La phrase

Robert Bourassa - 10e anniversaire


"Le Québec est, aujourd'hui et pour toujours, une société distincte, libre et capable d'assumer son destin et son développement. "
Il est bien que cette déclaration historique ait été gravée au pied de la statue de Robert Bourassa dévoilée hier sur la colline parlementaire. Cette phrase, c'est du Bourassa tout craché. Dans son ambiguïté, diront les critiques. Sans doute. Mais aussi dans ce qu'elle exprime de fierté et d'ambition pour le Québec.
Quant à l'ambiguïté, on en a la preuve dans le fait que la phrase est citée aussi souvent par les souverainistes que par les fédéralistes (encore cette semaine, par Diane Lemieux et André Boisclair). Cette équivoque volontaire témoigne non pas du cynisme de Robert Bourassa mais de son génie politique. On a dit qu'il avait " triché "; au contraire, portant sur ses épaules la responsabilité de l'avenir du Québec, M. Bourassa a agi avec une sagesse et un sang-froid exceptionnels.
Au lendemain de l'échec de l'accord du lac Meech, les Québécois sont furieux, déçus. Leur premier ministre se doit d'exprimer ces sentiments. Les souverainistes auraient voulu qu'il profite du vent d'indignation pour faire l'indépendance. Mais Bourassa, comme les Québécois eux-mêmes, est prudent. À l'Assemblée nationale le 22 juin 1990, il exprime la déception de ses concitoyens, leur fierté aussi. Il garde ouvertes toutes les portes d'avenir. Surtout, il gagne du temps. Car il sait que contrairement à la colère, le temps est bon conseiller.
Ses adversaires l'accusent encore aujourd'hui d'avoir manqué d'audace. Dire cela de l'homme qui a lancé le gigantesque chantier de la baie James, c'est insulter sa mémoire. Robert Bourassa ne manquait pas d'ambition pour son peuple, au contraire. Le chef du Parti québécois, André Boisclair, l'a fort bien dit hier dans une allocution d'une grande classe. Audacieux, Bourassa? Certainement. Mais, heureusement pour le Québec, pas téméraire.
On l'a dit hésitant, ambivalent, comme s'il s'agissait d'un défaut. Si c'était plutôt une qualité, une force bien québécoise? C'est la thèse que défend avec brio le sociologue Jocelyn Létourneau dans son dernier essai (Que veulent vraiment les Québécois?, chez Boréal). " La plupart des Québécois n'ont jamais voulu parier quitte ou double sur leur devenir, forcer le jeu en s'exposant à perdre gros ou tout miser sur un seul coup, écrit Létourneau. Ils ont toujours préféré user d'une stratégie d'opportunisme circonstanciel et de construction patiente et composite de leur main, en bluffant parfois, mais pas trop. "
" Une société distincte, libre et capable d'assumer son destin et son développement. " Les souverainistes citent cette phrase dans l'espoir de convaincre quelques craintifs, pour indiquer que Bourassa, l'économiste, le circonspect, a un jour cru en la faisabilité et en l'opportunité de l'indépendance.
En présentant les choses ainsi, on ampute une pensée complexe d'un de ses éléments essentiels. M. Bourassa était profondément convaincu que le Québec moderne est " libre et capable d'assumer son destin " et- la conjonction est cruciale- qu'il peut mieux le faire au sein du Canada que comme pays souverain.

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André Pratte878 articles

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[une chronique intitulée « Tout est pourri » (critique de Anne-Marie Gingras) ->http://books.google.fr/books?id=EZWguAMXAtsC&pg=PA27-IA27&lpg=PA27-IA27&dq=pratte+Tout+est+pourri&source=bl&ots=MUti9NTQuH&sig=h2zgJlLgOg844j5ejxnUl4zH2_s&hl=fr&sa=X&ei=73RrT8aQEqnh0QHuh4GyBg&ved=0CEEQ6AEwBQ#v=onepage&q=pratte%20Tout%20est%20pourri&f=false]

[Semaine après semaine, ce petit monsieur nous convie à la petitesse->http://www.pierrefalardeau.com/index.php?option=com_content&task=view&id=30&Itemid=2]. Notre statut de minoritaires braillards, il le célèbre, en fait la promotion, le porte comme un étendard avec des trémolos orwelliens : « La dépendance, c’est l’indépendance ». « La soumission, c’est la liberté ». « La provincialisation, c’est la vraie souveraineté ». « La petitesse, c’est la grandeur ». Pour lui, un demi-strapontin à l’Unesco est une immense victoire pour notre peuple. C’est la seule politique étrangère qu’il arrive à imaginer pour le peuple québécois. Mais cet intellectuel colonisé type n’est pas seul. Power Corp. et Radio-Cadenas en engagent à la poche.





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