La cachette

Chronique de Patrice Boileau

Sans aucun doute, mon jeu favori durant ma petite enfance. Cette activité a souvent agrémenté mes soirées d’été, lors des longues vacances scolaires. C’est grâce à elle que j’ai échangé mes premiers baisers, alors bien dissimulé dans une haie de cèdres, accompagné de ma première conquête. J’ai joui assurément d’une petite enfance privilégiée, en terme de camaraderie.
Cette activité prend un tout autre sens chez les élus. Ceux qui y ont recours sont souvent cloués au pilori par la société civile. Avec raison la plupart du temps. Sauf rare exception, comme dans le cas d’un « secret d’État » qui vise à préserver la sécurité publique, le camouflage en politique relève de la lâcheté.
Dissimuler l’étude démo-linguistique que le démographe Marc Termote a remise à l’Office de la langue française en août 2006 constitue un geste en tout point condamnable. Le gouvernement libéral qui en est l’instigateur a cherché sciemment à cacher à la population que la métropole québécoise pourrait devenir majoritairement anglophone en 2021 sinon avant, maintenant que le seuil du nombre d’immigrants est passé de 45 000 à 55 000 annuellement. Démasqués, les membres de l’administration Charest ont rétorqué que la décision d’annuler la conférence de presse que devait tenir le démographe le 18 janvier dernier a été prise par la présidente de l’OFL, France Boucher. Semblerait que cette dernière a œuvré aux côtés de Marc-Yvan Côté, ministre notoire du gouvernement Bourassa… Il est navrant de voir ce que les adeptes du dogme fédéraliste peuvent faire pour tromper la population afin de la maintenir dans l’ignorance.
La ministre responsable de la Charte de la langue française, Christine Saint-Pierre, a rapidement été tassée dans ce dossier explosif. C’est qu’il peut en effet rapidement s’embraser et doit donc rapidement être maquillé afin qu’il ne contribue pas au réveil d’un peuple. Ainsi, entendre Jean Charest proclamer de manière musclée qu’il n’y a pas de crise linguistique au Québec suffit pour convaincre que les fédéralistes sont en état d’alerte. On assiste bel et bien à une autre opération de camouflage.
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Que dire de la réplique du Parti québécois dans toute cette histoire? Force est d’admettre que les ténors de cette formation politique contre-attaquent à pas feutrés. Pas question d’exiger de diminution du nombre d’immigrants. S’il doit y avoir renforcement de la loi 101, c’est uniquement au chapitre de la francisation des petites entreprises dont le nombre d’employés échappe à la législation. Pas question d’étendre l’obligation d’étudier en français jusqu’au réseau collégial.
Les leaders péquistes ont surtout soigneusement évité d’affirmer haut et fort qu’une minorité ethnoculturelle n’incite pas les nouveaux arrivants à adopter sa langue et sa culture. Ils n’ont pas souligné que cette vérité touche la vaste majorité des pays qui vivent cette réalité. Les poids lourds du PQ n’ont pas réitéré que le projet de pays vise justement à s’affranchir de ce statut nocif de minorité.
Cette timidité péquiste est évidemment le résultat de la dernière campagne électorale et celui de l’épisode référendaire de 1995. Les souverainistes de cette formation politique veulent en effet rebâtir doucement la confiance des Québécois envers eux-mêmes. Pour ce faire, les ténors péquistes s’adonnent aussi au jeu de la cachette. Les gestes de souveraineté qu’ils projettent d’adopter visent en effet à dissimuler l’étape référendaire. Il faut cacher le référendum qui effraie tant la population. Car en perdre un troisième serait absolument fatal. Cette ultime défaite exposerait mortellement le Québec face à son adversaire canadien qui souhaite son assimilation. Vulnérable serait dorénavant le peuple québécois car il aurait perdu pour de bon son faible rapport de force qui lui permet encore aujourd’hui de revendiquer le droit de survivre en français…
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La cachette n’est donc pas une activité que pratiquent uniquement les membres du gouvernement Charest. Les péquistes s’y dédient aussi en escamotant l’épreuve référendaire de leur discours. L’astuce n’est pas judicieuse puisque ces derniers ne comptent pas renoncer à ce mécanisme consultatif pour doter le Québec d’un statut national : ils pellettent la neige en avant. Tôt ou tard, il leur faudra sortir le référendum de sa cachette, au risque sinon d’être forcés de le faire, ce qui anéantira l’effet recherché.
On ne se le cachera pas : seul un revirement majeur de situation est nécessaire pour raviver l’option indépendantiste au point d’accepter d’affronter l’État canadien dans un ultime référendum. Est-ce qu’une crise linguistique ou identitaire peut générer cet engouement? Les derniers sondages semblent indiquer que non. La frilosité de la réplique péquiste est-elle responsable de cet immobilisme populaire? Probable.
Captive d’un mécanisme dont à peu près plus personne ne veut, la formation souverainiste ne désire pas pour autant utiliser le processus électoral à la majorité absolue des suffrages exprimés. Il est vrai que les chances du PQ de rafler 50% + 1 des votes lors d’un scrutin paraissent impossibles dans un avenir rapproché. Il lui faut néanmoins avoir le courage d’y avoir recours sous prétexte de se rendre au vœu de la population qui recherche un processus démocratique qui laisse la porte ouverte. Ce que la voie élective autorise aux quatre ans. On ne se fera pas de cachette : cet autre mode d’accession à l’indépendance, légitime et légal, peut dénouer une impasse référendaire que les fédéralistes ont efficacement dramatisée.
Patrice Boileau






