La Caisse: tout est de la faute des PCAA

Les gestionnaires continuaient d'acheter les titres douteux tandis que le marché s'effondrait

L'affaire de la CDP - commission parlementaire

Robert Dutrisac - Québec -- Les anciens présidents de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) Richard Guay et Fernand Perreault ont mis les mauvais résultats de l'institution en 2008 sur le compte de la crise des PCAA et sur une diversification qui s'est retournée contre elle lorsque le marché s'est «disloqué» en octobre dernier.
«Ce qui a fait mal à la Caisse, c'est les PCAA et c'est ce qui affecte même les résultats quand on les regarde sur une période cinq ans», a affirmé l'ancien président de la Caisse Richard Guay. Il comparaissait devant la commission parlementaire spéciale qui se penche sur les résultats désastreux de la Caisse.
En 2008, la Caisse a essuyé une perte de 40 milliards, soit 10,5 milliards de plus que les indices de référence. M. Guay fut appelé à prendre la succession d'Henri-Paul Rousseau le 5 septembre 2008, a pris un congé de maladie à la mi-novembre, puis a démissionné le 4 janvier dernier.
Richard Guay a vanté la stratégie de diversification de la Caisse et le faible risque auquel elle s'exposerait. «Malgré le rendement catastrophique de 2008, le risque de la Caisse sur les cinq dernières années était inférieur à celui de ses pairs», a soutenu M. Guay.
Or, en pleine crise de liquidités des papiers commerciaux adossés à des actifs (PCAA), les gestionnaires de la Caisse de dépôt et placement du Québec ont continué à en acheter pour une somme de près de 900 millions, au début d'août, juste avant que le marché ne se grippe complètement.
Interrogé par le député de Rousseau, porte-parole de l'opposition officielle en matière de finances, François Legault, l'ancien président de la Caisse Richard Guay a confirmé que c'est le 6 août 2007 qu'on l'avait informé qu'il y avait un problème avec les PCAA.
Mais comme les gestionnaires ne faisaient pas de différence entre les PCAA bancaires, qui ont été remboursés par les grandes banques, et les PCAA non bancaires, les gestionnaires ont vendu les bons PCAA et acquis les mauvais. À la mi-août, le marché des PCAA bloquait; ces titres sont devenus invendables. La Caisse s'est retrouvée avec 13 milliards de PCAA non bancaires et une perte prévue de 4 milliards.
«Les gestionnaires considéraient qu'il y [avait] tellement de liquidités dans le marché; ça [les PCAA] roule tous les jours, les milliards roulent. Ils n'entrevoyaient pas la possibilité significative que ça pouvait arrêter», a relaté Richard Guay.
Venu expliquer la déconfiture des PCAA, le vice-président aux affaires juridiques de la CDPQ, Claude Bergeron, a nié que la Caisse ait tenté de soutenir le marché canadien des PCAA non bancaires, dont elle détenait 30 %, en jouant la «banque centrale», comme l'a suggéré le député de Shefford et critique adéquiste en matière de finances, François Bonnardel.
Cotés «triple A» par une agence de crédit, les PCAA donnaient «l'apparence» d'une diversification prudente. Selon le raisonnement suivi par la Caisse, les PCAA non bancaires apparaissaient même plus sûrs que les mêmes titres émis par les grandes banques canadiennes parce qu'ils étaient plus diversifiés. «Il y avait un risque, on ne l'a pas vu», a indiqué M. Guay. «On a délégué en fait notre travail d'analyse de crédit aux agences de crédit, et on l'a délégué juste à une», a-t-il ajouté.
Alors que l'actuel président, Michael Sabia, estime que le niveau de risque assumé par la Caisse est trop élevé et son effet de levier, trop prononcé, Richard Guay juge que c'est la crise des marchés de l'automne de 2008 qui a augmenté ce facteur de risque. «On réduisait, on liquidait certaines positions, puis le risque augmentait pareil tellement la crise était violente», a rappelé M. Guay. La Caisse a essuyé une perte sur la disposition de ses placements de 23 milliards en 2008, et ce n'est pas qu'une simple perte sur papier.
Président par intérim jusqu'à la nomination de Michael Sabia, Fernand Perreault a soutenu que le portefeuille immobilier de la Caisse, qui, lui, a subi une perte sur papier de 22 % en 2008, est d'excellente qualité, que ce soit au Canada ou à l'étranger. «On a des partenaires solides dans tous les marchés étrangers. On n'est pas des cow-boys», a-t-il dit, en citant les marchés de l'Alberta, de la Colombie-Britannique, des États-Unis ou d'Europe. «La gestion des risques dans l'immobilier, c'est relativement simple. J'ai l'habitude dire que c'est un métier de paysan», a signalé M. Perreault, qui a dirigé la division immobilière de la Caisse pendant de nombreuses années.
Interrogé par les parlementaires du gouvernement, Fernand Perreault a soutenu que les changements à la loi de la Caisse en 2004 n'avaient pas amené l'institution à se montrer moins prudente dans ses placements. Quant à la mission de la Caisse, qui est aussi de contribuer au développement économique du Québec, il n'a pas perçu de «différence» depuis 2004. «En conclusion, la Caisse, sa direction, ses gestionnaires n'ont pas été pris, au cours des dernières années, d'une soudaine frénésie de rendement à tout prix, une frénésie qui aurait largement contribué, sinon conduit directement, aux résultats décevants de 2008», a-t-il avancé.
La commission parlementaire reprend ses travaux demain avec l'audition d'Alban D'Amours, ancien président du comité de gestion des risques de la Caisse.


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