Vancouver - À l'ère de la mondialisation, le marché économique n'est pas la seule arène dans laquelle le Canada doit se battre. Longtemps l'un des seuls pays à attirer la main-d'oeuvre étrangère, le Canada fait maintenant face à des rivaux coriaces et perd du terrain à une vitesse alarmante.
Pour recruter les travailleurs qualifiés, plusieurs pays qui étaient traditionnellement des pays d'émigration ont mis sur pied des programmes. La Chine tente de séduire de futurs travailleurs jusque sur les bancs des universités nord-américaines, notamment à Vancouver, où beaucoup de jeunes Chinois de la diaspora font leurs études.
En 2001, le gouvernement indien a aussi mis sur pied une agence qui fait la promotion de son marché du travail à l'étranger.
L'Australie mise pour sa part sur un programme qui permet aux étudiants étrangers qui décrochent un diplôme australien d'obtenir une résidence permanente quelques mois plus tard.
Même la France, qui a longtemps tenté par tous les moyens de freiner l'arrivée d'étrangers sur son territoire, compte mettre en place un programme d'immigration de travailleurs qualifiés.
Dans ce contexte, le Canada, qui a besoin d'un nombre accru d'immigrants pour pallier le vieillissement de sa population et la dénatalité, traîne la patte. C'est le constat d'experts canadiens rassemblés à Vancouver ce week-end pour une conférence nationale sur les enjeux migratoires intitulée L'immigration et le rôle du canada dans un monde en changement.
Selon David Ley, professeur à l'Université de Colombie-Britannique et directeur du centre d'excellence en recherche Metropolis, la relative indolence de l'économie canadienne par rapport aux économies survoltées de l'Asie est l'un des facteurs qui peuvent expliquer la perte de vitesse de l'immigration au Canada. L'autre facteur, ce sont les problèmes des immigrants à faire reconnaître ici leurs diplômes et leur expérience de travail.
Le Canada réussit à attirer tous les ans plus de 245 000 immigrants. Mais un nombre croissant d'entre eux, incapables de trouver un travail à la hauteur de leurs compétences, rebroussent chemin ou tentent leur chance ailleurs.
Selon une étude récente de Statistique Canada, 40 % des travailleurs qualifiés et des gens d'affaires qui immigrent au Canada repartent en moins de 10 ans. Un immigré qualifié sur deux reste moins d'un an.
" Le Canada n'est plus le pôle d'attraction économique, sans concurrence, qu'il a longtemps été. Dans l'ère de la mondialisation, nous ne pouvons plus penser notre politique d'immigration seulement en fonction des intérêts du pays. Nous devons la revoir pour que les immigrants y trouvent aussi leur compte ", souligne David Ley.
Le Canada doit aider ses immigrants à intégrer le marché du travail plus rapidement, estime Yuen Pau Woo, de la Fondation Asie Pacifique. " Et s'ils repartent, dit-il, on doit les encourager à garder un lien avec le Canada. Ils pourront ainsi faciliter les échanges. "
De l'avis des experts, la reconnaissance des compétences doit être la priorité. Le gouvernement fédéral reconnaît que, en sous-utilisant ses immigrés, le Canada perd des centaines de millions de dollars chaque année. Mais les autorités fédérales ont été incapables de changer la donne jusqu'à maintenant. Elles se heurtent aux normes en vigueur dans les provinces et à la souveraineté qu'exercent certains ordres professionnels (ingénieurs, médecins) sur l'accès aux licences qui permettent de travailler au Canada.
" Tous les gouvernements disent que c'est une question complexe, difficile. Nous avons besoin d'une grande commission d'enquête qui trouvera quelles sont les barrières à la reconnaissance des acquis. Nous verrons alors si elles sont défendables ou si elles sont basées sur un processus discriminatoire ", conclut David Ley.
Conférence nationale sur les enjeux migratoires
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