Merkel répond à Sarkozy

La chancelière dicte ses règles à la zone euro

L'Allemagne vs BCE




Paris — À l'aube d'une rencontre cruciale qui se tiendra lundi à Paris, la chancelière Angela Merkel a répondu hier au président Nicolas Sarkozy, qui avait proposé jeudi de «refonder l'Europe». S'adressant au Bundestag, la chancelière, qui tient le gros bout du bâton dans cette négociation, a mis les points sur les i pour tous ses partenaires européens, y compris la France.
Alors que Nicolas Sarkozy s'était contenté de déclarer la veille que la France et l'Allemagne allaient dorénavant «discuter ensemble de [leurs] politiques budgétaires» en évoquant des «sanctions plus rapides», Angela Merkel a adopté un ton beaucoup plus tranchant. «Nous ne faisons pas que parler d'une union budgétaire, nous sommes sur le point de la réaliser», a-t-elle dit. Selon la chancelière, l'Europe est sur le point de créer une «union budgétaire avec des règles strictes, au moins pour la zone euro».
Alors que la France s'est ralliée à contrecoeur à la modification des traités, Merkel estime que c'était la seule façon de parvenir à l'union budgétaire. «Il n'y a pas d'alternative à un changement des traités», dit-elle. Comme l'ancien traité de Maastricht, le nouveau établira «un nouveau plafond d'endettement européen». Mais, il devrait cette fois avoir des dents.
Selon la chancelière, tout État européen qui aura un déficit budgétaire au-delà de 3 % ou un taux d'endettement dépassant 60 % de son PIB sera automatiquement sanctionné. Ces plafonds devraient, dit-elle, être gravés dans le marbre de la Constitution de chaque pays européen.
Véritable gendarme
Alors que la veille Nicolas Sarkozy s'était contenté d'évoquer la «convergence» et «l'intergouvernemental», la chancelière veut un véritable gendarme. «La Commission et les tribunaux européens doivent jouer un plus grand rôle, sans que le Parlement allemand perde la maîtrise du budget», dit-elle. La chancelière tient à introduire un recours devant la Cour de justice européenne en cas d'infraction d'un État au nouveau traité. «Cette institution est indépendante, au-dessus de la mêlée», a-t-elle déclaré.
Elle souhaite aussi la nomination d'un commissaire européen chargé de la stabilité monétaire qui devrait veiller à l'application des mesures d'austérité dans les pays les plus endettés.
L'Allemagne n'entend toujours pas céder aux demandes de la France, qui souhaite que la Banque centrale européenne se porte massivement garante de la dette des pays en difficulté, alors qu'elle ne le fait aujourd'hui qu'avec parcimonie. Tout au plus la chancelière se dit-elle prête à ne plus commenter publiquement ces actions de la BCE comme Nicolas Sarkozy l'avait invitée à le faire la veille.
Mais, elle n'en pense pas moins. «C'est gravé dans les traités, le devoir [de la BCE] est d'assurer la stabilité de la monnaie», a-t-elle insisté sous les applaudissements des députés. Pas question non plus d'introduire des obligations européennes communes aux pays de la zone euro. Pour l'Allemagne, une telle mutualisation des dettes des pays européens ne pourra intervenir qu'à l'issue d'un processus d'intégration budgétaire. «Quiconque n'a pas compris que [les euro-obligations] ne pouvaient pas être la solution à cette crise n'a pas compris la nature de la crise», a tranché la chancelière.
Angela Merkel a aussi répondu à ceux qui, comme les Américains et les Canadiens, reprochent aux Européens de ne pas réagir suffisamment vite aux soubresauts de la crise. «La résolution de la crise de la dette souveraine est un processus qui prendra des années, dit-elle. Les marathoniens disent souvent que la course devient réellement difficile à partir du 35e kilomètre, mais ils disent aussi qu'il est possible d'atteindre la ligne d'arrivée si l'on est conscient de la difficulté dès le départ. Celui qui réussit n'est pas forcément celui qui part le plus vite.» On estime que la seule révision des traités européens pourrait prendre des années, celle-ci devant être adoptée dans les 27 pays de l'Union européenne, ou au moins les 17 de la zone euro, plus les 8 autres qui s'étaient engagés à rejoindre la zone dès que possible.
Diktat allemand
Si l'Allemagne reconnaît que «les hommes politiques européens ont perdu en crédibilité dans le contexte de la crise de la dette de la zone euro», elle refuse d'en attribuer la cause à un manque de détermination. C'est «parce qu'ils n'ont pas appliqué les règles du pacte de stabilité», dit-elle.
Angela Merkel a aussi répondu aux critiques qui dénoncent de plus en plus souvent le diktat allemand. Plus tôt cette semaine, le socialiste français Arnaud Montebourg avait exprimé l'opinion de plusieurs en comparant la politique allemande à l'autoritarisme de Bismarck. Des propos critiqués par le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé.
Il est faux, dit la chancelière, que l'Allemagne cherche à asseoir sa domination sur l'Europe. Merkel dit plutôt s'inscrire dans la tradition de ses prédécesseurs, Konrad Adenauer et Helmut Kohl. Face aux critiques qui soutiennent qu'en dépit de l'indiscipline budgétaire qu'il a encouragée dans les pays du sud, l'euro a largement profité à l'Allemagne, Merkel a admis que la monnaie unique avait été plus stable que le Deutsche Mark et que les exportations allemandes en avaient amplement bénéficié.
Merkozy
«Merkel intraitable, Sarkozy insaisissable», titrait hier le quotidien économique français La Tribune alors que Libération titrait «Merkozy candidat». Le Parti socialiste français a critiqué l'abdication du président français face à Berlin. «Nicolas Sarkozy, au cours de ces quatre dernières années, a en permanence oscillé entre la brutalité [...] à l'égard des Allemands et le suivisme. Aujourd'hui, il n'est plus en capacité de résister à la chancelière», a déclaré sur France Inter Manuel Valls, porte-parole du candidat à l'élection présidentielle François Hollande. «La gauche ne doit pas, en aucune façon, ranimer des relents et des sentiments anti-allemands», a néanmoins précisé son directeur de campagne Pierre Moscovici.
Selon un sondage TNS-Sofres, 41 % des Français jugent que Nicolas Sarkozy n'est «pas assez ferme» face à la chancelière allemande. Angela Merkel n'a pas caché qu'il y avait «encore des difficultés à surmonter». Dès lundi, elle en discutera avec Nicolas Sarkozy à Paris. Cette rencontre vise à préparer le sommet européen des 8 et 9 décembre à Bruxelles. Un sommet décisif, mais qui ne devrait pas calmer définitivement les marchés, s'il faut en croire les propos de la chancelière elle-même.


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