La crise de l'euro

Colère anglaise

L'Allemagne vs BCE



Il aura fallu que le chef d'un parti allemand clame: «Tout à coup, l'Europe se met à l'allemand» pour que la diabolisation de l'Allemand, circonscrite jusqu'alors aux nations du sud du continent, gagne le Royaume-Uni. À Londres, ce propos a suscité la colère tout en faisant le bonheur d'eurosceptiques désormais si influents qu'ils réclament le divorce d'avec l'Union européenne. Rien de moins.
La phrase évoquée plus haut a été prononcée cette semaine par Volker Kauder, chef de l'Union des chrétiens-démocrates, qui fait partie de la coalition dirigée par Angela Merkel. Cette maladresse a eu pour conséquence immédiate d'exciter la colère des Britanniques, comme en témoignent les unes des tabloïds, qui ont d'ailleurs légèrement détourné le propos de Kauder à l'aune de l'ordre: «Maintenant, l'Europe parle allemand!» On vous fait grâce du florilège d'articles qui ont accompagné cette manchette pour mieux retenir que, pas plus tard qu'hier, le premier ministre Dave Cameron est allé à la rencontre de Merkel à Berlin. Résultat? Ces deux chefs d'État n'ont pas trouvé d'entente alors que l'expansion de la crise exige d'eux comme des autres un sursaut politique conjugué au présent et non au futur, fût-il simple. Déclinons.
Parce qu'elle ne veut absolument pas qu'on modifie d'un iota le mandat de la Banque centrale européenne (BCE) qui, dit en peu de mots, consiste à lutter contre une inflation, soit dit en passant inexistante, parce qu'elle ne veut pas qu'on accorde à la BCE le droit d'émettre des euro-obligations, parce qu'elle ne veut pas que la BCE se transforme sur le modèle de la Réserve fédérale, comme le souhaitent ardemment Sarkozy et d'autres dirigeants, Merkel, estime Cameron, campe sur des positions contraires aux intérêts économiques britanniques. D'autant, estiment des voix écoutées sur les rives de la Tamise, qu'en imposant une stricte discipline budgétaire sans l'accompagner de programmes de relance, Merkel se trouve à raboter les exportations made in England destinées au continent. Shocking!
Choqués, les députés anglais le sont. Beaucoup, beaucoup d'entre eux le sont en plus d'être, paradoxalement, heureux du cadeau que vient de leur faire Kauder. Il s'agit évidemment des eurosceptiques, qui estiment que la crise de l'euro combinée à l'intransigeance allemande est le moment par excellence pour s'engager sur la route qui mène à la séparation d'avec Bruxelles. Autrement dit, ils veulent rapatrier tous les pouvoirs alloués à la Commission européenne.
Cette volonté a ceci d'inquiétant pour la suite que les eurosceptiques membres du Parti conservateur forment le groupe, assure-t-on, qui domine avec force le débat sur les liens avec le continent, ou qui a le plus d'ascendant sur Cameron. À cet égard, le discours qu'a tenu lundi dernier ce dernier n'est rien de moins qu'une mise en relief de la position qu'il va défendre devant ses homologues européens et qui se résume par moins d'Europe. Simultanément, Merkel déclinait un acte de foi pour plus d'Europe.
Les événements des derniers jours ajoutés à ceux de la dernière quinzaine ont ceci de désolant, d'inquiétant, qu'ils mettent en relief une adaptation des politiciens. À quoi? À une Europe divisée en deux blocs. Tout logiquement, et à moins d'un regain d'énergie politique pour une Europe unie, il est écrit dans le ciel que les prochaines réunions ou discussions seront en partie consacrées à l'imposition de balises juridiques reflétant cet état de fait. Et encore là...
Si les opinions publiques, si les citoyens grecs, italiens, espagnols, portugais, et demain peut-être les Français, manifestent avec plus de force qu'aujourd'hui, si Cameron organise un référendum dont on sait, vu les sondages, que les partisans du non à l'Europe l'emporteraient, si une majorité d'Allemands depuis peu favorables à l'abandon de la monnaie unique va grossissant, alors c'est à se demander si on ne va pas retourner à l'Europe des six. Déprimant!


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->