Le jovialisme de M. Boisclair

Québec 2007 - Parti Québécois


Par une ironie dont seule la politique a le secret, c'est le chef le plus modéré de l'histoire du PQ - un homme dont les purs et durs doutent des convictions souverainistes - qui propose aujourd'hui, au chapitre de la souveraineté, le programme le plus radical de toute l'histoire du PQ... de quoi faire paraître Jacques Parizeau comme un «mou», à comparer avec André Boisclair!
Mais ce dernier avait-il le choix? Otage d'un parti plus indépendantiste et plus à gauche que lui, il devait reprendre à son compte le programme hérité du congrès de 2005, sous peine d'être victime d'une fronde.
S'il avait eu l'autorité morale d'un Lévesque ou d'un Bouchard, il aurait résisté à son parti, imposé une reformulation au conseil national et refait le programme à sa main. Mais le voici forcé, de par sa propre faiblesse, de véhiculer un projet volontariste et passablement antidémocratique qui ne lui ressemble pas.
Le PQ se promet en effet d'amorcer la promotion de la souveraineté, vraisemblablement à même les fonds publics, dès après une victoire électorale: commissions régionales pour faire mousser l'idée, campagnes internationales pour recueillir des appuis à la souveraineté avant même que le peuple se soit prononcé... Ajoutons au ragoût un référendum «le plus tôt possible», et un projet d'indépendance dépourvu, pour la première fois dans l'histoire du PQ, du volet «association» ou «partenariat»...
Cerise sur le sundae: au cas où le reste du Canada ne s'écraserait pas docilement devant une courte victoire du OUI, proclamation unilatérale de souveraineté, avant même que les contentieux élémentaires (droit de circulation, partage de la dette et des actifs, etc) ne soient réglés!
Le PQ est-il suicidaire? À première vue, on le croirait. Menacer d'un troisième référendum (voire d'un quatrième, dixit M. Boisclair, si le prochain ne donne pas le résultat souhaité) une population dont les deux tiers ne veulent pas entendre parler de référendum?
Proposer une sécession sans partenariat à une population dont le seul rêve est un Québec libre dans un Canada uni?
Faire la tournée des chancelleries étrangères pour tenter d'y récolter les appuis que l'on n'a pas chez soi (on entend d'ici la réponse des gouvernants étrangers: Revenez nous voir quand vous aurez gagné votre référendum!)?
Proclamer l'indépendance unilatéralement et engager une épreuve de force avec le Canada et l'opinion internationale sur la base de quelques petits points de pourcentage de majorité? Si tout cela n'était de la politique-fiction, ce serait la recette pour le désastre.
En fait, en endossant ce projet radical qui ne peut que rebuter la majorité des électeurs, M. Boisclair suit le manuel du parfait leader: il tente de consolider sa base, de ramener au bercail les péquistes désaffectés qui, pour toutes sortes de raisons, sont tentés de ne pas voter, voire de voter pour l'ADQ. Bref il lui faut insuffler de l'enthousiasme et de la passion dans son propre camp. Théoriquement, c'est ce qu'un leader doit faire pendant la première partie d'une campagne électorale.
On peut prévoir que, dans la deuxième partie de la campagne, le PQ mettra la pédale douce sur le thème de la souveraineté pour essayer de toucher l'électorat «at large» en se présentant exclusivement comme un parti de bon gouvernement. Les grandes envolées indépendantistes, comme dans toutes les campagnes précédentes, seront réservées pour la fin des discours, dans les assemblées partisanes, à une heure où les caméras ont cessé de tourner.
Mais le programme du PQ, au chapitre de la souveraineté, est si radical qu'il est devenu d'emblée le thème principal de la campagne. On ne peut certainement pas blâmer les journalistes, et encore moins Jean Charest, de s'en être saisi.
Si les péquistes peuvent parler des promesses non tenues des libéraux, pourquoi ces derniers ne pourraient-ils pas souligner à gros traits rouges les aspects les plus dangereux du projet péquiste?
L'ennui, c'est que ce faisant, tout le monde est en train de refaire, à l'occasion d'une simple campagne électorale, le débat du référendum de 1995. Le grand trou noir, la partition, les lendemains joyeux du référendum... «Le lendemain d'une victoire référendaire sera un jour comme un autre», dit André Boisclair, dont le jovialisme atteint maintenant des sommets inégalés. Cet homme croit-il vraiment ce qu'il dit?


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