Le Parti québécois n’a plus le choix

L’histoire du Québec ainsi que ses propres militants le poussent dans ses derniers retranchements.

Tribune libre - 2007

Maintenant on va soit vers la gauche et la souveraineté ou bien nous allons vers la droite et le fédéralisme. Mais pas les deux !
Depuis quelques temps, nous assistons à un véritable brainstorming sur les raisons de la défaite du Parti québécois aux élections du 26 mars dernier. Les hypothèses pour expliquer le désastre sont à la fois nombreuses et parfois même totalement dénuées d’intelligence.
L’une d’entre elles, (étrangement soutenue par des analystes reconnus comme étant des fédéralistes notoires) y va d’une charge à fond de train contre à la fois ceux que l’on identifie à l’aile gauche ainsi que les radicaux du parti. C’est d’ailleurs André Boisclair qui a parti le bal, accusant ouvertement les militants de la région de Québec de ne pas lui avoir donné l’équipe qu’il voulait. Belle façon de faire venant de quelqu’un qui dit vouloir rallier tous les souverainistes que de laver son linge sale sur la place publique un lendemain d’élection sans même avoir préalablement parlé à ceux qui militent et donnent bénévolement de leur temps.
J’avoue personnellement avoir bien du mal à saisir les motifs qui justifient que l’on blâme les « purszédurs » à ce point. Après tout, ce n’est tout de même pas eux qui se sont ridiculisés dans une parodie de Broadback mountain… Ce qu’il y a d’évident cependant, c’est que plusieurs raisons expliquent la cuisante défaite du Parti québécois.
Le premier constat est que, loin de lui attirer de la sympathie, la gouvernance qu’a exercée le parti pendant de nombreuses années a épuisé les militants et enragé la population. Et cette colère fait en sorte que l’on ne reconnaît plus beaucoup ce que ce parti a fait de bon.
Le deuxième constat est que les projets collectifs n’ont plus la cote. La souveraineté est donc une idée en apparence dépassée dans un monde où l’on se sent de moins en moins responsable les uns des autres. Bref, c’est le retour à l’ère du chacun pour soi. De plus, la masse critique de ceux qui votent est aussi essentiellement composée d’une génération de gens plus ou moins politisés qui regardent l’arène politique avec cynisme sinon légèreté. Ces personnes ont une mauvaise perception de nos outils collectifs. L’État et son appareil sont pour eux quelque chose de mauvais qu’il faut absolument réformer. Ici, la confusion est d’ailleurs énorme entre les mots réformer et démanteler.
Troisième constat : croire que l’orientation sexuel et le passé du chef du PQ n’ont pas eu d’influence sur le résultat du vote, c’est se mettre la tête dans le sable. La population du Québec recèle son lot de conservatisme sinon d’intolérance. À la lumière du débat fort mal engagé sur les accommodements raisonnables, cela est devenu une évidence ! Et se le cacher ne nous mène à rien. Il faut avoir le courage de relever la bouteille de poison nommé intolérance que les médias et Mario Dumont ont répandue, l’un par les demi vérités et l’autre par la démagogie.
Mais le mal étant fait, c’est tout de même dans ce contexte que le Parti québécois s’est aventuré sur le terrain électoral avec le résultat que l’on sait. Il s’y est présenté avec un chef affaibli, peu charismatique, véhiculant des idées molles et entretenant la confusion sur un hypothétique référendum. Cela a irrité autant la population que les militants du parti. Néanmoins, ceux qui parlent aujourd’hui de changer de chef devraient plutôt laisser André Boisclair aller de nouveau au casse-pipe mais cette fois-ci avec son équipe bien à lui. On verra bien aux prochaines élections... S’il fait mieux à ce moment et qu’il réussit à prendre le pouvoir, il sauvera sa peau. Autrement, il n’aura plus d’autre choix que de céder sa place. Il n’y a d’ailleurs aucune presse à changer de chef pour le moment car, ce qui compte, ce sera d’être prêt lorsque l’imposture adéquiste se révélera dans toute son horreur. Cela devrait prendre cinq à sept ans sinon plus.
Comment sortir du pétrin ?
