Poudre aux yeux

Québec 2007 - ADQ


Incroyable, tout de même, qu'un parti qui est essentiellement la chose d'un seul homme ait réussi à faire dérailler complètement cette campagne électorale.
Mario Dumont est l'arbre qui empêche de voir la forêt. Or, dans le cas de l'ADQ, la forêt n'est qu'un champ de brindilles.
Bien sûr, en exploitant les passions enfouies au fond des chaumières - en particulier la tentation xénophobe et le ressentiment tenace que nourrissent les régions envers Montréal - M. Dumont peut se vanter de représenter pas mal de monde.
Mais l'ADQ n'est pas un parti au sens réel du terme. Ce parti n'a pas d'équipe à proprement parler - sa seule personnalité, outre son chef, est Gilles Taillon, l'ancien président du Conseil du patronat.
Et ce parti n'est pas sérieux. Il s'est donné un petit programme simple et court, sympathique par plusieurs côtés, ne serait-ce que parce qu'il évite la langue de bois, qu'il s'intéresse à la classe moyenne, si négligée, et qu'il est souvent plus inspiré par le bon sens que par l'idéologie. Mais l'on ne s'est même pas donné la peine de chiffrer les promesses, sous prétexte qu'il faut attendre de savoir combien d'argent le budget fédéral octroiera au Québec. C'est ridicule, et cela relève d'une mentalité de quêteux. (Les deux autres partis, incidemment, sont également suspendus au futur budget d'Ottawa, l'un pour le critiquer, l'autre pour s'en repaître. Cette dépendance obsessionnelle est franchement humiliante. Le Québec n'est-il pas capable de prendre ses responsabilités?)
Certes, l'on pourrait dire que l'ADQ n'a rien à envier à ce qu'était le PC de Stephen Harper aux dernières élections. Au Québec, les conservateurs n'avaient à peu près pas d'organisation, et à part Lawrence Cannon, leurs candidats étaient inconnus du grand public. Mais il y a des différences capitales.
D'une part, les conservateurs québécois appartenaient à un grand parti bien implanté dans plusieurs régions du Canada, et le PC n'était pas l'affaire d'un seul homme.
D'autre part, et surtout, les thèmes que M. Harper exploitait au Québec n'avaient pas pour effet de semer la division et d'attiser les préjugés. Car c'est bien cela, avant toute chose, que l'on peut reprocher à Mario Dumont. C'est de s'être saisi du délicat problème de l'immigration et des minorités religieuses pour en faire un thème de campagne.
Soit, il n'en parle pas tous les jours, et pas toujours directement, mais c'est ce qui fait son fonds de commerce, c'est cela qui est la toile de fond de sa campagne.
L'ADQ a commencé à monter dans les sondages très précisément au moment où Mario Dumont a embarqué dans la carriole de Hérouxville. Son étoile a continué à monter quand il sauté sur l'affaire du hidjab, exploitant de façon éhontée un incident dont la victime était une fillette de 11 ans, dramatisant l'affaire comme si nos terrains de soccer menaçaient de se transformer en mosquées.
Le pire a été de voir Jean Charest, un homme pourtant enclin à la tolérance et à l'ouverture, approuver la décision de l'arbitre de Laval pour éviter d'être doublé sur sa droite par Mario Dumont. Cela montre à quel point les libéraux ont peur de l'ADQ (non sans raison d'ailleurs).
Remarquez, personnellement, je n'aime pas voir des femmes voilées. Je les tolère, c'est tout. Mais enfin, soyons sérieux: le foulard serait un risque de strangulation? Que dire alors des autres risques du soccer? Des membres cassés et des blessures à la tête résultant d'une mauvaise chute ou d'une collision violente?
Que se passe-t-il dans la tête d'une enfant de 11 ans brutalement exclue d'un tournoi où elle aurait brillé dans le sport qui la passionne? Faut-il renvoyer les petites musulmanes à l'univers clos des milieux intégristes, ou au contraire leur permettre de s'épanouir par le sport et de côtoyer des jeunes d'autres horizons?
Évidemment, Mario Dumont est fort de la faiblesse de ses adversaires. Le bilan du gouvernement Charest est loin d'être glorieux, et André Boisclair n'avait vraiment pas besoin de déclarer, au beau milieu de la controverse sur les accommodements raisonnables, qu'il faudrait décrocher les crucifix à l'Assemblée nationale.
M. Dumont n'est pas Le Pen, et il mesure habilement ses propos. Il reste que dans la foulée de ses sorties contre les «accommodements raisonnables» s'engouffrent toutes sortes de gens, y compris les chauvins, les racistes et les nationaleux de l'ancien temps. On en voit, maintenant, qui triomphent...
Hélas! on le constate aujourd'hui, la démagogie paie.


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