Le Canada négocie un traité de libre-échange avec l’Union européenne depuis 2014. Déjà en application provisoire, l’accord nous ouvre toutes grandes les portes d’un marché de 500 millions de consommateurs.
À l’heure où Donald Trump remet en cause l’idée du libre-échange, cet accord est le bienvenu. Des compromis ont été faits par toutes les parties, que ce soit les provinces canadiennes ou les partenaires européens, pour y parvenir.
Toujours imparfait
Le Québec a dû marcher sur son orgueil et sur ses principes tout au long du chemin. Nous avons ouvert des brèches importantes dans notre système de gestion de l’offre pour faciliter l’entrée de produits européens grassement subventionnés, parmi lesquels les fromages français.
Le gouvernement fédéral tarde d’ailleurs à dédommager équitablement nos producteurs laitiers pour les pertes qu’ils subiront.
Atterrissage raté
Il y a tout juste une semaine, le parlement français a ratifié l’accord de libre-échange qui abolira 98 % des tarifs douaniers avec l’Europe. Les députés ont ratifié l’accord avec 266 voix contre 213.
Si on compte les 74 abstentions, une majorité d’entre eux ont décidé de nous rejeter en tant que partenaire commercial privilégié.
Des politiciens et médias français ont littéralement présenté le Canada comme un pays arriéré en matière de sécurité alimentaire et de règles sanitaires.
L’ancien ministre de l’Environnement français, Nicolas Hulot, est allé jusqu’à affirmer que les produits animaux canadiens apporteront en France des « substances dangereuses » et abaisseront les normes sanitaires françaises sous le niveau minimum acceptable.
On a même entendu un expert français dire que le Canada pourrait désormais être utilisé comme un « cheval de Troie » en Europe pour l’importation de produits chinois de mauvaise qualité.
Des idées fausses
D’insinuer sérieusement que notre bacon et que notre sirop d’érable empoisonneront l’Hexagone porte ombrage au pays des Lumières.
Un minutieux examen des faits permet de conclure que le Canada est un leader en termes de sécurité et de qualité alimentaires. Même si la liste de produits interdits est plus courte ici que dans l’Union européenne.
Il est vrai que l’Union européenne, la France au premier chef, a des normes alimentaires plus strictes que les nôtres. C’est qu’elle applique un « principe de précaution ».
Ainsi, toutes les substances utilisées en agriculture y sont présumées coupables, parfois même lorsqu’on a fait la preuve du contraire. Comme pour certains OGM.
Cette contrainte n’est pas que vertueuse : elle agit comme une barrière au commerce international.
Mauvaise attitude
La France a peur du commerce international. Elle n’est pas seule. Mais dans les derniers jours, elle est tombée dans un grave populisme environnemental. Une attitude digne du voisin Donald.
Le contraste avec l’attitude canadienne est éclatant. Quelques élus s’y sont bien opposés. Malgré les tribunes dont ils disposent, ils ont finalement écrit une lettre ouverte à l’endroit des députés français... dans un journal anglophone.
Mais on retiendra que la ratification de l’accord a transcendé les lignes de partis. Elle a uni libéraux et conservateurs, provinces et gouvernement fédéral. Pour une rare occasion.
♦ Jean-Denis Garon est professeur à l’ESG UQAM.