ANALYSE

L'un cause, l'autre pas

Santé - le pacte libéral


L'un cause, l'autre pas. Compagnons de dissidence il y a un an, quand le gouvernement Charest s'était lancé dans son projet de vente d'une partie du parc du Mont-Orford, Pierre Paradis et Thomas Mulcair ont suivi, depuis, des parcours bien différents.
Hier, le rusé député de Brome-Missisquoi, Pierre Paradis, a un peu terni le rassemblement libéral de Jean Charest. Cette assemblée était un match reprise pour le premier ministre, dont les organisateurs locaux avaient carrément raté le lancement de la campagne lors du déclenchement du scrutin.
Qu'a bien pu dire M. Paradis? Simplement que la situation du réseau de la santé ne s'était pas autant améliorée que le soutiennent les libéraux en campagne électorale. Il n'est pas seul de cet avis : le sondage CROP publié samedi par La Presse souligne que 82 % des gens, et près d'un libéral sur deux, sont d'avis que l'accès au réseau de la santé est identique à ce qu'il était il y a quatre ans, voire pire.
En 2003, en moyenne, 20 patients étaient sur civière à l'urgence à l'hôpital Brome-Missisquoi Perkins. Il s'en trouve 15 aujourd'hui. «Je ne me trompe pas en disant que ce n'est pas réglé», a soutenu le député libéral. «Je ne sors pas pour rien, je pense qu'il faut qu'on reprenne l'offensive», expliquait-il hier soir. La montée de l'ADQ est partout palpable. Même si les libéraux restent en avance, les conséquences des luttes à trois deviennent plus difficiles à prédire. Si on jette un coup d'oeil sur les dernières années, les sorties de Pierre Paradis, comme le jour de la marmotte, surviennent invariablement quand les affaires vont mal pour les libéraux.



Hier, M. Charest n'a pas voulu répliquer à Pierre Paradis. Les relations sont toujours tendues entre les deux politiciens. Lors du lancement raté de sa campagne - ses organisateurs locaux n'avaient attiré que 200 personnes - tous les posters des députés libéraux de l'Estrie étaient bien visibles, sauf celui de Pierre Paradis. Ce dernier était d'ailleurs tranquillement resté chez lui, à Bedford. La décision de Jean Charest de laisser Paradis sur la touche lors de la formation du gouvernement, en 2003, avait été unanimement critiquée par les vétérans libéraux. Certains, le sénateur Jean Claude Rivest par exemple, l'avaient dit publiquement.
Paradis n'en est pas à ses premières déclarations-chocs en pleine campagne. Qui se rappelle que, en 1995, à une semaine du vote référendaire, le député de Brome-Missisquoi avait dit publiquement que le Oui risquait de l'emporter? Et sous le nez des Daniel Johnson et Jean Charest, il avait soutenu que les fédéralistes avaient «besoin d'un coup de main de l'extérieur» et disait espérer que Jean Chrétien «puisse venir en aide».
Depuis le début du mandat Charest, même avant l'accrochage sur le parc du Mont-Orford, il a semé des déclarations assez critiques sur les orientations du gouvernement. À mi-mandat, quand Jean Charest était au plus bas dans les sondages, il a levé le doigt et exhorté le gouvernement «à prendre un virage». La population était furieuse, selon lui, des tergiversations dans le dossier de la santé. M. Charest devait entendre «le réveille-matin». Plus récemment, au plus fort de la grève des étudiants, début 2005, il a souligné que les intentions de Québec de sabrer dans les prêts et bourses étaient «socialement injustes».
Avant les Fêtes, Jean Charest avait fait tâter le pouls de quelques députés, histoire de savoir s'ils comptaient se représenter. Dans le cas de Pierre Paradis, Mario Lavoie, un conseiller, était l'infirmier envoyé en mission. L'opération est classique : on fait savoir au candidat qu'il n'y a guère d'espoir pour lui de revenir au Conseil des ministres. Cette excellente circonscription ne pourrait-il pas être mieux utilisée? André Bourbeau avait saisi la perche en 2003 et libéré Laporte pour Michel Audet. Puis il n'y avait plus personne au bout de la perche - on avait nommé puis congédié sans ménagement M. Bourbeau de la présidence du conseil d'Hydro-Québec, le prix qu'il avait demandé pour son siège. Même chose pour Michel Audet, la vedette d'il y a trois ans à qui on a fait comprendre qu'il vaudrait mieux accrocher ses patins.
Thomas Mulcair, ministre mis sur la touche au début 2006, avait aussi été ausculté. Comme Pierre Paradis, il avait décidé de se représenter, jusqu'à ce qu'on le rejoigne au chevet d'un enfant qui subissait une intervention délicate, en France, juste avant le déclenchement des élections.
Pas de détours, cette fois. Si tu restes dans Chomedey, tu vas passer quatre ans «dans les rideaux», où siègent les moins gradés des backbenchers à l'Assemblée nationale. Les photos pour les affiches du futur candidat libéral de Chomedey, Guy Ouellet, étaient déjà prises - avant les Fêtes, on avait discuté le coup avec le ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis. Constatant l'arnaque, l'exécutif libéral de Chomedey a démissionné en bloc. Bienvenue, Guy!
Pour l'heure, M. Mulcair, confient ses proches, songe sérieusement à se porter candidat pour les conservateurs de Stephen Harper aux élections fédérales, qui ne tarderont pas - sans doute avant l'été. Harper l'attendra à bras ouverts : Thomas Mulcair était un ministre bien difficile à gérer à Québec, mais il peut donner un peu de crédibilité environnementale aux conservateurs. Le résidant du West-Island pourrait atterrir dans Laval, où se trouve sa base politique.
Mais à la différence de Pierre Paradis, il a choisi de se taire. L'un cause, l'autre pas encore. Mulcair donnera peut-être un jour la réplique à Claude Béchard, qui l'a remplacé à l'Environnement.


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