Le patrimoine sauvé de Griffintown

Un effort louable, mais loin d'être suffisant, juge Héritage Montréal

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Griffintown

Une rangée de maisons ouvrières, l'ancien poste de police n° 7 de la rue Young, les vestiges de l'église Sainte-Anne, la tour Wellington et la structure de la New City Gas Company, qui a éclairé Montréal au XIXe siècle, font partie des éléments patrimoniaux que le promoteur Devimco entend préserver dans le développement du quartier Griffintown, au sud du centre-ville de Montréal.
On sauverait aussi un des anciens entrepôts en bordure du bassin Peel, et quatre bâtiments de la rue Wellington seraient démolis et reconstruits avec les matériaux initiaux.
«On s'est rangés aux orientations de l'étude commandée par la Ville et on protège les 20 bâtisses [l'avis de la Ville en dénombre 16 et le plan Devimco, 18] bien qu'aucune ne soit classée et reconnue par le gouvernement du Québec», a fait valoir Serge Goulet, président de Devimco, lors d'une rencontre avec Le Devoir. L'aspect patrimonial constitue «une plus-value» à son projet, dit-il. Une approche qu'il peut se permettre essentiellement grâce à l'ampleur du futur développement (1,1 million de pieds carrés, soit presque tout un quartier), affirme-t-il.
Deux déplacements sont prévus. Le poste de police rejoindrait les petites maisons ouvrières de la rue de la Montagne. L'étrange petit pavillon Square Gallery, qui trône actuellement au milieu d'un parc d'autobus, serait transplanté dans le parc Sainte-Anne, site de l'ancienne église du même nom qui accueillait les immigrants irlandais.
«Ce serait la porte d'entrée du site par la rue de la Montagne dans un coin du parc où on n'aurait pas à couper d'arbres, indique M. Goulet. Les différentes sociétés d'Irlandais nous ont soumis l'idée d'y créer une exposition permanente sur l'histoire des Irlandais.»
Il reste du travail
L'organisme de défense du patrimoine Héritage Montréal (HM) se réjouit de l'intégration de ces éléments au projet de développement, qu'il a appuyé dans une lettre publique. Mais, nuance, pas de là à avaliser toutes ses composantes.
«On a établi une base de discussion [avec Devimco], mais ça ne veut pas dire qu'on approuve tous les aspects du projet et que ce qui est sur la table actuellement est arrivé à maturité, explique Dinu Bumbaru, directeur des programmes d'HM. Il reste du travail.» Des échanges se poursuivent, notamment pour sauver la vieille écurie Horse Palace et le mythique tunnel Wellington, pour l'instant condamnés à disparaître.
À l'instar du Conseil du patrimoine, HM rappelle que protéger des bâtiments isolés ne restitue pas tout le génie du lieu, berceau de l'industrialisation et de l'immigration irlandaise, mais aussi secteur fondateur de l'urbanisme montréalais.
«Le caractère d'un quartier, ça tient aussi à ces espèces de mesures harmoniques difficiles à saisir qu'il y a entre la largeur des rues, la hauteur des bâtiments», note M. Bumbaru.
La trame des rues de Griffintown, tracée en 1806, constitue en effet le premier exercice d'urbanisme. Actuellement en forme de longs îlots étroits, cette trame offre des points de vue uniques sur le centre-ville et le mont Royal. Une configuration que le plan Devimco compromet avec ses îlots élargis (grâce à l'élimination de certaines rues) et ses édifices en hauteur.
Trois principes
HM travaille sur trois aspects avec Devimco: la diversité patrimoniale qu'on retrouve sur ce territoire (passé industriel, irlandais, fondateur de l'urbanisme); l'adoption d'un modèle de développement qui évite l'étalement urbain et l'homogénéité architecturale -- «On demande plus de diversité dans l'architecture et ils [Devimco] travaillent dans ce sens-là», promet M. Bumbaru.
Le dernier aspect concerne aussi les élus, les appelant à mieux inscrire ce projet immense dans son contexte urbain, en considérant les zones limitrophes récemment revitalisées ou en cours de l'être (le terrain de Postes Canada, le faubourg des Récollets, le quartier Pointe-Saint-Charles).
Dans cet esprit, l'organisme déplore que l'exercice de consultation publique soit limité à l'arrondissement et demande «que la Ville rétablisse son service d'urbanisme, ce serait quelque chose de fondamental».
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Avec la collaboration de Kathleen Lévesque
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