La question du Québec: Raffarin marche sur des oeufs

L'ancien premier ministre français dit refuser de politiser les fêtes du 400e

France-Québec : fin du "ni-ni"?

Aussitôt énoncé, aussitôt tu. Le président du comité d'organisation français des fêtes du 400e anniversaire de Québec, Jean-Pierre Raffarin, rouvre aussi vite qu'il le clôt le débat de la position française sur la souveraineté du Québec. Il ne s'exprimera pas sur le sujet pour ne pas politiser les célébrations de la capitale. Le même Raffarin annonçait pourtant lui-même, il y a une dizaine de jours, l'intention du président Nicolas Sarkozy d'abandonner la doctrine de «non-ingérence, non-indifférence» pendant l'anniversaire de la fondation de Québec.
Sur son blogue, l'ex-premier ministre français réagit, semble-t-il, à l'effusion journalistique québécoise des derniers jours autour du changement annoncé de politique de Paris à l'égard du Québec et du Canada. Des débats qu'il condense en un seul: la position de la France à l'égard de la souveraineté québécoise.
«Dans le cadre de mes fonctions, on me pose souvent la question: que pensez-vous de la souveraineté du Québec? Je sais que le débat est toujours vivant et qu'il a été un peu relancé récemment par Louise Beaudoin [l'ex-déléguée générale du Québec à Paris]. Ma réponse est claire: en tant que président du 400e, mon action n'est pas partisane», tout comme «l'action de la France pour le 400e», dit-il dans une allocution vidéo affichée sur son carnet Web.
«Cette fête de la diversité culturelle ne doit pas être gâchée par des polémiques politiques, poursuit-il. Je ne veux pas y participer.»
M. Raffarin a toutefois rappelé que la participation de Paris aux événements sous-tendait «un grand respect pour l'histoire du Québec et aussi pour son destin».
La perte d'un appui
En entrevue au Devoir, Louise Beaudoin avoue trouver «un peu amusant» que M. Raffarin réduise le débat qui a cours actuellement autour de la doctrine du «ni-ni» à la question de la souveraineté québécoise. Deux préoccupations distinctes, selon elle. Et la première l'habite plus que la seconde à l'heure actuelle.
«Ce n'est pas la même chose; c'est quand il y a des référendums que la question [de la souveraineté] se pose», dit-elle.
Elle se défend d'être à l'origine de cette interprétation, puisque la chronique qu'elle signait dans nos pages mardi dernier ne traitait «ni de souveraineté, ni de l'appui de la France à la souveraineté, ni de la reconnaissance internationale du Québec», explique-t-elle, mais «uniquement de la politique consensuelle de la France par rapport au Québec depuis 30 ans, qui a permis toutes les avancées internationales du Québec que l'on connaît [francophonie, diversité culturelle]».
La seule vraie crainte qu'elle formule est de perdre cet appui implicite aux initiatives internationales du Québec, dans l'optique d'un changement de la politique française à l'égard des deux solitudes. Ce qui permettrait au Canada de lier les mains du Québec en matière internationale.
Mme Beaudoin s'étonnait d'ailleurs, dans sa chronique, que M. Raffarin semble accepter «sans état d'âme cet éventuel changement, alors que l'on aurait pu penser qu'il défendrait auprès du président Sarkozy les raisons et les bénéfices pour la France et le Québec de l'actuelle politique». Une lecture que l'ex-premier ministre a eu vite fait de «corriger» à sa manière.
Rupture d'équilibre
Il y a dix jours, Jean-Pierre Raffarin annonçait les intentions du président français, Nicolas Sarkozy: mettre fin à la doctrine française de «non-ingérence, non-indifférence», probablement dans le cadre de sa visite à Québec à l'automne.
Cette doctrine a été énoncée en 1977 par le ministre français de la Justice de l'époque, Alain Peyrefitte, pour baliser, voire neutraliser, le jeu diplomatique à trois -- Paris-Québec-Ottawa --, instauré par le «Vive le Québec libre!» du général de Gaulle en 1967.
Son abandon fait craindre, notamment dans les rangs péquistes, la rupture d'un équilibre entre Québec et Paris, qui donnait une marge de manoeuvre à la province francophone dans ses aspirations internationalistes. D'autres, comme le premier ministre Charest, y voient plutôt la nécessité de reformuler la relation entre les deux gouvernements cousins à la lumière du recul de la cause souveraine et des nouvelles affinités politiques.
Les sympathies des derniers dirigeants français pour un Jean Chrétien ou un Jean Charest et surtout l'amitié entre le président Sarkozy et la famille Desmarais laissent notamment présager une «canadianisation» des relations France-Québec.


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