La faute au PQ

La désinvolture qui anime présentement le premier ministre face aux turbulences économiques n’aurait jamais été tolérée chez un chef souverainiste.

Chronique de Patrice Boileau


Je ne peux m’empêcher de m’imaginer comment auraient réagi les médias fédéralistes du Québec si le Parti québécois avait formé le présent gouvernement! Tous les maux dont est actuellement affligée l’économie québécoise auraient inévitablement été imputés à l’option indépendantiste de l’administration péquiste!
Ainsi, les pertes de 40 milliards de la Caisse de dépôt et placement auraient été transformées en tragédie nationale parce que survenues sous une gouvernance souverainiste! Les nombreuses pertes d’emploi qui touchent le secteur aéronautique ne seraient plus le fruit d’un ralentissement économique mondial, mais bien le résultat de représailles, suite à l’élection du PQ. Le déficit budgétaire annoncé la semaine dernière par la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget -- le premier « officiel » en dix ans -- alimenterait assurément les pires fadaises sur l’interventionnisme péquiste. Finalement, la perte de 1 milliard de dollars en paiement de péréquation l’année prochaine aurait été la preuve qu’un gouvernement souverainiste empêche l’établissement de relations saines entre Québec et Ottawa…
Et que dire de toutes ces hausses tarifaires qui s’apprêtent à frapper le contribuable québécois! De multiples majorations qui auront tôt fait de lui usurper les baisses d’impôt que lui a consenti maladroitement le gouvernement de Jean Charest! J’imagine ce dernier, transformé en chef de l’Opposition officiel, hurler que la société québécoise est la plus taxée en Amérique du Nord! Il se serait inéluctablement indigné de voir la nouvelle administration péquiste anéantir « son œuvre » alors qu’il était premier ministre.
Les attaques auraient été également féroces si un premier ministre indépendantiste s’était dérobé, comme le chef libéral l’a fait, depuis son retour d’Europe. Il aura fallu un tournoi de hockey pee-wee dans la Capitale nationale pour que le député de Sherbrooke sorte de sa cachette. Quelle stratégie d’amateur! Les jeunes participants de la compétition sportive sont sans conteste plus vite que lui sur leurs patins. Reste que Jean Charest est demeuré de glace face aux journalistes qui le questionnaient au sujet des mauvaises nouvelles budgétaires!
La désinvolture qui anime présentement le premier ministre face aux turbulences économiques n’aurait jamais été tolérée chez un chef souverainiste. L’empire Gesca aurait alors remué ciel et terre pour susciter l’indignation générale dans la population. Tout le contraire donc de ce qui est actuellement observé. Le Québec s’en va dans le rouge sans que cela n’inquiète les principaux observateurs de la scène politique. Il n’est plus question de recourir aux épouvantails traditionnels, celui d’une possible décote des maisons de crédit américaines, celui d’hypothéquer les générations à venir ou encore celui du prix de l’incertitude politique. En bout de ligne, il est naturel qu’un Québec fédéraliste n’échappe pas à une récession mondiale alors que sous un gouvernement souverainiste, tout soubresaut économique s’avère toujours suspect...
Jean Charest et son gouvernement sont dépassés par les événements. Le chef libéral a quand même le culot d’oser égratigner les décisions de l’administration péquiste de la fin des années 1990, alors qu’elle était aux prises avec de sauvages compressions de la part du gouvernement fédéral; un énorme manque à gagner fiscal qui menaçait alors la cote de solvabilité du Québec. L’Assemblée nationale n’avait d’autres choix que d’équilibrer ses finances publiques parce que cette norme économique était de mise à ce moment dans le monde occidental.
L’administration libérale peut pousser présentement un soupir de soulagement car la période économique dans laquelle elle pénètre chamboule totalement les règles internationales de gestions des fonds publics. Celles-ci raniment en effet le droits aux déficits abyssaux. Exit donc les compressions budgétaires : les gouvernements des pays industrialisés peuvent de nouveau dépenser sans compter et soutenir les canards boiteux. Le gouvernement de Stephen Harper fut le dernier, à l’automne 2008, à essayer de les réduire par des astuces dogmatiques, histoire de tenter d’éviter de renouer avec un solde négatif. Mal lui en prit! Depuis, l’administration conservatrice est entrée sagement dans les rangs et présentera des budgets déficitaires de 30 milliards de dollars pour chacune des deux prochaines années.
Voilà qui inquiète grandement. Car le gouvernement libéral à Québec n’hésitera pas non plus à carburer grassement à crédit. Toutes ces années à se serrer la ceinture, tout ce temps à rappeler le PLQ à l’ordre en le sommant en vain de ne pas baisser les impôts… Plonger nos finances publiques dans le rouge n’est pas une bonne nouvelle car le Québec ne dispose pas de tous ses moyens pour organiser son éventuel travail de redressement financier : il sera toujours à la merci des coups bas de l’État canadian.
Il y a fort à parier que cette corvée sera celle du Parti québécois. Le gouvernement Charest ne survivra assurément pas à la tempête économique qui se lève. Malheureusement, le PQ devra probablement rétablir les finances publiques à l’aide des mêmes règles qui ont prévalu lorsqu’il a effectué la même besogne dans les années 1990. Lui aussi risque donc de s’attirer le mécontentement de la société civile. À moins qu’il ne décide d’entreprendre la tâche sans boulet provincial, en sollicitant l’appui de la population lors du prochain rendez-vous électoral. Parions qu’il n’aura pas le courage de le faire. Il lui sera alors difficile de susciter l’enthousiasme lorsqu’il informera la population du déficit que lui auront laissé les libéraux. Une autre occasion ratée. Diantre! N’y a-t-il pas moyen parfois d’arriver à une autre conclusion que celle qui est en haut de ce texte?
Patrice Boileau


