Le citoyen Marc Bellemare

Chronique de Louis Lapointe

Lorsque Marc Bellemare invoque la partialité de la commission Bastarache pour refuser d’y participer, je ne peux contester ses motifs. Nous avons tous vu où a mené la commission Gomery dans un contexte de partialité : les principaux intéressés se sont défilés.
Là où je ne suis pas d'accord avec Marc Bellemare, c’est sur la notion de secret de l’exécutif, une question qui avait déjà été abordée par Norman Spector à l’occasion de son témoignage devant le comité parlementaire sur l’affaire Mulroney/Schreiber.
« Un des arguments qu’il entend soulever contre le DGE sera aussi utilisé pour contester une assignation de la commission Bastarache : une personne qui a été ministre a un devoir particulier de ne « pas divulguer une information confidentielle dont elle a pris connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ». M. Bellemare rappelle aussi que le serment de membre du conseil exécutif contenait une promesse de secret. Aux yeux de M. Bellemare, seul un décret « très clair » du Conseil des ministres pourrait le libérer de ces obligations. » Dans Le Devoir du 15 juin 2010: Bellemare redoute un « piège à cons »
Un point de vue différent de celui défendu par Norman Spector dans sa chronique de l’édition du Devoir du 5 février 2008, intitulé « La loyauté ».
« Comme moi, plusieurs des anciens chefs de cabinet qui me critiquent aujourd'hui n'ont jamais hésité avant de chanter les louanges de leurs anciens patrons. Par contre, j'estime que l'omertà observée par ceux qui savent vraiment comment notre système fonctionne explique en grande partie comment le Canada a pu glisser du 5e au 14e rang des pays les moins corrompus entre la fin de l'ère Mulroney et la fin des années du règne de Paul Martin.»
Un sujet que j'ai déjà abordé dans À l’encontre d’une dangereuse unanimité : l’exemple du Watergate
« Les confidences du chef de l’exécutif ont-elles prééminences sur la règle de droit même si elles révèlent des actes illégaux ? Nous serions alors soumis à l’arbitraire du premier cercle du pouvoir pour qui taire les gestes illégaux commis par le chef du gouvernement est une question de simple loyauté, pas une question de droit !»
Hormis le secret professionnel, le secret ne devrait jamais être invoqué pour cacher des illégalités commises, fussent-elles le fait du gouvernement. C'est une simple question d'éthique et d'ordre public.
Marc Bellemare sait pertinemment qu’il devra tôt ou tard témoigner devant une ou plusieurs instances. Il prétend qu’il ne le fera que si Jean Charest et le Conseil des ministres le libèrent de son devoir de réserve. Or, la commission Bastarache enquêtera également sur des nominations faites sous Lucien Bouchard et Bernard Landry.
Quel est le véritable objectif de Me Marc Bellemare ? Témoigner de ce qu'il sait devant le forum approprié ou obtenir l’immunité la plus large possible au sujet de toutes les irrégularités qu’il a pu constater alors qu’il était ministre de la Justice et qu'il pourra divulguer à sa convenance un jour ou l'autre. Un « piège à cons » pour qui ? Si Jean Charest s’attend à se faire éclabousser, gageons qu’il ne souhaite pas être le seul visé.
Sur le même sujet :
Le Paradoxe de Bellemare
Michel Bastarache devrait démissionner !
En attendant la vraie commission
Les jérémiades de Me Cimon

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    20 septembre 2010

    Marc Bellemarre a bel et bien nommé des juges parce qu'il l'a bien voulu.
    Ses "raisons": faire passer son projet de loi.
    OUi ca fait plus noble que pour de l'argent .Parait-il.
    Puis un jour Bellemarre apprend que son projet de loi ...ne passera pas.Il quitte.
    Je crois que ,peut- être, sachant ce qu'il sait il va voir Fava et lui demande de l,argent pour sa campagne électorale .Fava refuse.
    Le bon, parfait, honnête Monsieur décide de parler.
    Oubliant de dire que personne ne lui a mit un fusil sur la tempe pour nommer des juges.
    Il croyait LUI AUSSI retirer des bénifices des nominations.

  • Archives de Vigile Répondre

    17 juin 2010

    Pour l'essentiel je «bisse» l'opinion de madame Vallée.
    Et sur le reste, ce qui me dérange dans cette histoire de commission, c'est son mandat.
    Ça me fait penser à la Commission Gomery dont on avait pris soin de limiter l'ampleur, la capacité de questionner, et surtout, d'aller voi qui se cachait vraiment derrière le programme des commandites. Jean Chrétien savait pas ce qui se passait d'après vous ?
    Puis la commission Oliphant, dont on avait aussi limité la capacité de questionnement, excluant surtout les choses les plus obscures pour ne pas dire les plus sales, dont le rapport exact entre le fric reçu par Mulroney et les contrats d'Airbus. Quels sont les services rendus par Mulroney qui lui ont valu des centaines de milliers de dollars remis dans des enveloppes brunes ? Personne ne le saura jamais. Mais tout le monde s'en doute.
    C'est toujours la même chose. On crée des commmissions d'enquête et on prend soin de faire en sorte que les règles et le mandat soient tellement ambigus qu'à la fin on n'apprend rien. Les vraies affaires sont exclues.
    Ce qu'a dit Bellemare, c'est que Charest ment comme il respire. Qu'il a du, lui Bellemarre, se plier à des influences indues dans la nomination de juges. C'est là-dessus essentiellement que devraient porter les travaux de la Commission. Et sur quoi porteront-ils à la fin? Sur le processus de nomination des juges du temps de Landry et de Bouchard.... C'est quoi le rapport?
    Et pendant ce temps, on vote en vitesse au Canadian Parliament une loi express pour empêcher Karla Homolka d'obtenir un Pardon... WOW! Ça c'est une urgence nationale mesdames et messieurs.
    On rit de nous de toutes les manières... Ce que j'aime dans les romans de Ken follet, c'est qu'à la fin ce ne sont pas les salauds qui gagnent...

  • Archives de Vigile Répondre

    16 juin 2010

    À mon avis, ce qui dérange de plus en plus les journalistes mercenaires et les politiciens fédéralistes, c'est de constater qu'un citoyen ose se tenir debout devant les pouvoirs. Sans doute s'inquiètent-ils du mauvais exemple que donne Marc Bellemarre.
    Nous aurons rarement vu cela ces dernières années parce que la peur, la répression est de plus en plus présente.
    Je trouve Marc Bellemarre très courageux.