Le moulin à propagande

En choisissant le manifeste du FLQ, on allait immanquablement susciter un profond malaise chez beaucoup de Québécois. En faisant fi de ce malaise, on abandonnait l'aspect rassembleur du projet pour privilégier sa vocation de propagande.

1759 - Commémoration de la Conquête - 12 et 13 septembre 2009



Commentant la décision du gouvernement Charest de se dissocier de l'événement en raison de la lecture du manifeste du FLQ, les organisateurs du Moulin à paroles ont dénoncé cette «censure». «Le Moulin, c'est une centaine de lecteurs, de voix qui résonneront plus fort que celles des censeurs, de leur mesquinerie, leur malhonnêteté et leurs considérations bassement électoralistes», peut-on lire dans le communiqué publié samedi dernier. Or, les censeurs ne sont pas là où on croit.
La controverse suscitée depuis plusieurs mois par la commémoration de la bataille de 1759 est une parfaite illustration de la manière dont s'y prennent les indépendantistes pour imposer leur interprétation de l'histoire du Québec.

Premier acte: les souverainistes ont obtenu, à la suite d'une virulente campagne, l'annulation de la reconstitution de la bataille prévue par la Commission des champs de bataille nationaux. La reconstitution ne plaisait pas à tous, évidemment, mais elle faisait partie d'un ensemble d'activités par lequel la Commission avait cherché à ménager les susceptibilités des différents courants d'opinion. Cette «victoire», les souverainistes la doivent surtout à leurs éléments radicaux, avec à leur tête Pierre Falardeau et Patrick Bourgeois, qui ont laissé planer la menace d'incidents regrettables si la reconstitution avait lieu.
Deuxième acte: les souverainistes ont mis sur pied leur propre spectacle de commémoration. Le problème ne venait donc pas de ce que la Commission cherchait à «commémorer une défaite», comme on l'avait dit alors; le problème, du point de vue des indépendantistes, c'était qu'ils ne contrôlaient pas l'événement. Une fois chassé le fédéral, les Plaines étaient libres pour une commémoration à saveur souverainiste.
D'où le projet du Moulin à paroles. Un projet original, qui aurait pu rassembler les Québécois si telle avait vraiment été la volonté des organisateurs. Cependant, quand on veut rassembler, il faut être à l'écoute de ceux qu'on veut réunir et faire les compromis nécessaires. En choisissant le manifeste du FLQ, on allait immanquablement susciter un profond malaise chez beaucoup de Québécois. En faisant fi de ce malaise, on abandonnait l'aspect rassembleur du projet pour privilégier sa vocation de propagande.
Commémorer ou célébrer?
On aurait tort de prêter aux organisateurs du Moulin l'intention de faire l'apologie de l'action politique violente. Toutefois, en choisissant le manifeste de 1970 comme un des textes marquants de l'histoire du Québec, en le faisant lire par une vedette tel Luck Mervil, ils lui confèrent une importance et une légitimité qu'il ne mérite pas.
Dans son contenu, le manifeste ne dit rien que l'on ne retrouvait pas dans le fatras de textes gauchistes de l'époque. Il n'a été connu de la population que parce que ses auteurs ont enlevé un homme et menacé de le tuer si on ne diffusait pas leurs élucubrations révolutionnaires. On ne peut donc pas dissocier le texte de l'action terroriste. En lui accordant une place de choix dans une telle manifestation, on banalise les gestes violents qu'il servait à justifier.
D'ailleurs, on voit cette banalisation à l'oeuvre dans beaucoup des propos tenus au cours des derniers jours. Pensons à Gilles Duceppe affirmant hier que la bataille des plaines d'Abraham a fait «beaucoup plus de morts que la crise d'Octobre» (c'était une guerre, M. Duceppe!). Le chef du Bloc a aussi comparé le pamphlet du FLQ à la Marseillaise (le manifeste felquiste serait-il l'hymne national d'un Québec indépendant?).
Qu'aurait fait M. Lévesque?
Hier, le leader autochtone Konrad Sioui a déploré le choix du manifeste et indiqué qu'il profiterait de sa participation pour lire un texte pacifique. On aurait aimé entendre les politiciens et vedettes indépendantistes exprimer les mêmes réserves. Au contraire, ils cautionneront la lecture du manifeste du FLQ par leur participation en grand nombre: Pauline Marois, Gilles Duceppe, Louise Beaudoin, Pierre Curzi, Maka Kotto, Bernard Landry, Françoise David, Jean Dorion, Yves Beauchemin, Emmanuel Bilodeau, Gilles Vigneault, etc. L'événement aura un effet très rassembleur... pour les indépendantistes.
Ceux-là devraient se demander ce qu'aurait fait René Lévesque dans les mêmes circonstances. On imagine fort mal ce grand démocrate s'associer de près ou de loin à tout événement où on ferait la part belle aux écrits des felquistes. Ne serait-il pas plutôt scandalisé, comme il le fut en 1981 lorsque les militants du PQ ovationnèrent Jacques Rose, complice de l'assassinat de Pierre Laporte?
Les vrais censeurs
Le gouvernement libéral a refusé de subventionner le Moulin à paroles et a critiqué l'événement. Où est la censure? Québec n'a pas tenté d'en empêcher sa tenue. Au niveau fédéral, la Commmission des champs de bataille permet que le Moulin se déroule sur ses terrains. Aucun leader d'opinion fédéraliste n'a menacé d'en perturber le déroulement, comme l'avaient fait des souverainistes l'hiver dernier à l'égard de la reconstitution.
Les censeurs sont du côté du Moulin à paroles, pas ailleurs.

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André Pratte878 articles

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[une chronique intitulée « Tout est pourri » (critique de Anne-Marie Gingras) ->http://books.google.fr/books?id=EZWguAMXAtsC&pg=PA27-IA27&lpg=PA27-IA27&dq=pratte+Tout+est+pourri&source=bl&ots=MUti9NTQuH&sig=h2zgJlLgOg844j5ejxnUl4zH2_s&hl=fr&sa=X&ei=73RrT8aQEqnh0QHuh4GyBg&ved=0CEEQ6AEwBQ#v=onepage&q=pratte%20Tout%20est%20pourri&f=false]

[Semaine après semaine, ce petit monsieur nous convie à la petitesse->http://www.pierrefalardeau.com/index.php?option=com_content&task=view&id=30&Itemid=2]. Notre statut de minoritaires braillards, il le célèbre, en fait la promotion, le porte comme un étendard avec des trémolos orwelliens : « La dépendance, c’est l’indépendance ». « La soumission, c’est la liberté ». « La provincialisation, c’est la vraie souveraineté ». « La petitesse, c’est la grandeur ». Pour lui, un demi-strapontin à l’Unesco est une immense victoire pour notre peuple. C’est la seule politique étrangère qu’il arrive à imaginer pour le peuple québécois. Mais cet intellectuel colonisé type n’est pas seul. Power Corp. et Radio-Cadenas en engagent à la poche.





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