La Commission européenne dément un retour d'ACTA par le biais d'un accord avec le Canada

Accord de libre-échange Canada - Union européenne



Par Franz Durupt - La Commission européenne a assuré, jeudi 12 juillet, que les dispositions controversées du traité ACTA, rejeté la semaine dernière par le Parlement européen, ne faisaient plus partie du traité CETA, actuellement en discussion entre le Canada et l'Union européenne, sans convaincre pour autant les opposants à ce texte.
CETA (Canada-EU Trade Agreement) est un accord commercial actuellement négocié par l'Union européenne et le Canada. Lundi, un professeur de droit canadien, Michael Geist, avait revélé que de nombreux paragraphes d'une version d'étude de CETA, datant de février 2012, reprenaient au mot près le contenu du traité ACTA. Les deux textes comportaient notamment une disposition controversée, qui devait permettre d'obliger les fournisseurs d'accès Internet à communiquer les coordonnées personnelles d'internautes soupçonnés de téléchargement illégal aux ayants droit.
>> Lire : "Le traité ACTA pourrait revenir par le biais d'un accord avec le Canada"
Contactés jeudi, les services du porte-parole de la Commission européenne chargé du commerce, John Clancy, ont expliqué au Monde.fr que "les articles les plus contestés d'ACTA (27.3 et 27.4)", ceux qui prévoyaient la récupération des données privées d'internautes soupçonnés de piratage, "ne font désormais plus partie de CETA et ont été remplacés par un texte différent, basé sur la directive européenne relative au e-commerce".
"PAS LIEU D'ALIMENTER LES THÉORIES DU COMPLOT"
Par ailleurs, la Commission a expliqué que les dispositions de CETA qui avaient créé la polémique en début de semaine n'étaient pas reprises d'ACTA, mais d'autres textes européens, telle la directive de 2000 sur le e-commerce, la directive de 2001 sur la société de l'information, le règlement du Conseil concernant les douanes de 2003 et la directive de 2004 relative au respect des droits de la propriété intellectuelle.
Vérification faite, on ne trouve aucune trace dans ces textes d'une procédure simplifiée permettant aux ayants droit d'obtenir l'identité d'un individu soupçonné de piratage. Au contraire, la directive de 2004 sur la propriété intellectuelle rappelle dans son vingtième point que "les procédures [lancées en cas de soupçon de piratage] devraient respecter les droits de la défense et être assorties des garanties nécessaires, y compris la protection des renseignements confidentiels".
John Clancy estime que les comparaisons dressées entre ACTA et CETA sont "un non-sens", et garantit que CETA "sera très proche de l'accord commercial passé avec la Corée du Sud [ici en PDF], en vigueur depuis un an et qui n'a pas mis fin à l'Internet libre". "Il n'y a pas lieu d'alimenter des théories du complot", conclut-il.
UN "BLANCHIMENT LÉGISLATIF"
Pour Jérémie Zimmerman, porte-parole de la Quatradure du Net, association qui défend les libertés sur Internet et qui a activement lutté contre ACTA, les débats sur CETA révèlent la pratique courante d'un "blanchiment législatif" : "On fait passer par le biais de ces accords commerciaux des choses qui n'ont rien à voir avec le commerce." Il voit dans les réponses de la Commission européenne une "tactique pour gagner du temps, un signe qu'ils commencent un peu à paniquer".
Il exige que la Commission lève le voile sur CETA, qui serait probablement resté secret si son contenu n'avait pas été révélé par le juriste Michael Geist. Ce dernier a publié mercredi un nouveau billet sur son blog, où il explique notamment que "la bataille du Parlement européen contre CETA risque d'être bien plus difficile que contre ACTA", les dispositions d'ACTA reprises dans l'accord avec le Canada n'étant qu'une petite partie d'un chapitre faisant partie d'un gigantesque accord.
CETA "concerne tous les aspects de l'économie, ce qui signifie que la pression sur le Parlement européen pour approuver l'accord (s'il est conclu) sera bien plus forte qu'elle ne l'a été pour ACTA", estime Michael Geist.
Au Parlement européen, le député belge Marc Tarabella (Parti socialiste) a déposé une question parlementaire pour demander à José-Manuel Barroso, président de la Commission européenne, de s'expliquer sur le contenu de CETA. M. Barroso doit répondre d'ici à six semaines, a indiqué M. Tarabella au site PC Inpact.
Franz Durupt


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