Les solutions avancées jusqu’ici fusent de toutes parts. Tous ont leur petite idée là-dessus. De l’abandon de la stratégie référendaire à la mise sur la glace de la souveraineté en passant par la mise au pas des militants purszédurs et un aveu d’erreur sur les fusions forcées et les mises à la retraite massives, on aboutit à la mise aux poubelles de la stratégie social-démocrate. Ce que l’on peut retenir du résultat de cette masturbation intellectuelle de masse, c’est que les solutions avancées ne sont guère plus brillantes que les hypothèses qui les sous-tendent.
Rien de plus facile que de se retourner et descendre la rivière avec le courant. Cela s’appelle changer pour plaire à la population. Le Québec a déjà une danseuse qui siègera bientôt comme chef de l’opposition. Après avoir dit aux Québécois tout ce qu’ils veulent entendre, on verra bien si Mario Dumont pourra livrer la marchandise…
Voilà pourquoi la perspective de remiser la souveraineté m’apparaît être une démonstration d’électoralisme tordue qui ne fera que démontrer au grand public que ce parti n’est fidèle qu’à son désir de reprendre le pouvoir et rien d’autre. Cela n’est pas d’augure à redonner confiance. Cette grande séduction de guidoune ne fera pas remonter d’un iota l’estime que l’électorat porte au parti. Au contraire, même dans l’adversité, il demeure essentiel de faire montre de loyauté face à l’idée de la souveraineté. Cela s’appelle être fidèle à soi-même et courageux.
Deux choix s’imposent maintenant au Parti québécois. Ou bien il poursuit dans une voie qui le marginalise de toute façon, ou bien donc il précise et aiguise la stratégie de mise en œuvre de l’indépendance. Le Parti québécois est par contre devant une impasse car ses militants ne le suivront plus dans sa stratégie étapiste. Cette façon de faire est allée à la limite et ne peut plus rien apporter. La reprise du pouvoir du Parti québécois n’est donc plus une priorité pour un nombre croissant de souverainistes. Je suis un de ceux là.
D’autre part, les militants ne se rallieront pas à une idée qui mettrait la souveraineté sous le boisseau et cela même pour un temps. En effet, bien des militants reprochent avec raison cette stratégie qui de toute façon, est déjà utilisée et qui n’a pas épargné le Parti québécois de la défaite. N’oublions pas que ce sont les référendums et non pas la souveraineté auxquels les Québécois sont réfractaires. De plus, ce sentiment anti-référendum risque de se renforcer encore davantage avec le rapport du juge Grenier sur les magouilles d’Option Canada. Comment les fédéralistes pourraient-ils alors exiger de nouveau la tenue d’un exercice démocratique qu’ils n’auront pas eu la décence d’honorer du respect qu’il méritait en 1995 ?
Tout penche donc pour une stratégie simple qui serait de faire la souveraineté dès l’élection du Parti québécois. Cette proposition doit être assortie d’un programme de pays qui soit une alternative au mouvement de droite actuel de manière à ce que le retour inévitable du balancier vers la gauche favorise l’élection du Pq au moment où l’imposture adéquiste sera démasquée.
Le Parti québécois n’a plus le choix. L’histoire du Québec ainsi que ses propres militants le poussent dans ses derniers retranchements. Aura-t-il le ressort et le courage nécessaire pour faire face à cette réalité qui l’obligera dorénavant à tenir devant l’électorat un discours qui soit direct, compréhensible, franc et cohérent ? Plutôt que de chercher des faux-fuyants, ménager la chèvre et le chou et blâmer stupidement ses militants, les dirigeants du Pq doivent s’atteler à la tâche. Le temps presse et le compte à rebours électoral est déjà commencé.

http://enyregardantdepres.blogspot.com/
Daniel Lévesque

Québec (Québec)




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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    20 avril 2007

    Combien de fois faudra-t-il dire que le PQ ne peut pas faire l'indépendance du Québec puisqu'il n'est pas indépendantiste? Il est confédéraliste.
    Devrons-nous l'écrire sur tous les viaducs du Québec?
    Nestor Turcotte
    Matane

  • Archives de Vigile Répondre

    19 avril 2007

    La tâche essentielle du PQ c'est de faire l'indépendance du Québec. Et elle doit se faire au centre, voire, l'extrême centre. Après, les débats entre gauche, droite, centre, avant, arrière, extrême et minime pourront se faire.

  • Archives de Vigile Répondre

    19 avril 2007

    Juste un mot: Bravo!