Louise Leduc - Sur le fond, Gérald Larose et Yves Michaud sont plutôt d'accord avec [Victor-Lévy Beaulieu->11749]: oui, dans l'état actuel des choses, sans de nécessaires garde-fous, le bilinguisme menace le fait français au Québec.
Dans une lettre publiée hier dans La Presse, Victor-Lévy Beaulieu s'est inscrit en faux contre Pauline Marois, qui croit que tous les Québécois devraient être bilingues. Pour y parvenir, elle suggérait que l'on enseigne en anglais certaines matières, comme l'histoire ou la géographie.
M. Larose, qui a présidé en 2000 les états généraux sur la langue française au Québec, croit que si les Québécois devenaient parfaitement bilingues, le Québec deviendrait anglais. Pour appuyer ses propos, il note que même au Nouveau-Brunswick, «le taux d'assimilation est de 17% par année. Ce n'est pas exactement un modèle»
Pour Gérald Larose, cette fixation sur le bilinguisme est un pur réflexe de colonisé. «À mon avis, 99,8% des leaders dans le monde ne parlent pas autre chose que leur langue maternelle. Nicolas Sarkozy, par exemple, ne parle ni l'allemand, ni l'espagnol, ni l'anglais»
Bien sûr, l'apprentissage de l'anglais n'est pas une mauvaise chose, poursuit M. Larose. Il croit même qu'on devrait faire passer son enseignement de 644 heures à 1200 heures (primaire et secondaire inclus), histoire de rendre les jeunes Québécois «bilingues fonctionnels». «Pour le reste, à chacun, individuellement, de décider s'il veut parfaire son anglais.»
René Lévesque était parfaitement bilingue. André Boisclair a étudié à Harvard et est aujourd'hui chargé de cours à Concordia. Jacques Parizeau est diplômé en économie de la London School of Economics et a déjà déclaré en 1992 au magazine Time que dans un Québec souverain, «il botterait le derrière de quiconque ne peut parler l'anglais».
Pourquoi aujourd'hui serait-il bon pour l'élite d'être parfaitement bilingue, mais faudrait-il que la majorité se contente d'être seulement «bilingue fonctionnel» plutôt que parfaitement bilingue? «Dites-moi combien de chefs, ailleurs, dans les provinces anglaises, parlent le français, répond à cela M. Larose. McGuinty, en Ontario. Il y a eu Lord, au Nouveau-Brunswick, et son successeur. Et il y a Harper. Mais à part cela?»
Bien qu'il ait appuyé Pauline Marois dans la course à l'investiture du Parti Québécois, Yves Michaud, militant péquiste de longue date, croit qu'en matière de politique linguistique, «elle déraille, elle dérape». Y compris sur la question du bilinguisme.
Oui, «le bilinguisme individuel est souhaitable», dit M. Michaud, lui-même parfaitement bilingue. Mais le jour où tout le Québec sera bilingue, croit-il, «le Québec va parler anglais».
Souhaitable ou dangereux, alors? Dangereux si on ne s'assure pas d'abord d'élémentaires garde-fous, dit M. Michaud: l'affichage unilingue français, la fréquentation pour tous les enfants d'immigrants de l'école en français, y compris au cégep, bref, le renforcement de la loi 101.
Pour M. Michaud, «un peuple qui tolère que 8% de sa minorité (cela dit en tout respect de ses droits) assimile 50% des immigrants sur son territoire, ce peuple ne mérite pas de vivre».
Gérald Larose (Archives La Presse)
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