L'échec de Pauline Marois

Pacte électoral - gauche et souverainiste



Comment, en voyant Jacques Parizeau quitter hier midi l'Assemblée nationale au bras de Lisette Lapointe, son épouse démissionnaire du caucus du Parti québécois, ne pas se rappeler novembre 1984? Ministre des Finances dans le gouvernement de René Lévesque, il partait alors avec plusieurs autres collègues pour marquer leur refus de la mise entre parenthèses de la souveraineté au profit du «beau risque», cette invitation du premier ministre Brian Mulroney à tenter de renouveler le fédéralisme que René Lévesque venait d'accepter. Ce fut pour ce parti le début d'une longue traversée du désert qui dura 10 ans.
La démission de l'aile parlementaire péquiste des députés Louise Beaudoin, Pierre Curzi et Lisette Lapointe porte de la même façon au grand jour une crise interne qui germait depuis longtemps. La fronde de ces trois députés, trois ténors du parti, aura les mêmes effets, d'abord sur l'autorité de la chef péquiste qui est directement attaquée et sur son image auprès de la population, puis sur la cause de la souveraineté.
Cette nouvelle crise au sein du Parti québécois annonce-t-elle un autre passage à vide d'une décennie? Sa victoire aux prochaines élections, qui depuis des mois semblait acquise, pourrait ne plus être assurée, surtout en ces temps de très forte volatilité de l'électorat. Faut-il rappeler ce qui est arrivé au Bloc québécois le 2 mai? Faut-il souligner que, dans les coulisses, François Legault et sa Coalition pour l'avenir du Québec se préparent à venir sur le terrain du Parti québécois où s'active aussi Amir Khadir, le co-chef de Québec solidaire?
Le déclencheur de cette fronde est l'exigence de solidarité imposée par Pauline Marois à tous ses députés sur le projet de loi privé numéro 204 avalisant rétrospectivement l'entente de gestion du futur amphithéâtre sportif intervenue entre la Ville de Québec et Quebecor. Au sein de l'aile parlementaire, comme au sein du parti, de nombreuses réserves et oppositions ont été exprimées qu'elle n'a pas voulu entendre. Elle connaissait l'inconfort de plusieurs députés à devoir voter pour une loi qui soustrait cette entente à l'application de lois votées par l'Assemblée nationale, mais sa rigidité a conduit à ce rejet de «l'autorité outrancière d'une direction obsédée par le pouvoir».
Mais il y a plus que le refus de l'autorité d'un chef. Il y a la nature même du Parti québécois, devenu à sa manière un «vieux parti» obsédé par le pouvoir. Un pouvoir qui est la condition essentielle pour atteindre la souveraineté du Québec, mais qui le conduit à renier ses principes pour quelques voix. Il y a «une certaine façon de faire la politique», soulignait hier Louise Beaudoin, selon qui la politique est en train de mourir, une allusion au cynisme des électeurs envers la classe politique dont on sait qu'ils peuvent réagir de manière imprévue.
Le débat sur le projet de loi 204 aura eu l'effet contraire à celui escompté par Pauline Marois. Son «arrêtons de niaiser» lancé devant la Chambre de commerce de Québec à propos de l'amphithéâtre du maire Labeaume valait sans doute dans son esprit aussi pour le projet souverainiste. Elle voulait démontrer, en prenant à son compte la défense du projet d'amphithéâtre, qu'elle a l'étoffe d'une première ministre qui saura conduire le Québec à la souveraineté. La démonstration a échoué.
La présence de Jacques Parizeau hier à Québec aux côtés de sa «députée favorite» ajoute au déshonneur. Par ce geste symbolique, il lui dit qu'il n'en pense pas moins qu'en 1984. Le message est tout en subtilité, mais très clair.
Pauline Marois ressort affaiblie de ce premier acte. D'autres épisodes suivront, car quelques autres députés partagent le même malaise que les trois démissionnaires. Surtout, elle ne sera plus jamais certaine de son autorité sur le parti malgré les 93 % d'appuis obtenus au congrès d'avril. Elle est blessée. Irrémédiablement? Les élections étant maintenant relativement près, personne ne voudra demander sa tête. Le Parti libéral a déjà pris le risque de changer de chef à la veille d'une élection, mais on ne voit pas de sauveur à l'horizon pour le Parti québécois. Gilles Duceppe est aussi un chef blessé. Il lui reste comme seule possibilité d'affronter l'adversité, les yeux grands ouverts... sachant maintenant où sont ses adversaires et ses ennemis.


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