Laïcité ouverte et lutte aux intégrismes

Port de signes religieux

Récemment, la Fédération des femmes du Québec (FFQ) a pris une position nuancée sur le port de signes religieux ostentatoires dans la fonction publique. La formulation de cette position s'avère fort inclusive : ni interdiction, ni obligation. La FFQ reconnaît donc la liberté religieuse. Par ailleurs, la FFQ rejette l'obligation de porter des signes religieux. J'appuie totalement la position de la FFQ, car une interdiction stricte dans la fonction publique conduirait inévitablement à une discrimination accrue des femmes et ne respecterait aucunement leur autonomie personnelle.
La FFQ maintient ainsi son orientation visant à lutter contre les formes d'assujettissement des femmes. Il s'agit d'une position qui reflète une laïcité ouverte. La laïcité ouverte promeut la neutralité de l'État, mais considère que les personnes et les groupes ne sont pas «neutres» sur le plan religieux (Les personnes sont situées philosophiquement: croyantes, agnostiques, non-croyantes, athées, indifférentes, etc.). Elle reconnaît la dimension religieuse comme phénomène social et culturel. Par conséquent, selon certaines modalités, la laïcité ouverte admet l'expression du religieux dans l'espace public

Les vives réactions suscitées par la position de la FFQ ne relèvent-elles pas davantage de notre problématique culturelle récente qui ne parvient pas à intégrer le religieux comme fait social? Interdire le port de signes religieux ne risque-t-il pas d'enfermer le sens symbolique selon une monosémie érigée en absolu qui ne rend pas justice à la pluralité des interprétations? Par exemple, des femmes occidentales considèrent que le port de symboles religieux représente une affirmation de soi plutôt qu'un assujettissement. Est-ce en soi illégitime?
Affirmer que tout symbole religieux représente de facto une oppression sans prendre en compte l'opinion des femmes concernées, ne verse-t-il pas dans une forme d'ethnocentrisme? Dans cette perspective, l'interdiction stricte ne constitue-t-elle un autre obstacle à l'égalité en prétendant déterminer la signification «correcte» des symboles religieux? D'ailleurs, nos sociétés devraient faire preuve d'humilité dans ses jugements péremptoires puisque l'égalité effective entre les hommes et les femmes, au sein même de notre civilisation, est malheureusement loin d'être atteinte tant sur le plan social, politique qu'économique.
L'interdiction du port de signes religieux peut aussi conduire à s'illusionner en favorisant une fausse sécurité. En effet, l'absence visible de signes ne signifie aucunement la disparition des intégrismes. Il s'avère périlleux de réduire l'intégrisme à l'expression de symboles distinctifs. Soulignons que l'intégrisme se base en premier lieu sur une perception absolutiste du monde ou de l'être humain en privilégiant un schéma manichéen et ce, bien avant le port de signes. En eux-mêmes, ils ne manifestent pas nécessairement une adhésion à une vision fondamentaliste.
Il importe dès lors de se montrer vigilant-e afin de lutter contre tous les intégrismes (économique, social, religieux, politique, etc.) qui risquent de saper les quelques principes écohumanistes, promulgués dans les diverses chartes, sur lesquels se fondent notre société. C'est pourquoi la position courageuse et prophétique de la FFQ représente une pierre dans l'édification d'un monde égalitaire, ouvert et inclusif.
Patrice Perreault, Granby


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