La fin des illusions

9/11 - 10e anniversaire


Mathieu Bock-Côté, 24h, 14 septembre 2011, p.4
Après la chute du mur de Berlin, en 1989, qui marquait la fin de la Guerre froide, les sociétés occidentales se croyaient en route pour une longue paix, une très longue paix, seulement troublée par quelques conflits régionaux résiduels.
Le discours sur la mondialisation s’est imposé à partir de cette certitude. On croyait à la paix par le marché et la multiplication des échanges commerciaux. On croyait aussi que les cultures étaient vouées à se féconder mutuellement sans jamais s’entrechoquer.
Une civilisation planétaire était sur le point de naître. L’histoire violente était derrière nous. Le 11 septembre a sonné la fin des illusions. Il a marqué le retour de la violence sauvage dans les sociétés occidentales.
C’est la guerre qui est de retour. Avec un nouveau visage. Nous ne luttons plus contre un État mais contre une nébuleuse totalitaire. Personne ne sait vraiment comment gagner cette guerre. On se demande encore comment la mener.
C’est l’espoir d’une paix perpétuelle qui s’est perdu. Car la paix n’a rien à voir avec une chanson de John Lennon. La paix est certainement un idéal, mais il ne se suffit pas à lui-même. La paix est moins une affaire de morale que de politique.
En fait, la paix correspond moins à un « état d’esprit » qu’à la recherche d’équilibres complexes, difficiles à maintenir. Elle suppose le travail des services secrets, de la police, de l’armée. Le proverbe est désagréable sans être faux : si tu veux la paix, prépare la guerre. Mieux vaut être fort que faible pour ne pas être agressé.
Peut-on espérer plus ? Peut-être. À très long terme. Mais la violence n’est pas extérieure à la nature humaine. Cette disposition au conflit, elle s’exprime aussi par le commerce, les arts, le débat démocratique. On appelle cela le progrès de la civilisation. Mais jamais, la possibilité de la guerre ne pourra être complètement évacuée.
Cela ne veut pas dire qu’il faut applaudir toutes les opérations militaires. Loin de là. La guerre d’Irak n’était certainement pas la bonne réponse au 11 septembre. Celle d’Afghanistan s’est embourbée au fil des années et doit se terminer.
Mais cela veut dire que la pédagogie pacifiste qu’on nous inflige n’a rien à voir avec le monde réel dans lequel nous vivons. C’est parce qu’elles sauront se réconcilier avec un sain réalisme que les sociétés occidentales pourront envisager une paix qui, à défaut d’être éternelle, sera durable.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé