La bande-annonce

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Une position souverainiste : renoncer à la péréquation pour percevoir tous les impôts

Jean-François Lisée a dit voir dans une déclaration de revenus unique gérée par Revenu Québec une « bande-annonce pour l’indépendance ».


On peut voir la chose ainsi. L’exclusivité de la collecte des impôts est en effet un attribut de la souveraineté. Le chef du PQ aurait voulu saboter l’entreprise dès le départ en braquant le gouvernement fédéral qu’il aurait difficilement pu trouver mieux.


Pour plusieurs Québécois, l’obligation de faire une déclaration de revenus à Ottawa est un des rares liens tangibles qui les unissent encore au Canada, et le gouvernement Trudeau tient manifestement à le maintenir malgré la motion unanime adoptée mardi par l’Assemblée nationale.


Le ministre des Finances, Carlos Leitão, dit avoir senti une « ouverture » du côté fédéral, mais il ne s’attend pas moins à une « bataille ». Avant même qu’une demande officielle ait été transmise à Ottawa, on a commencé à soulever des objections.


Le risque de créer un dangereux précédent en laissant le Québec percevoir l’impôt fédéral sur le revenu des particuliers, comme il le fait déjà dans le cas de la TPS, semble bien mince. Toutes les autres provinces laissent à l’Agence du revenu du Canada (ARC) le soin de collecter leur propre impôt depuis des décennies et personne n’a jamais émis le souhait qu’il en soit autrement.


Historiquement, il reviendrait pourtant aux provinces de collecter l’impôt fédéral. La Constitution de 1867 leur accordait l’exclusivité de la taxation directe. En 1942, ce pouvoir avait été « loué » au gouvernement fédéral de façon temporaire afin de financer l’effort de guerre, mais il s’est incrusté.


Après avoir vainement réclamé qu’on lui rende son « butin », Maurice Duplessis, qui préférait l’autonomie fiscale aux subventions fédérales, a dû se résoudre à réintroduire un impôt sur les profits des sociétés (1947), puis sur le revenu des particuliers (1954).


Un porte-parole de la ministre du Revenu, Diane Lebouthillier, a déclaré à La Presse que l’ARC était un « moteur économique important » qui créait de nombreux emplois au Québec, notamment à ses centres de Saguenay et de Jonquière.


Autrement dit, il est préférable de confier à deux personnes le travail qu’une seule pourrait accomplir. S’il suffit de multiplier les dédoublements pour créer de l’emploi, on se demande bien pourquoi les gouvernements font la chasse aux programmes désuets et aux structures inutilement lourdes.


En plus de simplifier la vie des contribuables, le PQ estime à 600 millions par année les économies qu’engendrerait une déclaration de revenus unique. « Évidemment, si le Québec était indépendant, les économies seraient encore plus importantes », ajoute-t-il. Ottawa ne tient sans doute pas à faire cette démonstration.


« Rapatrier l’ensemble des opérations entourant la production des déclarations de revenus cadre parfaitement avec la vision nationaliste que nous avons, une vision qui vise à faire des gains à l’intérieur du Canada », croit plutôt la CAQ. Bref, la déclaration unique pourrait aussi être une bande-annonce pour le fédéralisme !


Même si le président du Conseil du trésor de l’époque, Martin Coiteux, y semblait personnellement favorable, le gouvernement Couillard a eu le bon sens de ne pas suivre la recommandation du groupe de travail présidé par Lucienne Robillard, qui proposait plutôt de confier à Ottawa le soin de percevoir l’impôt destiné au gouvernement du Québec.


En 2010, quand le PQ avait présenté une motion réclamant exactement le contraire, les libéraux avaient refusé d’en débattre. Bien entendu, tout le monde a le droit de changer d’idée, même si le premier ministre Couillard en fait continuellement le reproche à François Legault.


Cette soudaine volte-face n’en laisse pas moins perplexe. À quatre mois de l’élection, il est difficile de ne pas y voir simplement le souci de ne pas être en reste avec les trois partis d’opposition, d’autant plus que le Parti conservateur et le NPD ont officiellement signifié leur accord.


Il y a cependant très loin de la coupe aux lèvres. Même si un gouvernement caquiste était élu le 1er octobre prochain et que les conservateurs prenaient le pouvoir à Ottawa un an plus tard, les négociations risqueraient d’être longues et ardues.


Une simple entente bilatérale entre Québec et Ottawa et le tour serait joué, veut laisser croire la CAQ. Malheureusement, comme chacun sait, le diable se cache dans les détails et la fiscalité en regorge. « Pour avoir une déclaration de revenus unique complètement intégrée, il va falloir que nos politiques fiscales s’harmonisent le plus possible », a expliqué Carlos Leitão. 


> La suite sur Le Devoir.



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