Le G20 de Toronto - La dépression

Selon son analyse, cette résurgence de l'orthodoxie budgétaire, alors que l'on devrait faire le contraire, pourrait se traduire dans les mois qui viennent par l'accouchement de la troisième dépression dans l'histoire moderne.

G-20 - juin 2010 - le discours oligarchique


Dans la foulée de la pire crise financière jamais observée depuis les années 30, les dirigeants du G20 avaient accordé leurs violons en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Après le sommet de 2008, des milliards furent injectés. En 2009? Il fut décidé de s'attaquer aux causes du marasme. Cela devait se faire lors de l'édition 2010 du G20. Résultat? Plutôt que de soigner le mal, le G20 canadien a consacré le retour de l'orthodoxie fiscale.
Il y a un an, les chefs d'État du G20 s'étaient engagés à rosser le mauvais génie qui avait mis à mal tout l'édifice financier de la côte américaine du Pacifique à la frontière orientale de la Pologne après avoir consacré, en 2008, des milliards et des milliards au sauvetage de l'édifice en question. Sur l'air du «promis, juré, on ne nous le refera plus», les politiciens exhortaient le dernier carré des sceptiques à rejoindre leur camp rassemblant tous ceux qui avaient l'ambition et la volonté de bouleverser le cadre réglementaire qui balise les métiers de la banque des deux côtés de l'Atlantique.
Entre le rendez-vous 2009 et celui de 2010, les opposants à cette volonté amplement justifiée par l'extrême toxicité de produits complexes à l'image des subprimes ont eu droit à ce qu'il faut bien appeler la divine surprise. De quoi s'agit-il? La crise grecque. Cette dernière, combinée à la valse-hésitation d'Angela Merkel qui a eu pour conséquence une amplification du problème grec, a ouvert en grand la porte de l'austérité budgétaire et à sa cohorte de mesures draconiennes.
Après la Grèce, il faut le rappeler et le souligner, on a assisté à l'addition de programmes analogues en Espagne, au Portugal, en Allemagne, au Royaume-Uni et en Irlande. Le cas irlandais a ceci d'intéressant qu'il résume à lui seul les angoisses économiques du président Barack Obama et, dans une moindre mesure, celles de Nicolas Sarkozy. Toujours est-il que Dublin n'ayant pas fait dans la dentelle en cette matière, on a étouffé le sursaut de croissance à un point tel que sa cote est aujourd'hui plus basse que celle de l'Espagne.
Cette fièvre d'austérité dont Merkel s'est faite la championne a permis au premier ministre Stephen Harper de modifier quelque peu le programme fixé il y a un an. Opposé à la taxe sur les transactions financières comme sur les banques, opposé au bouleversement réglementaire, Harper a jonglé avec l'austérité de manière à contrecarrer les ardeurs de ceux qui n'ont pas perdu de vue que les virus financiers qui ont gangrené la machine sont toujours dans les parages.
Ce qu'il y a de dramatique, et peut-être d'irresponsable, dans cette histoire, c'est que la très grande majorité des économistes affirment et répètent que se serrer la ceinture comme des Européens l'ont fait risque fort d'étrangler une reprise que tout un chacun sait poussive. Dans sa chronique dominicale du New York Times, Paul Krugman, Prix Nobel d'économie, écrit que «le très décourageant G20 du week-end» confirme l'obsession des gouvernements pour l'inflation alors que la vraie menace s'appelle la déflation. Selon son analyse, cette résurgence de l'orthodoxie budgétaire, alors que l'on devrait faire le contraire, pourrait se traduire dans les mois qui viennent par l'accouchement de la troisième dépression dans l'histoire moderne. Il est en tout cas de plus en plus probable que l'Amérique du Nord et l'Europe amorcent une décennie «à la japonaise». Une décennie perdue parce que percluse par la déflation.


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