La chasse aux sorcières

Pacte électoral - gauche et souverainiste



Le rapport du groupe de travail sur l'industrie de la construction rendu public en début de semaine donnait au PQ une bonne occasion de montrer à quoi pourrait ressembler cette autre façon de faire de la politique que tout le monde appelle de ses vœux.
À l'extérieur du gouvernement, personne n'estime que le projet de loi annoncé par la ministre du Travail, Lise Thériault, permettra de faire l'économie d'une enquête publique sur la corruption qui afflige l'industrie, mais l'abolition du contrôle syndical sur le placement de la main-d'oeuvre sera néanmoins un progrès.
Cela n'éliminera pas la collusion ou les renvois d'ascenseur sous forme de contribution à la caisse des partis politiques, mais ce sera un soulagement de voir les fiers-à-bras de la FTQ-Construction disparaître des chantiers.
Le porte-parole péquiste, Marjolin Dufour, a cependant refusé d'y voir quoi que ce soit de positif. «Tant que la commission d'enquête publique n'aura pas été mise sur pied, tout le reste est de la poudre aux yeux et évacue les vrais enjeux», a-t-il déclaré.
Il faut donc s'attendre à ce que les députés qui retourneront à l'Assemblée nationale mardi prochain reprennent exactement là où ils avaient laissé en juin. Rien de ce que le gouvernement pourra proposer ne trouvera grâce aux yeux de l'opposition. Et vice versa.
C'était hautement prévisible, direz-vous, ce n'est pas demain la veille qu'on arrivera à changer des habitudes séculaires. Peut-être, mais après tous ces beaux discours sur la réforme des institutions démocratiques, ce brutal retour à la réalité renforcera encore le cynisme qu'on prétendait combattre.
Évoquant la démission de son ex-collègue de Vachon, Camil Bouchard, le député de Labelle, Sylvain Pagé, demande dans son «manifeste»: «Combien d'autres politiciens de valeur devront démissionner avant d'adopter une nouvelle culture politique, avant de faire ce nécessaire débat?»
On croirait entendre un joueur de hockey demander combien il faudra encore sacrifier de Sydney Crosby pour que la LNH décide de s'attaquer réellement à la violence endémique sur la patinoire.
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Après s'être convaincue que le projet de loi 204 sur l'amphithéâtre de Québec a simplement servi de prétexte à des députés qui voulaient en réalité sa tête, Pauline Marois semble maintenant douter des intentions de ses députés qui ont soudainement ressenti l'urgence d'une réforme des institutions démocratiques, surtout celles de Bernard Drainville.
Le sujet est à l'ordre du jour du conseil national qui aura lieu à Drummondville les 1er et 2 octobre, même si Mme Marois a bien du mal à cacher son peu d'intérêt pour ces questions, exception faite d'un vote libre étroitement balisé, qui vise essentiellement à la tirer de l'embarras causé par le projet de loi 204 sur l'amphithéâtre de Québec.
La direction du PQ hésite cependant sur la marche à suivre. Devrait-on laisser les députés réformateurs expliquer eux-mêmes leurs propositions ou en confier le soin à Monique Richard, qui préside un comité — encore virtuel — chargé d'en disposer?
Dans l'entourage de Mme Marois, on se souvient très bien de l'accueil enthousiaste qu'avait reçu la présentation du député de Marie-Victorin sur l'indépendance énergétique lors d'un conseil national tenu à Saint-Hyacinthe en octobre 2010. Une aussi brillante performance était suspecte. La répéter dans le contexte actuel serait de nature à troubler certains esprits.
M. Drainville n'est pas le plus populaire au sein du caucus, mais c'est un orateur bien plus convaincant que sa chef. Des militants inquiets de voir la souveraineté battre de l'aile pourraient croire qu'il serait mieux en mesure de la vendre à la population.
D'un autre côté, museler M. Drainville donnerait l'impression que Mme Marois a elle-même des doutes sur la solidité de son leadership. Tout bien considéré, il vaudrait mieux le laisser parler. Et même l'applaudir. De toute manière, personne ne peut la forcer à partir.
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Ce dilemme pourrait relever de la simple anecdote s'il n'était pas révélateur du climat de suspicion, pour ne pas dire de chasse aux sorcières, qui règne actuellement au PQ. Ceux qui n'appartiennent pas à la garde rapprochée de Mme Marois doivent marcher sur des oeufs.
Inutile de dire que les fuites faisant état de la grogne des militants ne sont pas de nature à détendre l'atmosphère. Et ces indiscrétions risquent de se multiplier à l'approche d'élections générales qui s'annoncent désastreuses.
Lors de sa rencontre à huis clos avec les présidents de circonscription, samedi dernier, plusieurs ont été renversés d'entendre Mme Marois évoquer un plancher de 23 circonscriptions dont le PQ serait assuré, alors que les récents sondages le placent sous la barre des 20 %. Il serait intéressant d'en voir la liste. En interne, on parle plutôt de deux ou trois circonscriptions.
Se disant inquiète de la tendance prise par l'économie québécoise, la chef péquiste intimait hier le premier ministre Charest de «retirer ses lunettes roses» et de «sortir du déni». Voilà un excellent conseil.
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mdavid@ledevoir.com


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