Dix ans après le 11-Septembre

La politique étrangère façons Bush et Obama: match nul

Dès le 11 septembre, George W. Bush lance les États-Unis dans sa «guerre contre la terreur».

"L'impulsivité de Bush" - ben voyons...



Au cours des deux dernières années de la présidence de Bill Clinton et durant la première année de celle de George W. Bush, une série d'erreurs, de coups manqués et de dysfonctionnements bureaucratiques n'ont pas permis d'éviter les attentats du 11 septembre 2001. Les attaques perpétrées contre New York et Washington donnaient tragiquement et soudainement un sens à la politique étrangère d'un gouvernement Bush qui jusqu'alors se voulait «humble et modeste» en la matière.
Or les perceptions des décideurs, l'ascendance de l'idéologie néoconservatrice et la mainmise d'un groupe d'hommes restreint sur le processus décisionnel allaient entacher la réponse des États-Unis à ce «Pearl Harbor des temps modernes». Dix ans plus tard, Barack Obama doit encore composer avec l'héritage délicat de son prédécesseur. Son arrivée à la Maison-Blanche en janvier 2009 a quelque peu redoré l'image des États-Unis dans le monde et s'est traduite par le retour d'un processus décisionnel plus pragmatique. Pour autant, il n'a pas significativement réorienté la politique étrangère américaine et préparé les États-Unis à faire face aux grands enjeux de ce début du XXIe siècle.
L'impulsivité de Bush
Pendant les huit premiers mois de sa présidence, George W. Bush ne s'intéresse guère à l'action extérieure des États-Unis. Il a en effet fait campagne en dénonçant l'activisme international débridé et peu concluant des années Clinton. Il récuse toute ambition de nation-building qui implique la participation des militaires américains à la reconstruction de contrées lointaines telles que la Bosnie-Herzégovine ou le Kosovo, dans lesquelles sont encore présents des milliers de soldats américains au début de 2001.
Les débuts de la présidence Bush laissent alors entrevoir une politique étrangère non pas isolationniste, mais peu active et principalement concentrée sur l'émergence d'une nouvelle puissance, potentiellement rivale des États-Unis: la Chine. Ainsi, en avril 2001, un incident entre un avion espion américain et un chasseur chinois apparaît comme l'unique événement en politique étrangère qui monopolise le gouvernement Bush.
Or, dès son entrée en fonction, la conseillère pour la sécurité nationale du nouveau président, Condoleezza Rice, est informée par le directeur de la CIA des risques d'une attaque terroriste sur le sol américain. Cette information n'attire guère l'attention, et la traque d'un individu — Oussama ben Laden — menaçant les États-Unis depuis le fin fond de l'Afghanistan ne devient pas une priorité. Dès le 11 septembre, George W. Bush devient le «décideur en chef» et lance les États-Unis dans une «guerre contre la terreur» qui définira l'ensemble de sa politique étrangère.
Des erreurs et des errements
Instinctif, impulsif, entêté, Bush ne s'intéresse guère aux détails et aux conséquences de ses choix et reste imperméable aux opinions contradictoires. Ces lacunes cognitives ne seront pas corrigées par ses conseillers. Pire, elles seront exploitées par un groupe d'hommes restreint et influent emmené par le vice-président, Richard Cheney, et le ministre de la Défense, Donald Rumsfeld. Ceux-ci court-circuiteront le département d'État, la CIA et le Conseil de sécurité nationale et parviendront à imposer leurs priorités politiques et idéologiques.
Les effets toxiques de cette combinaison de prédispositions cognitives et de contournement du processus décisionnel se traduiront notamment par l'enlisement des États-Unis en Afghanistan. Ils culmineront avec la décision, prise en 2002, d'envahir l'Irak et les multiples erreurs et errements dans l'occupation subséquente du pays.
Malgré des tentatives d'ajustement de la politique étrangère au cours de son second mandat, l'aventure irakienne a alimenté la forte impopularité du président Bush et a considérablement entaché l'image des États-Unis. Elle constitue surtout un fardeau pour l'action américaine sur la scène internationale. Barack Obama a tiré une grande partie de sa popularité de son opposition à la guerre en Irak, contrairement par exemple à sa principale rivale lors des primaires démocrates, Hillary Clinton. Depuis son arrivée à la Maison-Blanche en janvier 2009, il s'évertue à gérer l'héritage délicat de son prédécesseur. Le style de gestion d'Obama et sa démarche décisionnelle semblent favoriser un plus grand pragmatisme et limiter les risques d'erreurs liés à des aveuglements cognitifs et idéologiques.
