La surenchère climatique

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« Dans le grand jeu du climat, le Québec est un joueur insignifiant. »


La crise climatique est l’un des plus grands défis auxquels l’humanité est confrontée. C’est aussi la question politique qui mobilise le plus les jeunes électeurs, que les partis politiques désirent séduire à tout prix. 


Avec des campagnes à la chefferie battant leur plein au PLQ et au PQ, on pouvait s’attendre à une surenchère populiste sur la question climatique. À une course à la bonne volonté. Mais qui pensait qu’une candidate comme Dominique Anglade irait jusqu’à promettre de rendre le Québec « carboneutre » d’ici 30 ans ? 


En clair, cela signifie que toutes les émissions de gaz à effet de serre (GES) du Québec seront ou bien compensées, ou bien éliminées. Un tour de force environnemental presque inédit. 


Le Québec : joueur négligeable


Ce sont les émissions mondiales (GES) qui réchauffent la planète. Dans le grand jeu du climat, le Québec est un joueur insignifiant. Le Canada était responsable de 1,6 % des émissions mondiales. Un chiffre qui inclut celles émises par l’Alberta. En 2017, Québec représentait seulement 11 % des émissions canadiennes. 


Morale de l’histoire, le Québec était responsable de 0,18 % des émissions mondiales. Moins du cinquième d’un pour cent... un chiffre qui s’arrondit à zéro. La promesse de Mme Anglade n’aura donc pas d’effet perceptible sur le climat. 


Quoi faire ?


Alors, me direz-vous, pourquoi faisons-nous tant d’efforts pour réduire nos émissions de GES ? D’abord, parce que tout le monde doit faire sa part. Ne serait-ce que pour des raisons morales. 


C’est aussi une question diplomatique. On doit pouvoir être crédibles quand on fait la leçon à la Chine, à l’Alberta et aux États-Unis. On agit aussi pour montrer aux gros pollueurs qu’il est possible de réduire les émissions de GES tout en conservant sa qualité de vie. 


Une approche réaliste reviendrait à promettre d’augmenter le prix des émissions de GES au niveau de celui de nos partenaires commerciaux. On parlerait donc de 500 $ par tonne d’émissions ou, plus concrètement, d’une augmentation de 1,25 $ du prix de l’essence. Ce serait déjà énorme.


Investir pour s’adapter


J’aimerais entendre nos politiciens parler d’adaptation aux changements climatiques. Parce que, qu’on veuille l’accepter ou non, nous devrons vivre avec les coûteuses conséquences du réchauffement. 


Nous devrons investir des sommes substantielles pour climatiser les CHSLD et protéger nos aînés contre les vagues de chaleur qui deviendront plus fréquentes. Nous devrons investir massivement en infrastructures pour contrer l’érosion des berges. 


Nous devrons changer notre façon de gérer nos forêts. Les rendre plus résilientes aux feux de forêt. Améliorer notre capacité de réagir aux incendies de forêt. De ce que je sache, le protocole de Kyoto n’a pas empêché l’Australie de brûler ces dernières semaines. 


L’amincissement des couverts de glace polaires modifiera la météo et engendrera plus de tempêtes hivernales. Nous devrons nous adapter, à prix fort, pour faire face à cette nouvelle réalité.  


Même les milieux financiers prennent désormais en compte les risques climatiques. Mais les politiciens, eux, continuent de penser qu’il faut tout miser sur la réduction des GES. C’est important, mais le discours doit aussi évoluer.  







Jean-Denis Garon est professeur à l’ESG-UQAM






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