Dans le présent débat sur les accommodements raisonnables, le chef du Parti québécois, M. André Boisclair, vient d'affirmer que le crucifix, accroché au-dessus du siège du président de l'Assemblée nationale du Québec, «n'a plus sa place là», car il pourrait être choquant pour les membres des minorités religieuses comme les juifs et les musulmans. Pour M. Boisclair, partisan de la laïcité, les symboles religieux n'ont pas leur place dans l'espace public.
Cette sortie de M. Boisclair est politiquement surprenante. Non seulement les minorités religieuses au Québec n'ont pas demandé le retrait de ce crucifix, mais la position tranchée du chef péquiste, dans ce dossier «très sensible», risque plutôt de choquer la «majorité religieuse québécoise». Plusieurs parlementaires se sont d'ailleurs publiquement opposés au retrait de ce symbole religieux.
Il est étonnant de constater que l'actuel chef du Parti québécois, un «Québécois de souche» qui aspire à devenir premier ministre du Québec, souhaite voir évacuer de la mémoire collective les symboles religieux catholiques et chrétiens qui sont intimement liés à l'histoire du Québec. Il y a lieu ici de reconnaître le courage politique de la députée de La Pinière, Mme Fatima Houda-Pepin (musulmane d'origine marocaine) et du député de Louis-Hébert, M. Sam Hamad (d'origine syrienne), qui se sont publiquement portés à la défense de l'intégralité de l'héritage identitaire de la majorité des Québécois, incluant la dimension religieuse catholique.
Le drapeau officiel du Québec
La composition héraldique du drapeau officiel du Québec, adopté en 1948 par le gouvernement de Maurice Duplessis, comporte trois éléments. La croix blanche qui y apparaît est un symbole religieux qui rappelle l'attachement du peuple québécois à la religion et à la foi de ses ancêtres. C'est donc avec toute sa signification originelle que le drapeau québécois demeure toujours, en 2007, l'emblème national des Québécois, et de tous les Québécois. C'est d'ailleurs ce que révèle un sondage qui vient d'être réalisé pour le compte du Mouvement national des Québécois, à l'occasion de la Journée du drapeau au Québec (21 janvier). Il indique que le drapeau du Québec est considéré par une très forte majorité de Québécois (76%) comme celui de tous les Québécois, et non comme celui des francophones ou des souverainistes.
Dans la logique de laïcité du chef du Parti québécois, et pour ne pas choquer les membres des minorités religieuses, faudrait-t-il modifier le drapeau officiel du Québec en y supprimant la croix blanche? Faudrait-t-il retirer le drapeau québécois du Salon bleu de l'Assemblée nationale et de la tour centrale de l'hôtel du Parlement? Faudrait-t-il le retirer aussi des édifices publics, gouvernementaux et municipaux?
La façade de l'hôtel du Parlement
S'adressant aux Québécois lors de sa visite à Québec en septembre 1984, le pape Jean-Paul II a dit ceci: «Salut à vous, gens du Québec, dont les traditions, la langue et la culture confèrent à votre société un visage si particulier en Amérique du Nord Votre devise est «je me souviens». Il y a vraiment des trésors dans la mémoire de l'Église comme dans la mémoire d'un peuple.»
Ces trésors dans la mémoire de l'Église et du peuple du Québec, ils sont mis en valeur sur la façade même de l'hôtel du Parlement à Québec. La devise y est aussi inscrite au-dessus de la porte principale.
Cette façade, probablement unique en son genre, constitue un monument à la gloire des femmes et des hommes qui ont marqué l'histoire du Québec et de l'Amérique française. Parmi les vingt-six statues de bronze qui y sont exposées, certaines représentent des femmes et des hommes qui ont été des piliers de l'Église québécoise comme le père jésuite Jean de Brébeuf, Mgr François de Montmorency Laval, les religieuses Marie de l'Incarnation et Marguerite Bourgeois. À ces gens d'église, s'ajoutent les figures allégoriques de l'avant-corps droit de la façade (côté nord) qui représentent la Religion et la Patrie. Dans la logique de laïcité de M. Boisclair et pour ne pas choquer les membres des minorités religieuses au Québec, faudrait-t-il aussi refaire une façade laïque à l'hôtel du Parlement?
Voilà jusqu'où peut mener la laïcité de M. Boisclair! L'avenir que l'actuel chef du Parti québécois propose au peuple québécois, doit-t-il passer par l'abandon de certains de ses symboles qui l'ont animé tout au long de ses 400 ans d'histoire? N'oublions pas que l'avenir d'un peuple se construit sur la richesse de sa mémoire.
Luciano Dorotea
L'auteur a été représentant du Québec à Rome.
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