Le Canada, hostile à la Déclaration de l'ONU sur les droits des peuples autochtones

Autochtones



(Texte publié dans Le Devoir du vendredi 14 septembre 2007 sous le titre "Une occasion d'améliorer le sort des autochtones")
Le 7 mai 1982, après plus d'une décennie d'études sur la question, l'Organisation des Nations unies mettait en place le Groupe de travail sur les populations autochtones. Ce jeudi 13 septembre, l'Assemblée générale des Nations unies devra se prononcer sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, l'aboutissement de plus de 20 années de travail des peuples autochtones du monde, de divers États et de nombreuses organisations internationales. Cette journée sera historique.
Cette Déclaration constitue une avancée spectaculaire dans la protection des libertés et des droits fondamentaux des Premières Nations. Elle traite à la fois des droits collectifs et individuels, des droits identitaires, culturels et politiques, comme le droit à la consultation, à la propriété sur les terres et les droits à la réparation. Elle prévoit également le droit d'accès à des procédures justes et équitables pour le règlement des différends dont les décisions doivent être prises conformément aux traditions, aux valeurs et aux coutumes des Autochtones concernés, et remises promptement.
Au cours des 20 dernières années, et jusqu'à tout récemment, le Canada avait joué un rôle important et utile dans la rédaction et la promotion du texte de la Déclaration. Or, depuis l'accession du Parti conservateur au pouvoir, les autorités fédérales se sont montrées tout à fait hostiles à l'adoption de cette Déclaration. Elles ont mis en place un vaste réseau international d'opposition à ce projet, en laissant miroiter de graves conséquences sur les États en cas d'adoption de la Déclaration. Ce changement d'attitude radical ne peut pas faire honneur aux Canadiens et est incohérent avec l'image de « défenseur des droits de l'homme » que projette le Canada dans le monde.
Le Canada fait le contraire
En agissant ainsi, le gouvernement du Canada fait exactement le contraire de ce que les citoyens attendent de lui. Le respect des droits de l'homme est une valeur forte et ancrée dans le coeur des Canadiens. Comment un pays qui se dit évolué, démocratique et préoccupé par le bien-être des gens qui habitent son territoire peut-il militer en défaveur d'un geste international pour le bien de centaines de milliers d'êtres humains? Comment le gouvernement du Canada peut-il ignorer la pauvreté, la violence, la sous-scolarisation des Premières Nations? Comment peut-il nous refuser les moyens d'améliorer notre sort et de colorer l'avenir de nos enfants?
En fait, l'opposition farouche des autorités canadiennes à la Déclaration, malgré les amendements apportés récemment pour satisfaire quelques États encore réfractaires, semble reposer davantage sur une position idéologique que sur un raisonnement objectif. Quand il affirme que la Déclaration met « en péril les cadres juridiques et stratégiques pour traiter des questions autochtones » , le gouvernement conservateur nous dit, ni plus ni moins, qu'il souhaite maintenir les peuples autochtones du Canada dans un statut de colonisés, régis par une loi rétrograde (la Loi sur les Indiens), elle-même dénoncée sur toutes les tribunes internationales comme étant contraire aux droits de l'homme. Or, ce régime représente un statu quo inacceptable pour les Premières Nations.
On se retrouve aujourd'hui avec des situations de pauvreté, de chômage et de violence d'une telle ampleur, et ce, dans toutes les communautés présentes en territoire canadien, qu'il devient illusoire de croire que l'on peut surmonter ces difficultés dans le cadre actuel.
De plus, «la question autochtone» est régulièrement traitée sans l'apport des Autochtones. Encore aujourd'hui, les représentants politiques des Premières Nations sont trop souvent écartés des cercles de prises de décision, pour être simplement informés des décisions qui les concernent et qui sont prises par des gouvernements qui ne sont pas les leurs.
On est donc en droit de se questionner sur le fossé important qui sépare le discours du gouvernement fédéral et ses actions concrètes. Que défend le Canada? Son cadre stratégique ou bien les personnes qu'il prétend défendre?
Le 29 juin dernier, les Premières Nations de tout le Canada se sont unies pour tenir la première Journée nationale d'action. Tous ont été à même de constater la mobilisation des Autochtones, exacerbé par le découragement universel de toutes les communautés du pays devant la stagnation de nos droits. Il devient plus qu'urgent que les représentants du gouvernement se rendent compte de l'ampleur de la crise. Si l'on souhaite que les Autochtones cessent de bloquer routes, rails et ponts, il faudra bientôt agir.
Le gouvernement du Canada doit se rendre à l'évidence. Le système qu'il a mis en place pour traiter de la «question autochtone» n'a jamais fonctionné. Des milliers de revendications territoriales s'empoussièrent sur les bureaux du ministère des Affaires indiennes du Nord Canada, des milliers de griefs autochtones n'ont jamais obtenu de réponse. L'adoption d'un texte tel que celui qui est proposé devant l'Organisation des Nations unies est une occasion sans précédent d'actualiser les paramètres qui nous guident. Il est temps de faire preuve d'audace, d'humanité et de vision.
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Ghislain Picard
Chef de l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador


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