L'éloge de la richesse

PQ et SPQ-Libre


Au lendemain du congrès péquiste de juin 2005, les dirigeants du nouveau «club politique» auquel il avait donné naissance, le SPQ libre, s'étaient félicités ouvertement que les délégués aient adopté un programme calqué sur le programme syndical.
Il était en effet prévu qu'un gouvernement péquiste s'emploierait à «élargir la syndicalisation», qui était reconnue comme la «voie privilégiée» vers une société plus juste et plus humaine. Des modifications en ce sens seraient apportées au Code du travail et les lois visant la protection des travailleurs seraient renforcées.
Aux élections de mars 2007, la perception selon laquelle le PQ était devenu l'instrument des syndicats a sans doute contribué à la déconfiture d'André Boisclair et à l'ascension fulgurante de l'ADQ, qui ne manquait aucune occasion d'exploiter les préjugés antisyndicaux d'une bonne partie de la population.
Après avoir pris la direction du PQ, Pauline Marois a vite réalisé qu'elle n'arriverait pas à se débarrasser du SPQ libre, comme elle le souhaitait, mais elle a entrepris de recentrer son parti en proposant une «modernisation» de la social-démocratie.
La «création de la richesse», qui fera l'objet du prochain colloque du PQ les 13 et 14 mars, était totalement absente du programme de 2005, comme de la «feuille de route» d'André Boisclair en 2007. Au PQ, on a toujours préféré parler de lutte contre la pauvreté. Quand il était question de richesse, c'était pour débattre des façons de la redistribuer. Comme si elle existait a priori.
C'est seulement au conseil national de mars 2008, à Saint-Hyacinthe, que la «création de la richesse» est devenue un engagement du PQ, au grand déplaisir du SPQ libre, qui s'était vivement opposé à l'élimination de la taxe sur le capital et à la baisse du taux marginal effectif d'imposition des entreprises. «C'est déjà le programme du PLQ, de l'ADQ, et surtout de l'Institut économique de Montréal», avaient fait valoir ses porte-parole habituels, Marc Laviolette et Pierre Dubuc.
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Ce n'était là qu'une première étape. Mme Marois entend maintenant que la création de la richesse devienne un objectif officiellement inscrit dans le programme qui sera adopté au congrès du printemps 2011.
Le document élaboré en prévision du colloque des 13 et 14 mars, intitulé «Gouvernement souverainiste et création de la richesse», invite les militants à discuter des nouveaux incitatifs fiscaux qui permettraient aux entreprises québécoises d'affronter la concurrence internationale, de la possibilité d'éliminer la taxe sur la masse salariale ou encore d'un recours accru aux taxes à la consommation plutôt qu'à l'impôt sur le revenu.
Ces propositions ne sont pas précisément de nature à enthousiasmer la gauche du parti. Québec solidaire se fera certainement un plaisir d'accueillir ceux qui préfèrent «faire payer les riches».
Pour faire bonne mesure, le document évoque une augmentation des redevances exigées des compagnies minières et s'interroge sur les moyens de faire bénéficier l'ensemble de la société de la commercialisation de l'eau.
Le virage n'en est pas moins réel. Jusqu'à présent, c'était plutôt dans les colloques libéraux qu'on glorifiait la «culture entrepreneuriale» et qu'on souhaitait éliminer «tous les obstacles bureaucratiques auxquels se heurtent les petites et moyennes entreprises».
Depuis sa création, le PQ avait toujours eu une vision résolument collective du développement économique. On n'avait encore jamais lu dans un document officiel du parti qu'«un gouvernement souverainiste mettra l'accent sur l'enrichissement des individus à chaque étape de la vie».
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Le PQ ne peut pas publier un document sans qu'il y soit question de souveraineté, au moins à la pièce. Jusqu'à présent, Mme Marois parlait de récupérer tous les pouvoirs dans les domaines directement liés à l'identité québécoise, particulièrement l'immigration, la culture et les communications.
Son intérêt pour la création de la richesse semble avoir stimulé son appétit. Pour simplifier la vie des entreprises, qui doivent multiplier les démarches, on se demande maintenant si un gouvernement souverainiste ne devrait pas rapatrier «tous les outils de développement économique d'Ottawa».
Puisque les organismes subventionnaires fédéraux imposent des priorités de recherche souvent très différentes de celles du Québec, par exemple en matière de changements climatiques ou d'énergies propres, ne faudrait-il pas «négocier un espace fiscal avec le gouvernement fédéral afin de contrôler l'ensemble du financement des subventions de recherche»?
Bien entendu, seule la souveraineté pourra régler le problème une fois pour toutes. Les sondages ne sont pas très encourageants, mais le PQ pourrait peut-être s'inspirer de l'exemple du Scottish National Party, qui vient tout juste de faire connaître la question qu'il entend poser lors d'un éventuel référendum sur l'indépendance de l'Écosse.
Il s'agit plutôt de deux questions. Dans un premier temps, les électeurs devront dire s'ils sont en faveur de l'extension des pouvoirs du Parlement (écossais). Par la suite, ils devront préciser s'ils sont d'accord pour que ces pouvoirs soient étendus «de façon à rendre possible la réalisation de l'indépendance». À première vue, le oui semble au moins assuré d'une demi-victoire. Dire qu'on trouvait la question de 1995 tordue!


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