Kosovo

Le Kosovo : une mise à mort planifiée

Tribune libre 2008

Texte publié dans Le Devoir du vendredi 22 février 2008
Voilà qui est fait, le Kosovo est le 193e État indépendant au monde. Il
s’est autoproclamé indépendant sous le prétexte que le temps était venu.
Neuf ans de guerre justifient-ils une telle décision? Si on y regarde de
plus près, un constat saute aux yeux : la boucle est bouclée. Il y a neuf
ans, les bombardements de l’OTAN contre la Serbie ouvraient le bal. Hier,
dimanche 17 février 2008, l’Union européenne a récolté les fruits de ses
efforts en accueillant avec satisfaction l’autoproclamation du Kosovo «
comme un État indépendant, souverain et démocratique ». Il a suffi du vote
à main levée des 109 députés présents au Parlement du Kosovo.
Cent neuf députés sans la poignée de députés serbes qui ne s’étaient
présentés. Les absents ont tort, direz-vous mais que faire devant tant
d’arrogance et de légèreté? Bien sûr, le nouvel État indépendant du Kosovo
promet de respecter les Serbes, mais à quelles conditions? Que les Serbes
restent dans leurs enclaves du Sud et du Nord du Kosovo sans causer de
trouble.
C’est au nom de la loi du plus fort que l’Union européenne et les
États-Unis ont encouragé (comprendre aidé et appuyé) le Kosovo à proclamer
son indépendance, en violation du droit international et notamment de la
Charte des Nations Unies. D’ailleurs de quel droit international
parlons-nous quand les Nation Unies n’ont plus leur mot à dire depuis
longtemps. Souvenons-nous que les États-Unis se moquent depuis belle
lurette de cette institution, dont le siège est sur leur territoire. Jamais
les Nations Unies n’ont pu empêcher la guerre d’Irak, et elles ne pourront
pas plus empêcher la guerre fratricide qui se prépare et qui a été
savamment orchestrée par les États-Unis et l’Union européenne.
Les Serbes,
pris à la gorge, restent les méchants qui s’opposent au jeu des plus forts.
Les Serbes sont responsables de Srebenisca, ils ont violé les femmes et tué
les enfants musulmans. C’est du moins le lavage de cerveau que nous ont
servi les médias depuis bientôt deux décennies. Bien sûr que les Serbes ne
sont pas des saints, pas plus que vous et moi. Ce ne sont que des êtres
humains, mais ils n’ont pas la chance d’occuper une place enviable sur
l’échiquier politique. Décris comme des barbares, barbares ils sont devenus
dans l’imagerie populaire.
Il y a aura bientôt un an de cela, le 28 mars
2007, le Dr Patrick Barriot parlait de la mise à mort du Kosovo, lors d’une
conférence à la Sorbonne. Il décrivait l’injection létale administrée au
condamné à mort et la transposait au sort réservé au Kosovo. Force nous est
aujourd’hui de lui donner raison. Les Serbes ont tué à Srebenica mais ils y
sont morts aussi. Le TPYI, dans sa folie des grandeurs, a parlé de génocide
de Srebenica alors qu’il s’agissait d’un combat entre guerriers frustrés et
enragés.
Mais revenons au 17 février 2008. Depuis vingt-quatre heures, en
consultant les journaux, j’ai vu des images de Kosovars albanais fêtant la
naissance de ce 193e État. J’ai lu leur volonté de travailler pour l’Union
européenne et de faire tous leurs efforts pour respecter les Serbes. Puis
j’ai lu que de Serbes des enclaves du sud et du nord du Kosovo se
rebellaient. J’ai également appris que le premier ministre serbe Voljislav
Kostunica déclarait à Belgrade que « tant que le peuple serbe existera, le
Kosovo restera serbe ». Mais j’ai aussi découvert que tout était en place
depuis longtemps et que l’Union européenne, dans la nuit de vendredi à
samedi à minuit (soit avant la proclamation unilatérale de l’indépendance
du Kosovo) a « approuvé l’envoi d’une mission de policier et de juriste au
Kosovo, enfreignant la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations
Unies selon laquelle seule l’ONU peut décider de l’envoi de forces dans
cette province serbe ».
Ces deux derniers jours me laissent une impression de déjà connu : la
création d’Israël le 30 novembre 1947 par les Nations Unies. Aujourd’hui,
les Nations Unies sont mises de côté, mais la démarche reste la même. Le 14
mai 1948, le mandat britannique cessait sur la Palestine et laissait face à
face Arabes et Juifs. Nous savons ce qui s’en est suivi. Gageons que
l’Union européenne et les États-Unis, au nom d’une fausse démocratie et
après avoir mis le feu à la région, feront mine de se retirer pour laisser
Albanais et Serbes régler leur compte. Puis, après quelques bains de sang,
ils reviendront arguant que leur intervention est indispensable pour
maintenir la paix… Ils pourront alors s’installer dans la région, où les
attendent le Camp de Bondsteel et le pétrole de la mer Caspienne. Reste à
voir ce que fera la Russie, qui appuie les Serbes.
Claude Herdhuin

Auteure, scénariste

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