibles réactions de l'industrie pétrolière et gazière. Elle aurait évidemment préféré un feu vert, mais elle avait sans doute anticipé ce quasi-moratoire, même si son officialisation a fait chuter le cours des actions des entreprises concernées.
Tous les observateurs ont constaté la coïncidence entre les propos tenus il y a deux semaines par le nouveau président de l'Association pétrolière et gazière du Québec, Lucien Bouchard, et la recommandation du BAPE de limiter jusqu'à nouvel ordre la fracturation hydraulique et les nouveaux forages à un nombre limité de cas qui devront être justifiés par les besoins de l'ESS. Avant d'avancer lui-même une proposition semblable, M. Bouchard avait vraisemblablement consulté ses clients.
M. Arcand a sans doute raison de dire que l'acceptabilité sociale est une condition à laquelle souscrit l'industrie, qui n'a aucun intérêt à une «contestation épouvantable», mais les concessions à la protection de l'environnement et de la santé publique auront un prix qui se traduira dans le niveau des redevances.
Confier au ministère de l'Environnement plutôt qu'à celui des Ressources naturelles les permis d'exploration et d'exploitation du gaz de schiste, comme le recommande le BAPE, constituerait déjà une petite révolution. C'est comme si tout le ministère montait avec le pigeon.


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