Une autre marée gaspillée

Chronique de Patrice Boileau


Alors que j’étais membre du conseil exécutif péquiste de la circonscription de Chambly à titre de responsable des communications, il m’est arrivé de côtoyer des personnalités publiques du monde politique. Certains m’ont fait déchanter, tellement il n’en avait que pour leur superbe, alors que d’autres étaient réellement animés du désir de servir avec dynamisme la société québécoise.
Jean-François Lisée appartient au second groupe. Certes, il n’a jamais hésité à se présenter devant les caméras de télévision pour expliquer son opinion. Son désir cependant d’en demeurer plutôt en retrait montre qu’il ne cherchait pas prioritairement à triompher personnellement devant les projecteurs.
J’ai discuté à quelques reprises avec l’homme, lors de réunions politiques. Il a toujours affiché une écoute respectueuse de mes idées, n’a jamais exprimé de mépris lorsqu’il n’était pas en accord avec celles-ci. Particulièrement celle de recourir à la voix élective pour réaliser la souveraineté, même si je précisais qu’une victoire par le biais de ce mécanisme démocratique nécessitait impérativement l’appui d’une majorité absolue des suffrages exprimés. Je le vois encore hocher la tête avec considération, lors d’un échange au sortir d’une rencontre publique à Saint-Bruno. Il n’était pas totalement contre ce processus d’accession à la souveraineté, mais demandait visiblement à être convaincu davantage.
Le conseiller spécial de nombreux premiers ministres indépendantistes avait prononcé ce soir-là un discours sur sa « théorie des marées. » À ses yeux, l’appui à l’option souverainiste imite les fluctuations océaniques. Si le soutien populaire québécois devait connaître une baisse d’intérêt envers l’idée de liberté, il redeviendrait éventuellement vigoureux, comme l’ont démontré les périodes de ferveur souverainiste qui ont marqué l’histoire récente du Québec, particulièrement depuis la Révolution tranquille.
Jean-François Lisée dit vrai. Il résume une vérité également lorsqu’il ajoute que ces « marées » sont souvent survenues alors que le Parti québécois ne formait pas le gouvernement! Impossible donc d’endiguer le puissant flux afin de produire l’ultime étincelle devant propulser le Québec vers son destin. Seule une exception est survenue, selon lui. Était présente en effet cette fameuse marée, en 1996, alors que le PQ était au pouvoir. L’appui populaire au projet indépendantiste dépassait toujours les 50%. L’hésitation de Lucien Bouchard à organiser alors un autre référendum, un an seulement après la fraude de 1995, explique pourquoi il n’a pas osé bouger.
On ne peut pas dire qu’il y a présentement une marée montante au Québec. Avec 43% d’appui, selon la dernière enquête de la firme Crop, l’option souverainiste ne recueille pas l’aval d’une majorité de Québécois. L’on perçoit toutefois des ondulations grandissantes à la suite des nombreux assauts qui ont été perpétrés récemment contre l’État québécois. Si la barre des 50% tarde à être atteinte, c’est parce que le navire amiral souverainiste a baissé pavillon, celui de son article 1, lors de la dernière bataille électorale. Orphelins de formation politique apte à s’emparer du pouvoir à brève échéance pour faire le pays, les souverainistes déchantent. Certes, à Ottawa le Bloc québécois tire les marrons du feu admirablement. La crise politique qui a frappé le Parlement canadian a démontré combien la présence de souverainistes aux Communes est essentielle pour défendre les intérêts du Québec. Il importera aux bloquistes de maintenir la cadence et de le rappeler aux gens, tout en leur remémorant le camp qu’a choisi Michael Ignatieff et sa députation québécoise, lors du vote budgétaire.
Reste qu’à Québec les choses sont moins roses. L’Opposition officielle parle de remettre le discours souverainiste au sommet de l’ordre du jour. Il est question de rafraîchir l’argumentaire indépendantiste. « Sortir, parler et convaincre » est un refrain de nouveau entonné. Sauf que cela ne paraît mener nulle part. L’horizon est un endroit où se noie le regard, là où on ne sait plus à quel cycle se situe la marée. Il faut viser un objectif précis.
Les nombreux mouvements de citoyens qui se forment ça et là pour empêcher le détournement de l’histoire qui se prépare cet été évoquent une eau qui devient en ébullition. Ou est-ce plutôt le clapotis impatient des vaguelettes qui martèlent la grève, empressées d’être ravitaillées par quelque chose de plus costaud? Il est certain qu’un geste d’éclat de la part des leaders souverainistes décuplerait la mouvance populaire qui s’observe présentement. L’annonce d’une mesure concrète comme celle de demander un mandat précis, au prochain scrutin, susciterait assurément l’enthousiasme.
C’est ce que j’expliquais à Jean-François Lisée. Ses marées perdues, parce que le Parti québécois était dans l’opposition, auraient pu être retenues en optant dorénavant pour la voix élective comme procédure menant à l’indépendance. Les séjours hors du pouvoir se transformeraient ainsi en périodes fructueuses où se forment des alliances stratégiques avec des partenaires politiques. Des intervalles pédagogiques parce que vouées à informer la société civile des bienfaits qui seront réalisés, et de l’inviter à participer, alors que le Québec souffre présentement d’un lamentable immobilisme puisque sans moyens nationaux.
Des élections sont cycliques comme les marées. Elles reviennent inlassablement aux 4 ans. S’agit d’endiguer la bonne; celle qui transportera 50% +1 des votes exprimés. Ne manque à nos leaders que le courage politique d’agir. Puissent-ils le trouver chez ceux qui luttent afin que le 250e anniversaire de la bataille des Plaines d’Abraham soit souligné avec respect.
Patrice Boileau


Laissez un commentaire



1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    11 février 2009

    «Le combat fait rage.Le combat était dur.Il a fait des ravages.Nos (ancêtres) ivres de fierté n’ont rien laché.Jamais.
    Nous sommes des milliers,un fleuve extraordinaire.Avec (sept millions) de CŒURS DEBOUT,notre force est sublime,elle emportera tout.La tête haute dans le vent (nous sentons) l’odeur délicieuse de la liberté.»Cali