Le Canada immunisé contre une récession?

Le Québec et la crise


L'année financière 2008 a débuté sous le signe de la méfiance sur les principaux parquets boursiers mondiaux en raison du spectre de récession aux États-Unis.

Au quatrième trimestre de 2007, le PIB américain a progressé d'un maigre 0,6%, soit la plus faible cadence depuis 2002. L'indice phare du S&P500 s'est corrigé de près 15% depuis son dernier sommet et il pourrait encore glisser de 10% avant de se ressaisir. Il est d'ailleurs intéressant de noter que le terme "récession" apparaît désormais comme un fait accompli dans la presse financière alors que peu de données confirment cette fatalité.
L'anxiété du marché est également nourrie par l'intervention musclée de la Réserve fédérale américaine qui a abaissé son taux directeur de 1,25% en 10 jours! Parions d'ailleurs que les aspirants au poste de «commandant en chef» joueront la carte de la morosité économique afin de se faire élire lors des présidentielles de novembre 2008.
Récession ou pas, les partenaires commerciaux des États-Unis en subiront les conséquences à retardement. La domination des États-Unis n'est certes plus ce qu'elle était avant l'émergence de la Chine et de l'Inde, mais il importe de rappeler que l'économie américaine compte toujours pour plus de 20% de l'économie mondiale. De plus, l'appétit des consommateurs et le rythme des importations américaines continuent d'influencer les exportations en Asie et au Canada.
Pour un pays comme le Canada, l'intensité de la contagion dépendra de l'ampleur du «découplage» (decoupling), qui s'est développé au cours des 10 dernières années. Un meilleur équilibre des forces économiques mondiales devrait éviter la volatilité historique associée aux récessions américaines. Mais la réalité des cycles demeurera.
La théorie du découplage est associée à la montée de nouvelles puissances économiques. Selon cette école de pensée, le reste du monde (Europe, Asie, Canada et pays émergents) serait désormais moins sensible aux aléas de la conjoncture prévalant dans la superpuissance américaine. Conséquemment, l'Asie et l'Europe seraient peu touchées et le prix des matières premières continuerait de grimper. Ceci revêt une importance capitale pour un pays comme le Canada, qui profite d'un contexte quasi idéal depuis 2002, soit des économies américaine et mondiale en forte croissance et une explosion du prix des commodités.
Investisseurs déçus
À notre avis, il est trop tôt pour célébrer ce découplage et les investisseurs risquent d'être déçus. D'une part, l'économie américaine a su éviter le pire depuis 2005 en raison d'une création d'emplois soutenue et d'une croissance des dépenses de consommation dynamique. De plus, les investissements non résidentiels ont progressé au rythme de l'amélioration de la rentabilité des entreprises. Comme les prochains mois s'annoncent difficiles sur le plan de l'emploi et de la profitabilité, tout essoufflement marqué des dépenses de consommation aura un impact sur le volume des importations.
Par ailleurs, les déficits commerciaux faramineux accumulés par les Américains donnent lieu à des surplus ailleurs dans le monde. Quiconque voit son principal client ralentir ses ardeurs en ressentira l'impact tôt ou tard. Avec les États-Unis, le Japon et l'Europe qui ralentiront la cadence au cours des prochains mois, le fardeau du découplage reposera presque entièrement sur la Chine. L'élan de la superpuissance émergente semble en ce moment inébranlable à l'aube des Jeux olympiques, mais les autorités chinoises espèrent un retour à une croissance plus soutenable qui limiterait la progression de l'inflation. Les économies émergentes apparaissent aujourd'hui moins vulnérables en raison de l'importance de leur demande domestique, de l'adoption de taux de change flexibles et de l'accumulation de surplus. L'étroite relation entre les flux financiers mondiaux ne les immunise toutefois pas contre les vents d'incertitude qui soufflent en provenance des États-Unis.
L'économie canadienne peut éviter la récession même si son voisin y sombre. Le cycle de 2001-2002 en est le parfait exemple. Les profits des entreprises canadiennes risquent toutefois de suivre une tendance similaire à ceux des entreprises américaines et c'est principalement ce qui influence le marché des actions. Comme le S&P/TSX est composé à plus de 45% de titres de ressources, tout fléchissement des prix de celles-ci aurait un impact certain sur le niveau des profits de nos entreprises.
Si la théorie du découplage ne s'avère être que de la pensée magique, notre solde commercial et notre devise se trouveront affaiblis. Le huard et la Bourse canadienne ont profité allègrement du contexte de croissance économique effrénée depuis 2003. Il faut maintenant s'attendre à une période de stabilisation. Pour leur part, les marchés financiers semblent avoir rendu leur verdict et la volatilité devrait affliger le moral des investisseurs au cours des prochains mois. Pour l'investisseur, la patience est actuellement de mise, mais il faut également réaliser que les meilleures opportunités se présentent lorsque le ciel est ombragé et non lorsque le beau temps s'éternise.
L'auteur est stratège financier chez Scotia Capitaux.
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