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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    24 février 2009

    Monsieur Larose,
    Je n'ai fait que rappeler les ...faits!
    Les faits, au PQ, on n'est pas fort là-dessus. Les autres ont toujours tort. Seul, lui, a raison.
    Ce n'est pas parce que c'était la norme de faire des déficits qu'il faut dire que le PQ en a fait moins que les autres.
    Nestor Turcotte

  • Rodrigue Larose Répondre

    23 février 2009

    Excellente réflexion! Il est vrai que le déchaînement médiatique serait terrible, surtout en raison du déficit prévu. Jusque dans les années 1990, les déficits gouvernementaux étaient la norme. (Avis à monsieur Turcotte.) Que l'on cesse de jouer au pisse-vinaigre avec ceux du Parti québécois antérieurs au gouvernement Bouchard. C'est ce même gouvernement péquiste qui a mis fin à la récréation, tout au moins jusqu'en 2009.
    P.-S.: Je rêve. La qualité des chroniques de Vigile devrait faire en sorte que les revues de presse télévisées du matin en tiennent compte. Par ailleurs, l'épisode du tir-ami pratiqué par le Parti québécois sur Patrick Bourgeois risque de mettre en péril un des quelques médias écrits non inféodés aux forces économiques et fédéralistes. Dommage!

  • Archives de Vigile Répondre

    18 février 2009

    Selon la revue Actualité (15 avril 2005) Jacques Parizeau, Ministre des finances, a fait passer la DETTE du Québec de 8 milliards qu'elle était en 1976, à 40 milliards en 1985. Gérard D. Lévesque, aussi Ministre des finances, l'a fait passée de 40 milliards à 80 milliards en 1994. Et enfin, Bernard Landry, de 80 milliards à 114 milliards en 2003. Avec Pauline, Ministre des finances, qui nous avait caché un déficite de l'ordre de 3 ou 4 milliards. On connaît la suite....C'est plus près de nous.
    Les plus gros déficits du PQ ont eu lieu à la veille du référendum de 1980 et celui de 1995. Allez voir les chiffres»!
    En fait, depuis 1970, péquistes et libéraux ont fait des déficits cumulés à peu près semblables. Avec quelques milliards de plus pour le PQ.
    En 1982, le PQ a coupé de 20 % les salaires de ses employés, unilatéralement, pendant plus de trois mois. Et cela, après avoir renié sa signature sur des conventions dûment bien adotpées par les parties syndicales et la partie gouvernementale.
    Pauvre mémoire, quand tu nous fait défaut!
    Nestor Turcotte