De vraies turbulences

Chronique de Patrice Boileau

Il n’y a qu’à observer ce qui se passe présentement sur le parquet des grandes places boursières de la scène internationale pour voir ce qu’est de la turbulence. Depuis quelques mois, les marchés sont entrés dans une zone perturbée causée par l’insouciance des grandes banques américaines.
Faciliter l’accès à du crédit hypothécaire à des gens insolvables, victimes souvent d’une faillite personnelle par le passé, constitue un geste tout à fait condamnable de la part des institutions financières de nos voisins du sud. Les saisis se comptent depuis par centaines de milliers. Sauf que les institutions financières sont par la suite incapables de revendre les biens immobiliers confisqués, et de rembourser simultanément leurs investisseurs! Par leur faute, de petits épargnants qui ont confié leur pécule à des fonds communs de placement risquent de perdre gros. Plusieurs de ces fonds ont en effet acheté ces fameux papiers commerciaux adossés à des actifs, aujourd’hui adossés à du vent!
On ne sait pas à quel point la déconfiture boursière qui découle de l’errance des institutions financières américaines entraînera l’économie de ce pays et celle du reste du monde dans le marasme. Car les pays asiatiques misent particulièrement sur la consommation étatsunienne pour écouler leurs marchandises. Encore chanceux que les banques de « l’Oncle Sam » puissent compter sur le secours des capitaux chinois pour se renflouer de liquidités fraîches! Est-ce suffisant cependant pour éviter le pire?
Le Québec sera évidemment affecté par le ralentissement économique qui s’amorce aux États-Unis. Déjà, des milliers d’emplois ont été perdus à cause de la vigueur du dollar canadien. Jean Charest a déclaré la semaine dernière que son gouvernement compte se pencher prioritairement sur ce problème. Ça promet! Il a déploré du même souffle que la société civile se préoccupe surtout de la question qui touche l’identité québécoise. N’est-ce pas lui pourtant qui a suscité ce débat national en instituant la commission Bouchard-Taylor ?!?
Il est à espérer que le chef libéral montre plus de rigueur dans son travail économique que celle qu’il a affichée pour dénoncer les gestes de souveraineté que veut poser sa rivale Pauline Marois, si son parti prend le pouvoir! Supputer en effet qu’ils causeront de la turbulence laisse pantois. Le député de Sherbrooke peut-il nous expliquer en quoi l’acquisition de plus de pouvoirs pour l’Assemblée nationale devrait lui nuire!
La menace de récession qui risque d’entraver le développement économique du Québec ne commande-t-il pas un appareil étatique mieux outillé? Lorsque Ottawa reviendra sur ses engagements financiers, parce les dernières baisses d’impôt qu’il a allouées ont été trop téméraires, que pourra faire Québec pour l’en empêcher? Certes, il y aura augmentation des paiements de péréquation fédérale pour l’année 2008. Une majoration rendue possible cependant par le détournement de fonds auquel s’est livré le gouvernement canadien depuis 1994, par le déséquilibre fiscal qu’il a imposé aux provinces. Mais qu’en sera-t-il pour les prochaines années, si l’économie devait se détériorer?
Pas de danger que l’éditorialiste en chef du quotidien La Presse, André Pratte, ait souligné ce péril dans son [analyse biaisée du 7 janvier dernier->11068]! L’homme se contente en effet d’applaudir les « largesse » d’Ottawa, tout en rappelant soigneusement à ses lecteurs combien un Québec provincial a tout intérêt à le demeurer… Le pauvre démontre pourtant clairement que le statut de dépendance dans lequel est enlisé le Québec n’a rien de sécurisant. La capacité financière de l’État québécois sera toujours tributaire des décisions unilatérales du gouvernement fédéral. Si ce dernier s’est permis grossièrement de déstabiliser les finances publiques du Québec au milieu des années 1990, il peut très bien récidiver. La récession économique qui semble vouloir s’installer présentement n'annonce donc rien de bon pour les Québécois : la turbulence pourrait venir aussi d’Ottawa.
Que dire alors des « soubresauts » que pourraient causer l’adoption d’une constitution et celle d’une citoyenneté québécoise, si on compare ces gestes avec les perturbations économiques qui malmènent actuellement les marchés mondiaux ? Fadaise! Que dire à présent de ceux qui alertent présentement la population des « dangers » que renferme le projet péquiste? Il y a tout lieu de conclure que la seule turbulence que les Québécois peuvent repérer depuis quelques jours est celle provoquée par les poches d’air qui se situent entre les deux oreilles des ténors fédéralistes. Il y a des limites à l’insignifiance! Il y en a également en ce qui a trait aux insultes auxquelles se livrent ces gens envers la population québécoise. Il faut la croire en effet vraiment stupide pour oser prononcer devant elle de telles sornettes et penser qu’elles seront crues.
La seule turbulence qui peut finalement survenir advenant la souveraineté du Québec, celle qu’a évoquée la leader péquiste elle-même, est de nature politique. “What else is new”, dira-t-on! Rien n’est facile en effet avec notre voisin canadien depuis des lustres! Pour le reste : “money talk”. Si les grandes puissances mondiales n’hésitent pas à commercer avec la Chine, ni avec d’autres pays émergents, elles exprimeront la même lucidité avec l’état du Québec.
Patrice Boileau




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1 commentaire

  • Christian Charron Répondre

    24 janvier 2008

    M. Boileau,
    Mme Marois a proposé de poser des gestes de souveraineté le 15 janvier dernier, advenant que son parti prenne le pouvoir. M. Boileau, pourriez-vous vous prononcer clairement concernant cette stratégie de Mme Marois ?