L'équipe de rêve

Crise de leadership au PQ

Jean Charest s'était couvert de ridicule l'an dernier quand il avait affirmé le plus sérieusement du monde qu'à mi-chemin d'un premier mandat, son gouvernement avait fourni un meilleur rendement que ceux de Jean Lesage et de René Lévesque au même stade de leur existence.

Cet exemple devrait inspirer une certaine prudence à André Boisclair. Comparer d'avance sa future équipe à celle de René Lévesque en 1976 témoignait d'une prétention qu'on lui reproche déjà suffisamment.
En fin de semaine dernière, le chef du PQ a préféré parler d'une «équipe de rêve». C'est déjà mieux. Encore que certains députés et attachés politiques doivent plutôt commencer à faire des cauchemars à la perspective de voir débarquer Lisette Lapointe. La période préréférendaire a laissé de douloureux souvenirs. Même M. Boisclair, que Mme Lapointe a ouvertement appuyé pendant la course au leadership, ne donnait pas l'impression d'être très enthousiaste.
Rares sont les gens qui font l'unanimité, mais on doit reconnaître que la liste des candidats potentiels dressée par mon collègue Antoine Robitaille comprend des gens de qualité. S'ils décident de plonger, les Steven Guilbault, Réjean Thomas et Pierre Curzi apporteraient certainement une bouffée d'air frais.
Si elle constitue un avantage indéniable pendant une campagne électorale, la notoriété n'est cependant pas un gage de succès par la suite. Combien de Pierre Reid et de Sam Hamad pour un Philippe Couillard ?
Inversement, il arrive que de parfaits inconnus cachent des talents insoupçonnées. À côté de la pléiade de vedettes qui entouraient René Lévesque en 1976, Yves Bérubé était passé totalement inaperçu. À l'usage, il s'est révélé un des plus brillants et des plus efficaces du groupe.
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Le propre d'une équipe de rêve est précisément de faire rêver, même si le réveil est parfois brutal. De toute manière, une fois au pouvoir, il est toujours possible de se débarrasser de ceux qui ne font pas l'affaire, comme l'a fait Jean Charest.
En 2003, ses conseillers lui déconseillaient fortement de recruter Yves Séguin. Son premier passage en politique, dans le cabinet Bourassa, leur faisait entrevoir de nouveaux problèmes de discipline, mais M. Charest en avait assez de se faire demander qui serait son ministre des Finances. On connaît la suite.
En 1998, le chef du PLQ n'avait pas réussi à réunir une équipe suffisamment crédible, notamment sur le plan économique. À l'époque, l'ancien président de Téléglobe, Charles Sirois, alors au sommet de sa gloire, avait été chargé de recruter des candidats-vedettes dans le milieu des affaires, mais il avait fait chou blanc.
Pour l'heure, M. Boisclair n'en est pas à faire l'évaluation de ses ministres mais à chercher les personnes dont le prestige pourra apaiser les doutes de ceux qui s'interrogent sur ses propres capacités.
Au printemps 2003, toute la campagne du PQ avait été centrée exclusivement sur la personne de Bernard Landry. Dans les messages télévisés, Pauline Marois, François Legault, André Boisclair et Linda Goupil n'apparaissaient que furtivement, tels des ombres.
Avec un cabinet comprenant les Rémy Trudel, Solange Charest, Rosaire Bertrand et autres Jacques Baril, M. Landry pouvait difficilement parler d'une «équipe de rêve», mais il vantait continuellement la qualité de son équipe dans ses discours. Sauf qu'on ne la voyait jamais dans la publicité. Qu'il ait réussi à survivre aussi longtemps à la défaite du 14 avril 2003 n'en a été que plus étonnant.
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Même si M. Boisclair a son petit groupe d'encenseurs, il ne répétera sans doute pas cette erreur. Cela pourrait peut-être arriver après un premier mandat, mais pas aux prochaines élections.
S'il promet une équipe «à la Lévesque», il ne s'est jamais comparé au père fondateur du PQ ni à aucun de ses successeurs. Plusieurs lui reprochent un manque de modestie, mais il est conscient de ne pas être de la lignée des chefs historiques du PQ.
Dans un texte que Le Devoir publie aujourd'hui même en page Idées sous le titre «Quelle est la vraie nature d'André Boisclair ?», le [politologue Denis Monière->1972], qui a réalisé une étude lexicométrique des discours du chef péquiste, fait remarquer qu'il utilise le «nous» beaucoup plus souvent que le «je», ce qui suggérerait une conception collégiale du pouvoir.
Selon M. Monière, «si Boisclair donne l'impression d'avoir un ego surdimensionné, cela dépendrait moins du vocabulaire qu'il utilise que de son langage corporel». Une image vaut mille mots, direz-vous.
La collégialité a toutefois ses limites. Dans une campagne électorale, il n'y en a que pour le chef. Par le passé, les diverses tentatives de multiplier le nombre de porte-parole, aussi compétents qu'ils aient pu être, ont eu des résultats mitigés. La plupart du temps, une campagne se transforme en test pour les nerfs du chef, comme l'a si bien illustré le film de Jean-Claude Labrecque.
Certains au PQ s'inquiètent déjà des rapports entre M. Boisclair et la tribune de la presse du Parlement. Pendant ses années au gouvernement, il n'a jamais fait d'effort particulier pour maintenir des relations cordiales avec les journalistes. Il avait quelques favoris, mais il considérait les autres avec toute la hauteur dont il est capable. Encore aujourd'hui, une question jugée inappropriée est accueillie avec un souverain mépris.
Un mois de campagne, c'est long. Quand un chef de parti est traqué par une meute qui guette la moindre faiblesse pour attaquer, il n'y a plus d'équipe. Il n'a même plus le loisir de rêver.
mdavid@ledevoir.com


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