L'horreur du vide

L'affaire Bourgeois-Le Québécois

Le PQ ne manque pas de culot de dénoncer l'«inaction» et le «laisser-faire» du premier ministre Charest dans l'affaire de la reconstitution de la bataille des plaines d'Abraham.
Il est vrai que M. Charest en a fait tout juste assez pour ne pas être accusé d'approuver l'initiative de la Commission des champs de bataille nationaux, mais le PQ a lui-même tenté de ménager la chèvre et le chou pendant des semaines. Son hésitation à dénoncer cette aberration pour ne pas nuire à la saison touristique à Québec a été pitoyable.
Au conseil national de la fin de semaine dernière, certains ont bien vu l'incongruité de demander au gouvernement fédéral de confier la surveillance de la programmation du 250e anniversaire de la conquête... au PQ. Peu importe, les délégués ont même adopté une résolution qui engage leur parti à organiser lui-même des «activités de commémoration», si celles prévues par la CCBN sont jugées insatisfaisantes.
Comme pour faire oublier sa procrastination initiale, le PQ veut maintenant mettre les bouchées triples. Il réclame non seulement la rétrocession des Plaines et des terrains dont le gouvernement fédéral est propriétaire sur la colline parlementaire, mais également l'abolition du pouvoir déclaratoire, qui a permis à Ottawa d'ériger les Plaines en parc fédéral. Un pouvoir qui existe dans presque toutes les fédérations.
Ce zèle tardif ne changera cependant rien au fait que des «extrémistes», comme Pierre Falardeau ou le directeur du journal Le Québécois, Patrick Bourgeois, ont été nettement plus efficaces que le PQ pour alerter l'opinion publique. S'il n'avait pas été aussi mou, ils n'auraient pas eu autant d'audience.
Il est clair que le PQ ne peut pas se permettre d'être associé de près ou de loin à des gens qui encouragent la violence, ou s'abstiennent de la condamner, mais il doit également faire en sorte de limiter leur espace au sein du mouvement souverainiste. Comme la nature, la politique a horreur du vide.
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Il y a longtemps que le Réseau de résistance du Québécois (RRQ) se distingue par un militantisme musclé et un vocabulaire souvent excessif, que ce soit dans le journal ou dans les ouvrages publiés par sa maison d'édition. Le plus récent livre de M. Bourgeois, La Nébuleuse, qui présente Jean Charest comme un simple pantin de l'empire Desmarais, est un pamphlet qui tient presque du libelle.
Au conseil national, plusieurs de ceux qui incluaient le RRQ dans les «organisations indépendantistes qui oeuvrent pacifiquement à la promotion des intérêts du Québec» n'avaient peut-être pas pris connaissance des propos que M. Bourgeois avait tenus au sujet de la radio-poubelle de Québec. Il est vrai que certaines stations sont carrément insupportables, mais de là à se dire prêt à applaudir si on y mettait le feu...
Si bon nombre de souverainistes, notamment les jeunes, éprouvent de la sympathie pour ces kamikazes de l'indépendance, malgré leurs débordements, c'est qu'ils sentent chez eux une détermination inébranlable dans la quête du pays. Cet activisme est peut-être hargneux, mais il contraste avec le ronron satisfait du PQ.
Samedi matin, le président sortant de la commission politique, François Rebello, a commencé son allocution devant le conseil national en disant: «On est tous fiers de notre belle victoire.» On peut comprendre que M. Rebello soit bien content d'être enfin député, mais faut-il vraiment pavoiser parce que le PQ a retrouvé son statut d'opposition officielle?
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Pauline Marois a parfaitement raison de reprocher au gouvernement Charest l'abandon de tout objectif mesurable pour désengorger les urgences. Comme elle dit: «À partir du moment où on ne fixe plus d'objectifs, on n'a plus à les atteindre.»
Ce qui vaut pour les urgences vaut aussi pour la souveraineté. À partir du moment où personne ne sait si le prochain référendum aura lieu dans 5, 10 ou 50 ans, la mobilisation devient très problématique.
Comment ne pas être sceptique en entendant Mme Marois promettre de «faire grandir l'enthousiasme pour la souveraineté»? Quoi qu'elle en dise, il tombe sous le sens qu'une crise économique de dimension planétaire, qui force les plus puissants États de la planète à une solidarité tout à fait inhabituelle, n'est pas particulièrement propice à la pédagogie de la sécession.
D'ici l'été, la direction du PQ s'emploiera à rédiger la «proposition principale» qui sera soumise aux militants en prévision du prochain congrès, qui devrait être tenu à l'automne 2010. Comment reformulera-t-on l'article 1 du programme?
Au conseil national de mars 2008, Mme Marois avait introduit dans le discours péquiste le concept de «gouvernance nationale» dans le respect du cadre constitutionnel actuel. Évoquant les prochaines élections générales, elle a parlé samedi d'un «mandat de gouverner en souverainistes», sans attendre la tenue d'un référendum. Autrement dit, en demeurant au sein du Canada. Enchâsser dans le programme cette variante du célèbre aphorisme d'Yvon Deschamps serait sans doute le meilleur moyen de garantir un bel espace politique à Patrick Bourgeois et à ses amis.
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mdavid@ledevoir.com


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