La presse en ligne tentée de passer du payant au gratuit

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Médias - information, concentration, reproduction



Moins de deux ans après le lancement de son option payante "Time select" (49,95 dollars, soit 35,5 euros par an) permettant notamment de consulter les analyses, éditoriaux et opinions sur son site, le New York Times a annoncé, le 17 septembre, qu'il rendait gratuit ce service. Le quotidien se prive ainsi d'un revenu annuel d'environ 10 millions de dollars (7,2 millions d'euros), généré par les quelque 227 000 abonnés acquis en deux ans d'existence. Parallèlement, le New York Times mettait fin à la consultation payante de ses archives.
Pour le site de référence de la presse en ligne, l'équation est simple : s'ouvrir à un plus large public permet d'augmenter les revenus publicitaires, ce qui compense largement le manque à gagner du passage à la gratuité. Les revenus générés par la publicité sur les sites du New York Times et de l'International Herald Tribune avoisinent actuellement les 70 millions de dollars mensuels.
Le 1er octobre, Ien Cheng, éditeur du site du Financial Times, a annoncé, à son tour, un accroissement du contenu en accès libre du Ft.com, le site du quotidien économique, tout en proposant un nouveau "système de paiement innovant et une expansion du site".
Tous les articles et contenus, actuellement réservés aux 97 000 internautes abonnés pour 120 euros par an, seront mis à disposition gratuitement à partir de la mi-octobre, jusqu'à concurrence de trente éléments visionnés par mois.
Dans un entretien disponible sur le site, Ien Cheng explique : "Nous avons toujours estimé que le journalisme que nous produisons a une valeur pour notre clientèle la plus fidèle. Ce nouveau modèle nous permet de préserver ce principe tout en faisant en sorte que notre matériel soit plus accessible à l'univers du Web."
En dix ans, les éditeurs de presse ont, pour leurs sites, imaginé et mis en application différents modèles économiques. Le passage du payant au gratuit est une question récurrente outre-Atlantique : dès 2005, le Los Angeles Times et la chaîne d'information en continu CNN jettent l'éponge après quelques mois d'application du modèle payant et repassent leurs éditions respectives en mode gratuit. Raison invoquée : une importante chute de fréquentation lors de la bascule au payant.
Depuis son récent rachat par News Corp (la société de Rupert Murdoch), le Wall Street Journal, dont la version en ligne par abonnement est un succès depuis sa création, en 1996 (un million d'abonnés et plus de 60 millions de dollars de revenus par an), est au centre de spéculations. Un passage au gratuit, envisagé par Murdoch, aurait pour conséquence une recomposition du marché. Néanmoins, les perspectives de croissance sont telles que le modèle a de grandes chances de s'imposer. Selon la Newspaper Association of America, les journaux américains ont enregistré en 2007 22,3 % d'augmentation des dépenses publicitaires sur le Net, au premier trimestre, et 19,3 %, au deuxième trimestre.
Certes, cela ne représente encore que 7 % des dépenses publicitaires globales aux Etats-Unis dans la presse, loin de compenser la baisse annuelle (- 10,2 %) de la publicité dans la presse papier. Pour les éditeurs de journaux, la survie semble devoir passer par une accélération de l'augmentation de l'audience, générée notamment par les moteurs de recherche, et le maintien d'un niveau de qualité qui fasse la différence avec les flux de dépêches d'agences proposées gratuitement sur des portails d'information comme Google News.
En France, à l'instar des pays anglophones, trois politiques s'affrontent : le tout-payant, notamment pour la presse spécialisée comme Les Echos ; le tout-gratuit, le plus répandu dans la presse généraliste - L'Express, Le Figaro, Libération ou Le Nouvel Observateur, parfois assorti d'une option payante pour la consultation des archives en ligne ; ou encore le modèle mixte adopté par le site du Monde.fr, depuis avril 2002. Ce dernier propose la gratuité des articles pendant 3 jours puis un abonnement payant (6 euros par mois), actuellement utilisé par plus de 90 000 internautes.
Pour Bruno Patino, vice-président du groupe Le Monde et président du Monde interactif, le calcul a été le suivant : "En France, la taille du marché, assez petite, rendait intéressante l'adjonction d'une recette en provenance d'un nombre limité d'abonnés, contrairement à l'immense marché anglophone. Aujourd'hui, on constate que les zones payantes qui ferment sont celles qui s'adressent au marché anglophone, et qui étaient construites sur le paiement de contenus, et non de services."
Dans un univers à l'économie encore incertaine, le géant Google devrait continuer à tenir les manettes : hégémonique dans le tri de l'information, il joue un rôle déterminant dans la répartition des recettes publicitaires, tout en devenant, avec Google News, également fournisseur d'information.
Olivier Dumons
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