Le patrimoine débâti

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Sauvegarder notre patrimoine architectural est un devoir nationaliste


Dans le petit bureau de l’Assemblée nationale où elle me reçoit pour une entrevue à QUB radio, la ministre de la Culture, Nathalie Roy, est intarissable.


C’est qu’elle parle de la sauvegarde du patrimoine bâti, un sujet qui «la passionne au plus haut point», affirme-t-elle.


Ça en prend de la passion aujourd’hui pour contrecarrer toutes les forces qui conspirent pour «débâtir» notre patrimoine : promoteurs, municipalités avides de taxes.


Ceux-ci sont aidés par une indifférence collective, voire une ingratitude face à l’héritage reçu. On est loin de l’époque où l’on rebâtissait Place Royale, où tout un chacun se passionnait pour les antiquités et décapait des armoires anciennes.


Aujourd’hui, à propos de tout et de rien, on dit plutôt qu’il faut «résolument se tourner vers l’avenir». Normal, dans une nation où le passé est, la plupart du temps, un repoussoir. Une «grande noirceur».


Péril


Bref, il y a péril dans la demeure (historique).


À toute chose, malheur est bon et il semble que la démolition sauvage de la maison Boileau à Chambly en 2018 ait relancé le débat et l’intérêt pour ce sujet important.


Même la vérificatrice générale a décidé de s’en mêler et de lancer un «audit» sur la «gestion du patrimoine». Ses conclusions devraient tomber en avril.


Le massacre n’a pas été stoppé pour autant puisque des démolitions, il y en a eu beaucoup depuis. Par exemple, la maison Pasquier de l’arrondissement de Charlesbourg, à Québec, qui datait du régime français, a été rasée.


Une aide d’urgence


Plusieurs reprochent à la ministre Roy son «inaction». Elle réplique en soutenant qu’elle a déjà plus d’«ordonnances de sauvegarde» à son actif en un an que ses prédécesseurs libéraux en quatre ans.


On dirait que ses adversaires n’attendent jamais rien d’elle. La péquiste Méganne Perry-Melançon, la semaine dernière, à la période de questions, a même été prise au dépourvu : elle critiquait la ministre au sujet du patrimoine quand Mme Roy lui a répondu que le 5 décembre, elle ferait une annonce.


Ainsi, hier, aux côtés de la ministre des Affaires municipales Andrée Laforest, Mme Roy débloquait une somme de 30 millions $ pour venir en aide aux particuliers et aux municipalités voulant protéger des immeubles d’intérêt. Une «première pierre» dans un «grand chantier».


Les municipalités ont reçu des pouvoirs de protection dans la refonte de la loi. Mais selon elles, pas l’argent et la compétence nécessaires pour bien faire le boulot.


Alors désormais, les municipalités et les MRC pourront embaucher un «agent de développement en patrimoine immobilier» dont le salaire sera financé à 50 % par Québec. L’argent pourra aussi servir à des immeubles d’intérêt local, pas uniquement nationaux, ou classés «historiques».


La mesure en est une d’urgence, adoptée en parallèle à la Loi sur le patrimoine culturel. Même si elle ne date que de 2012, elle devra être revue, insiste la ministre Roy, qui voudrait pouvoir contraindre les villes à protéger leur patrimoine.


Espérons que ça ne prendra pas trop de temps.