Le porte-parole péquiste en matière de ressources naturelles, Sylvain Gaudreault, a vu dans la nomination de Lucien Bouchard à la présidence de l'Association pétrolière et gazière la confirmation que le gouvernement Charest s'apprête à décréter un moratoire sur l'exploration du gaz de schiste.
Le rôle de l'ancien premier ministre serait donc celui d'un lobbyiste chargé de représenter l'industrie auprès du gouvernement et de négocier les compensations financières qui lui seront accordées.
Est-ce réellement le mandat qui lui a été confié? On a peut-être tiré des conclusions un peu hâtives des récents propos du ministre de l'Environnement, Pierre Arcand. Visiblement, le gouvernement compte sur le rapport du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement pour le tirer d'embarras, mais il est loin d'être certain qu'il proposera un moratoire.
Le BAPE pourrait très bien proposer de s'en tenir dans un premier temps à un nombre limité de projets-pilotes, qui seraient plus faciles à faire accepter à la population. Le gouvernement accueillerait certainement une recommandation comme celle-là avec reconnaissance et empressement.
Le plaidoyer de M. Bouchard en faveur d'une exploitation sécuritaire et respectueuse de l'environnement, dont les revenus permettraient de financer les services publics, semble difficilement conciliable avec l'hypothèse d'un moratoire.
Son entrée en fonction précédera la publication du rapport du BAPE d'une petite semaine. Il serait très étonnant qu'il ait accepté l'offre de l'APGQ sans passer un coup de fil à Jean Charest pour s'enquérir de ses intentions. S'il fut un temps où les relations entre les deux anciens ministres de Brian Mulroney étaient passablement tendues, ils s'entendent maintenant à merveille.
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La démonstration des talents de vendeur de M. Bouchard n'est plus à faire. Lui seul pouvait embrigader le Québec tout entier dans une croisade pour le déficit zéro, comme il l'a fait en 1996.
Il a cependant fait la preuve qu'il peut se fourvoyer royalement tout en persuadant la population qu'il a raison, comme en témoignent les mises à la retraite massives de 1997, qui ont handicapé pour longtemps les réseaux de la santé et de l'éducation.
Après avoir renoncé à tenir un nouveau référendum, il s'était employé à convaincre les Québécois de la nécessité de fusionner des municipalités partout au Québec. En rétrospective, une approche plus diversifiée aurait été nettement préférable.
Comment peut-on se fier à lui pour faire la part des avantages et des inconvénients de l'exploitation du gaz de schiste? M. Bouchard aura beau se draper dans le drapeau québécois, comme il sait si bien le faire, son rôle de porte-parole de l'industrie le disqualifie d'office comme défenseur de l'intérêt public.
La réaction de certains groupes écologiques et de résidants des régions les plus immédiatement concernées traduisait bien leur scepticisme. Pour eux, l'arrivée de M. Bouchard dans le dossier ne changera strictement rien au problème.
Dans le langage populaire, on déformait jadis un mot anglais pour désigner un vendeur itinérant qui tentait de fourguer une marchandise de qualité douteuse aux acheteurs crédules. On appelait cela un pedleur.
Les plus récalcitrants seront impossibles à convaincre. Celui qui a un puits dans sa cour ne prêtera aucune attention au ramage de l'ancien premier ministre, qui pourrait rapidement perdre patience s'il est confronté aux mêmes auditoires hostiles qu'André Caillé. Il est cependant le seul qui est peut-être en mesure d'amadouer l'opinion publique ailleurs au Québec. Pour un gouvernement aux abois, c'est là le plus important.
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La réaction du député péquiste de Borduas, Pierre Curzi, en disait long sur la déconvenue du PQ. «Quelle est l'image que son miroir renvoie à M. Bouchard quand il se regarde?», a-t-il lancé.
Ce serait peu de dire que l'ancien premier ministre est en froid avec le PQ depuis sa démission en 2001. Au fil des ans, ses déclarations ont enragé ses ex-collègues, en particulier son renvoi de la souveraineté aux calendes grecques et sa dénonciation du «radicalisme» des positions péquistes sur les questions identitaires.
On pouvait toujours accepter que ses interventions comme négociateur dans certains dossiers rendent service au gouvernement, qu'il s'agisse de la grève à la SAQ, de l'îlot Voyageur ou encore des voitures du métro de Montréal.
C'est cependant la première fois qu'il accepte de jouer un rôle de premier plan dans un dossier dont l'enjeu politique est aussi important. Certes, il ne sera pas l'employé du gouvernement, mais il y a une confusion telle entre les intérêts de celui-ci et ceux de l'industrie que cela revient presque au même. Au moment où les libéraux sont dans les câbles, le PQ a de quoi être dépité.
Sur le plan des communications, une meilleure coordination aurait permis d'éviter que l'entrée en scène de M. Bouchard relègue au second plan la nomination de Diane Lemieux à la Commission de la construction, mais elle demeure un coup de maître.
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