Les tentatives de rééquilibrage d'Obama
La gestion du dossier irakien illustre la prudence du gouvernement Obama en matière de politique étrangère. Le retrait des troupes américaines de l'Irak était une promesse majeure de la campagne électorale de Barack Obama. Il y a cependant procédé de façon graduelle et responsable, au risque de froisser ses plus ardents partisans. La dynamique sur le terrain conditionne le rythme de ce retrait. S'il semble devoir s'accélérer à l'approche des échéances électorales de 2012, des milliers de soldats américains sont encore présents en Irak et continuent à jouer un rôle crucial dans l'amélioration de la situation dans ce pays.
Plus fondamentalement, gérer l'héritage du gouvernement Bush en matière de politique étrangère n'a pas donné lieu, de la part de Barack Obama, à des changements radicaux. Le processus décisionnel à la Maison-Blanche est certes plus délibératif. La décision, annoncée en décembre 2009, d'envoyer temporairement 30 000 soldats supplémentaires en Afghanistan a été prise après des discussions, parfois vives, qui ont duré tout l'automne. La tonalité du président Obama est aux antipodes des accents de cow-boy de Bush. Les efforts rhétoriques pour renouer la relation avec le monde musulman, relancer le dialogue avec la Russie ou encore parvenir à une dénucléarisation de la scène internationale en témoignent.
L'image des États-Unis
Barack Obama s'inscrit toutefois dans une continuité certaine de la politique étrangère américaine, même celle menée par son prédécesseur immédiat. Ainsi, le retrait des troupes américaines de l'Irak suit le calendrier qui avait été fixé entre le gouvernement irakien et le gouvernement Bush à l'automne 2008. La stratégie privilégiée en Afghanistan n'est pas sans rappeler celle du «sursaut» mise en oeuvre en Irak à partir de janvier 2007.
La lutte contre le terrorisme se poursuit, des régions frontalières de l'Afghanistan et du Pakistan à la Somalie, en passant par le Yémen. Elle apparaît même encore plus musclée que sous la présidence Bush, comme l'illustrent la multiplication des frappes à partir de drones et la préférence pour l'élimination des terroristes au lieu de leur capture.
Les discours du président Obama, notamment celui du Caire en juin 2009, n'ont pas permis d'améliorer l'image des États-Unis dans le monde musulman. Selon un sondage réalisé par l'Université du Maryland et l'institut Zogby International, le taux d'opinions favorables aux États-Unis dans les pays arabes en 2011 est en fait inférieur à ce qu'il était en 2008.
Trois dossiers-clés déterminent la réputation des États-Unis au Moyen-Orient: la présence militaire, en particulier dans le Golfe, le conflit israélo-palestinien et le soutien aux mouvements régionaux de démocratisation. Dans ce dernier dossier, la réaction du gouvernement Obama est légitimement prudente et volontairement en retrait. Dans les deux premiers, il n'y a pas de rupture par rapport à la tradition en politique étrangère américaine depuis plus de 60 ans.
Vers une réélection?
L'élimination d'Oussama ben Laden en mai 2011 a tourné la page d'une décennie au cours de laquelle la lutte contre le terrorisme a exagérément dominé les priorités de l'action américaine sur la scène internationale. Elle représentait une occasion pour le président Obama de reconcentrer la politique étrangère des États-Unis sur des enjeux majeurs, tels que l'approvisionnement énergétique et la protection de l'environnement, la réforme d'instances internationales devenues nettement obsolètes, moins représentatives, inefficaces ou paralysées (l'ONU, le FMI, la Banque mondiale, l'OMC), l'émergence de nouvelles grandes puissances comme la Chine et l'Inde, la relation avec les alliés ou encore la compétitivité de l'économie américaine.
Or une lassitude grandissante de la population américaine envers les engagements internationaux et une inquiétude profonde quant à la situation économique ne permettront guère à Barack Obama de consacrer temps et énergie à ces enjeux. Comme l'a appris à ses dépens George Bush en 1992, sa réélection en 2012 dépend de sa performance concernant l'économie et non de la transformation de la politique étrangère américaine.
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Charles-Philippe David et Julien Tourreille, respectivement titulaire de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques et directeur adjoint de l'Observatoire sur les États-Unis à l'UQAM


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