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2 commentaires

  • Christian Charron Répondre

    30 janvier 2008

    M. Boileau,
    La cachette est trop associée à la politique. Il faut se débarasser de cette foutue cachette. Il faut aussi que vous compreniez qu'avec Internet, les citoyens peuvent s'informer et dénoncer beaucoup plus librement qu'avant, ce qui fait que le jeu de la cachette fonctionnera de moins en moins à l'avenir.
    Aujourd'hui, les libéraux jouent beaucoup plus à la cachette que les péquistes, qui ont adopté une approche plus franche, ce dont je me réjouis grandement. Vous allez finir par comprendre qu'il n'y a rien de pire que le jeu de la cachette pour la démocratie et la force de caractère d'un peuple. Arrêtez donc d'imaginer des stratégies politiques créant des conditions référendaires gagnantes, parce que ça aussi, c'est jouer à la cachette.

  • Archives de Vigile Répondre

    30 janvier 2008

    D'accord mais, le premier objectif serait d'obtenir 60 % et plus de Québécois favorables à une solution constitutionnelle pour le Québec qui serait efficace, assurerait la pérennité de la langue française et de sa culture propre en Amérique du nord.
    Comme il n'est pas prévu que le ROC nous fasse la vie plus dure prochainement pour chatouiller le nationalisme des Québécois afin de déplacer des votes vers le PQ, la solution à court terme, à mon avis, ne peut venir que d'une alliance PQ-ADQ qui totalisent près de 70 % des intentions de vote.
    Si le PQ gagne la prochaine élection, ce qui est plausible, ils devraient être minoritaires et ne devraient pas durer longtemps s'ils ne font pas alliance avec l'ADQ et qu'ils cherchent à appliquer le plan de M. Larose "des gestes de souveraineté".
    Le danger d'un troisième mandat du parti Libéral full-fédéral-Charest de suite existe encore, suite aux derniers sondages sur ;'augmentation de la satisfaction des Québécois à son endroit, une autre raison pour une entente PQ-ADQ. Ces 2 partis pourraient se centrer et en venir à une solution constitutionnelle qui ne serait pas loin de la Souveraineté-association et de l'Autonomisme qui se rapprochent d'une vraie confédération.