Réponse à Dubuc-Lisée, entre autres considérations

Le gaz schiste de la langue française

Chronique d'Élie Presseault

Polémiquer exige un grand art. Amalgamer gaz de schiste et langue française, c’est s’exposer à la flamme d’une controverse à naître. D’aucuns savent déjà que Lucien Bouchard a pris la relève de Caire… non pardon, Caillé. En attendant notre prochain Louis-Ferdinand Céline québécois, prenons parti dans la levée des barricades entre Pierre Dubuc et Jean-François Lisée sur le dossier de la langue française au Québec.
Tout de go, je tiens à indiquer que le dossier de la langue française me tient à cœur. Ayant déjà passé en audience à la commission sur le projet de loi 103, j’ai démontré à quel point la question de la condition sourde s’exposait à certaines dérives lorsqu’il était question de rapporter fidèlement des propos, les transmettre à qui de droit. Ainsi en va-t-il de certaines divergences de perspective fondamentales sur la question des stratégies et des outils politiques à utiliser dans l’évolution du dossier linguistique au Québec.
Éminemment, la question de la langue française implique fondamentalement une réalité de combat au quotidien. Je ne saurais dire de façon exacte à quel point la situation montréalaise induit un déséquilibre digne des situations propres à créer les accélérations de l’Histoire, condition sourde oblige. Je peux fort bien lire, parfois avec précision, d’autres fois de façon brouillonne, sur vos lèvres. À force, nous acquérons une certaine habileté à distinguer les accents. Non point aigu, grave ou en forme de circonflexe, disons plutôt que cette distinction qui forme le caractère d’une pensée s’affine avec le temps. D’ailleurs, ces accents d’écriture française se font de plus en plus rares étant donné la réalité et l’influence tangible de l’anglais, langue d’usage. Notre grand poète québécois Gaston Miron nous l’a d’ailleurs démontré de manière fort éloquente notamment en mentionnant la diglossie comme élément phénoménologique.
D’emblée, Pierre Dubuc fut l’un des principaux fers de lance du SPQ-Libre. À l’origine mouvement syndicaliste et progressiste reconnu officiellement par le Parti Québécois, le club politique a été déconsidéré manu militari. Les membres ayant composé les forces du mouvement sont toujours présents au sein des instances du PQ, bien que moins enthousiastes. Pragmatiquement, je soutiens que l’idée de l’existence même du SPQ-Libre se prêtait mal au cadre en cours. Destinée à couper l’herbe sous le pied des Solidaires, disons pour le moment que la « gauche efficace » n’ait fait davantage d’enfants bien-portants… quoi qu’on se plaît à penser et dire. N’est pas François Legault qui veut, et je m’inclus volontairement dans l’enclos.
À l’aune de l’erre d’aller et de la propension facile à l’accommodement raisonnable conceptuel, disons les choses clairement. Nulle part, il ne saurait être question de négocier la langue commune du Québec. Cela passe par la viabilité de la langue française. Nous pouvons fort bien temporiser indéfiniment toute mesure politique et tergiverser ou différer sur ses visées, il nous faut non seulement une loi courageuse et visionnaire, il faudra même établir les précédents qui mèneront à la pérennité d’une identité québécoise.
Cela veut dire, en clair, regagner le terrain de la mobilisation publique, attribuer une juste redistribution des ressources et doter la représentativité de nos institutions en phase avec notre statut de majorité effective de l’État national. Cette même notion de légitimité et d’effectivité, qui passe au-delà du fait de se regarder dans le miroir, présuppose la réalité du devoir de répliquer aux détracteurs du fait français et parfois même sciemment les ignorer. Le cas échéant, nous avons à considérer les diverses réalités du pluralisme de la citoyenneté québécoise et établir la primauté du français par rapport à toutes les autres langues en terre québécoise.
Quant à l’opportunité de dresser une liste des qualificatifs et attributs de reconnaissance effective de certaines minorités, allons-y cas-par-cas. Les autochtones, les Sourds, les anglophones et les diverses minorités pourraient, par exemple, jouir d’un certain statut. Toutefois, et c’est un propos clé du présent exposé des faits, nous ne pouvons pas aller au-delà d’une certaine surenchère historique de nos minorités, sans égard. Après tout, nous devons prêcher par l’exemple : nos revendications, même divergentes à certains moments et occasions, doivent trouver un certain écho dans nos lois et nos traités. La notion même d’espace de parole de l’identité québécoise y trouvera cours.
Ne laissons point le kirpan et tout ce qui l’entoure devenir notre cheval de Troie. À l’époque du cours secondaire, j’ai appris à La Dauversière la stricte réalité de la poudrière linguistique. Il suffit parfois de peu pour déclencher une mêlée générale, à plus forte raison quand nous impliquons des sensibilités linguistiques différentes. Servons-nous de nos expériences communes pour grandir au-travers de l’adversité. Notamment dans le dossier de l’exploitation du gaz de schiste, nous aurons à séparer les petits des grands. Paraphraser Robert Bourassa n’y changera rien, l’histoire est déjà en marche.


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