La magouille ou le bordel

Sur le front de l’intégrité, le gouvernement a perdu depuis longtemps la bataille de l’opinion publique, mais il fait le pari que les électeurs craignent encore plus la violence et les perturbations. Bref, qu’entre la magouille et le bordel, la première paraîtra un moindre mal.

Corrution libérale - Michelle Courchesne


Même si elle s’emportait parfois jusqu’à en perdre ses souliers, Michelle Courchesne préférait sûrement passer ses journées à discuter avec les représentants des associations étudiantes plutôt que subir quotidiennement la période de questions à l’Assemblée nationale. La ministre de l’Éducation doit même s’ennuyer de Gabriel Nadeau-Dubois.
Elle peut toutefois se consoler à l’idée que son supplice prendra fin dans moins d’une semaine, alors que l’Assemblée ajournera ses travaux pour l’été et ne les reprendra sans doute pas avant les prochaines élections qui, à en croire la rumeur, auront lieu le 17 septembre.
Il semble acquis que Mme Courchesne ne sollicitera pas un nouveau mandat, mais les troublantes révélations du vérificateur général concernant la gestion du Fonds pour le développement du sport et de l’activité physique ne seront pas oubliées pour autant.
La publication de son rapport a été un cadeau du ciel pour les partis d’opposition, en particulier pour le PQ. Au cours des derniers mois, le conflit étudiant a complètement éclipsé la question de l’intégrité gouvernementale et de la corruption, qui avait fait grimper le taux d’insatisfaction à un niveau record.
L’incompétence est une chose si répandue que la population a développé une sorte d’accoutumance. D’un gouvernement à l’autre, le contribuable en est arrivé à trouver inévitable que le fruit de son labeur soit mal utilisé. En revanche, il ne s’habituera jamais à ce qu’il serve à enrichir des amis du régime ou à remplir la caisse du parti au pouvoir.
Le rôle du vérificateur général n’est pas de déterminer s’il y a malversation, mais il est clair que les déficiences qu’il a relevées laissent planer un doute que les recherches les plus élémentaires faites par l’opposition ont encore renforcé.


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Durant toute la semaine, les députés péquistes ont habilement fait alterner les questions portant sur les projets d’infrastructures sportives et sur l’octroi des places en garderie aux contributeurs libéraux pour démontrer que cela fait partie d’un seul et même système.
Mme Courchesne a eu beau protester de son intégrité et faire valoir ses quarante ans de service public, on n’arrive pas à lui donner le bénéfice du doute. C’est précisément sa longue expérience de la fonction publique qui enlève toute crédibilité à ses explications. Pour cette ancienne sous-ministre, les « principes de saine gestion » évoqués par le vérificateur général ne devraient avoir aucun secret.
Elle a soutenu que les projets écartés d’entrée de jeu par son cabinet, avant même d’être analysés par les fonctionnaires, faisaient l’objet d’un autre programme ou n’étaient pas admissibles à un programme fédéral conjoint. Pourtant, le vérificateur général en a relevé une vingtaine qui n’ont pas été analysés, même s’ils étaient similaires à ceux qui ont été subventionnés.
Tous les projets retenus l’ont été « après analyse et recommandations des fonctionnaires du ministère », a assuré Mme Courchesne. Or le vérificateur a précisément déploré le fait que les rapports des fonctionnaires « ne contiennent pas de recommandations explicites » et que « l’analyse détaillée est souvent insuffisante pour soutenir la décision d’attribuer les subventions ».
Faire valoir que la moitié des subventions a été attribuée à des projets situés dans des circonscriptions représentées par des députés de l’opposition est un pur sophisme. L’Important n’est pas de savoir où l’argent a été dépensé, mais qui en a profité.
Là encore, les apparences sont troublantes. Il est tout à fait anormal qu’une subvention pour la construction d’un complexe multisport ait été accordée à un organisme dont les dirigeants étaient également administrateurs de la compagnie de construction qui a évalué les coûts du projet et qui a ensuite obtenu un contrat de 15,5 millions pour le réaliser. Surprise, le président de Di Lallo Construction et sa famille sont de généreux contributeurs à la caisse libérale.
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Le premier ministre Charest fait le pari que les électeurs seront plus sensibles à la nécessité du maintien de l’ordre et du respect de la loi, qui ont été mis à mal durant le conflit étudiant. À cet égard, peut-on faire confiance à un parti qui a adopté le « carré rouge » ?
On peut toujours se désoler de voir un député prôner la désobéissance civile et en donner lui-même l’exemple parce qu’il juge injuste et antidémocratique une loi adoptée en bonne et due forme, mais la perspective d’un gouvernement formé par Québec solidaire est pour le moins lointaine.
Un gouvernement péquiste est une possibilité bien réelle. Pour la « majorité silencieuse » dont le PLQ se veut le porte-parole, Pauline Marois frappant sur sa petite casserole devant le local de la candidate libérale à l’élection partielle de lundi dans Argenteuil ne correspond sans doute pas à l’image d’une première ministre.
Sur le front de l’intégrité, le gouvernement a perdu depuis longtemps la bataille de l’opinion publique, mais il fait le pari que les électeurs craignent encore plus la violence et les perturbations. Bref, qu’entre la magouille et le bordel, la première paraîtra un moindre mal.


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