La peur des autres

Le 11-Septembre a provoqué la peur, le repli et la crainte des autres. Il semble que cela sera difficile d'en sortir

9/11 - 10e anniversaire



Le 11-Septembre a provoqué la peur, le repli et la crainte des autres, selon Jocelyn Coulon. Ci-dessus, des faisceaux de lumière s'élèvent de Manhattanen hommage aux victimes de l'attentat terroriste.
Photo Gary Hershorn, archives Reuters


Le XXIe siècle s'est ouvert par un événement spectaculaire qui, paradoxalement, n'a pas conduit à des changements révolutionnaires en matière de sécurité. Au contraire, il a eu des conséquences très classiques. En effet, les attentats du 11 septembre 2001 ont provoqué le retour en selle de la notion pérenne de la sécurité chez la plupart des États, y compris aux États-Unis.
L'atmosphère du monde de l'après-guerre froide de 1989-1990, caractérisée par les grands discours sur la sécurité collective, l'abolition des frontières, l'ascension du « soft power « et l'effacement progressif de l'État, a cédé la place aux pronostics les plus sombres sur l'avenir du monde et au retour dans les discours comme dans les politiques aux éléments fondamentaux de la sécurité dans le système international : le rôle central de l'État, la prééminence de l'intérêt national, la puissance des armes. Bref, le « hard power «, la puissance dure, refait surface.
Ce constat amène une hypothèse : la période entre la chute du mur de Berlin en 1989 et la chute des tours jumelles du World Trade Center en 2001 n'a-t-elle été qu'un court moment d'euphorie, une phase de transition, entre deux réalignements du système international dont la caractéristique permanente est la lutte à laquelle se livrent les États pour assurer leur sécurité et maximiser leur puissance à tout prix ? C'est possible.
D'ailleurs, avant les événements du 11-Septembre, Henry Kissinger écrivait dans Diplomatie que l'après-guerre froide représentait une période délicate dans l'histoire des relations internationales. « Jamais encore un ordre mondial n'a dû s'instaurer à partir de tant de perspectives différentes, ni sur une telle échelle. Aucun ordre antérieur n'a eu à agir sous les yeux d'une opinion démocratique mondiale et dans un contexte caractérisé par une explosion technologique de cette ampleur. »
Si aujourd'hui le monde se cherche toujours un ordre, une constante demeure tout au long de l'Histoire, écrivait encore Kissinger : « Les nations ont recherché la satisfaction de leur intérêt égoïste plus souvent que l'application de leurs nobles principes, et se sont posées en rivales plus souvent qu'elles n'ont coopéré. Rien n'indique que ce comportement ait changé, aucun indice n'annonce sur ce point de transformation notable dans les prochaines décennies.» Avec les attentats terroristes, l'après-11-Septembre a confirmé le constat de Kissinger : la sécurité définie comme la promotion et la défense de ses éléments fondamentaux est un état permanent des relations internationales.
Le monde n'a pas complètement abandonné le multilatéralisme, mais, de plus en plus, les États font primer leurs intérêts au détriment d'une plus grande concertation. Les États-Unis et la Grande-Bretagne n'ont pas hésité un instant en 2003 à violer les normes internationales pour envahir l'Irak, provoquant ensuite la mort de 200 000 personnes. La Russie a transformé les Tchétchènes en peuple martyr et a envahi brutalement une partie du territoire géorgien (Abkhazie et Ossétie du Sud). La Corée du Nord a acquis l'arme nucléaire et l'Iran est sur le point de le faire. Ce durcissement dans les relations internationales a provoqué une augmentation de 50 % des budgets militaires en 10 ans. Certains, comme celui des États-Unis, sont devenus tout simplement obscènes au vu des « menaces « actuelles. Enfin, même si le Conseil de sécurité de l'ONU a estimé, le 20 juillet dernier, que les changements climatiques posent une menace au maintien de la paix et de la sécurité internationales, les États traînent les pieds à respecter leurs engagements dans ce domaine en prétextant que les crises économiques les en empêchent.
Le 11-Septembre a provoqué la peur, le repli et la crainte des autres. Il semble que cela sera difficile d'en sortir.


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